Alors que dans notre pays, la pandémie fait plus de ravages que jamais et que les services de réanimation fonctionnent à plein régime, se pose la question des facteurs qui peuvent perturber l’immunité et le cas échéant rendre un antibiotique inefficace face un germe résistant. Il y a quelques jours, nous avions consacré sur ces mêmes colonnes un dossier sur les maladies nosocomiales, c’est-à-dire contractées dans les hôpitaux. Le Dr Mohamed Khatouf, professeur de réanimation et chef du service de réanimation du CHU de Fès, nous avait alors expliqué que, comparativement à l’Europe, le Maroc n’était pas touché aussi fortement par l’apparition de germes résistant aux antibiotiques, mais que cette problématique était présente et qu’elle devenait de plus en plus préoccupante, surtout dans les grands services de réanimation.
Un problème mondial
À l’origine de l’antibiorésistance, il y a le mauvais usage des antibiotiques chez les humains mais également chez l’animal. La nécessité de lutter contre ce phénomène au niveau mondial prend de plus en plus d’ampleur, face à un arsenal limité d’antibiotiques, une recherche scientifique qui prend un temps considérable avant de découvrir de nouvelles molécules et surtout face à un contexte pandémique où l’apparition de germes résistants est une dynamique qui ne s’arrête pas et qui inquiète les spécialistes au plus haut point. « C’est un sujet très sensible où souvent on se rejette la patate chaude d’un côté ou de l’autre. C’est une thématique prioritaire au niveau mondial qui concerne trois organisations onusiennes mondiales : l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO) et l’Organisation mondiale de la santé animale », confie une microbiologiste qui a souhaité rester anonyme.
Santé animale et santé humaine
Interrogée sur la contribution des viandes animales dans la problématique des antibiorésistances, notre interlocutrice souligne que « quand une personne consomme une viande qui contient des résidus médicamenteux, elle peut éventuellement développer une résistance à un antibiotique qui fait partie de ces résidus. Le risque de développer une résistance est cependant beaucoup plus important quand une personne utilise un antibiotique alors que ce n’est pas justifié ou encore quand elle l’utilise sans aller jusqu’au bout du traitement ». Notre source précise que le Royaume dispose d’un plan de lutte contre l’antibiorésistance qui est piloté par le ministère de la Santé avec l’implication du ministère de l’Agriculture. « Malgré les efforts consentis, notre plus grand problème est celui de la sensibilisation. Chacun contribue à amplifier le problème de l’antibiorésistance et donc chacun doit être conscient de son devoir et de sa responsabilité », souligne la microbiologiste.
Les rejets d’eaux usées des hôpitaux
« Il ne faut pas oublier le problème des rejets d’eaux usées des hôpitaux qui contiennent également des résidus médicamenteux. Les stations de traitement n’arrivent pas à éliminer ces résidus qui, ainsi, restent dans la nature et notamment dans les écosystèmes côtiers. Par conséquent, ils se concentrent au niveau des diverses composantes du milieu et deviennent, par exemple, des perturbateurs endocriniens quand ils se concentrent dans les organismes de poissons qu’on va consommer », souligne pour sa part Pr Mohamed Fekhaoui, directeur de l’Institut Scientifique de Rabat. « On peut citer un autre exemple de l’impact sur l’environnement. Quand des ovins sont traités excessivement, il arrive que leurs déjections deviennent quasiment non dégradables dans la nature et qui de composant naturel pour le sol, se transforment en polluants », souligne le scientifique.
À noter que les services vétérinaires marocains ont établi et mis en oeuvre à partir de l’an 2000 des plans de surveillance des résidus des médicaments vétérinaires et des contaminants de l’environnement, pour la filière ovine et les produits de la pêche et de l’aquaculture. Ces plans sont mis en oeuvre dans l’objectif de préserver la santé des consommateurs et permettre aux produits marocains d’accéder aux marchés de l’Union Européenne.
Un problème mondial
À l’origine de l’antibiorésistance, il y a le mauvais usage des antibiotiques chez les humains mais également chez l’animal. La nécessité de lutter contre ce phénomène au niveau mondial prend de plus en plus d’ampleur, face à un arsenal limité d’antibiotiques, une recherche scientifique qui prend un temps considérable avant de découvrir de nouvelles molécules et surtout face à un contexte pandémique où l’apparition de germes résistants est une dynamique qui ne s’arrête pas et qui inquiète les spécialistes au plus haut point. « C’est un sujet très sensible où souvent on se rejette la patate chaude d’un côté ou de l’autre. C’est une thématique prioritaire au niveau mondial qui concerne trois organisations onusiennes mondiales : l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO) et l’Organisation mondiale de la santé animale », confie une microbiologiste qui a souhaité rester anonyme.
Santé animale et santé humaine
Interrogée sur la contribution des viandes animales dans la problématique des antibiorésistances, notre interlocutrice souligne que « quand une personne consomme une viande qui contient des résidus médicamenteux, elle peut éventuellement développer une résistance à un antibiotique qui fait partie de ces résidus. Le risque de développer une résistance est cependant beaucoup plus important quand une personne utilise un antibiotique alors que ce n’est pas justifié ou encore quand elle l’utilise sans aller jusqu’au bout du traitement ». Notre source précise que le Royaume dispose d’un plan de lutte contre l’antibiorésistance qui est piloté par le ministère de la Santé avec l’implication du ministère de l’Agriculture. « Malgré les efforts consentis, notre plus grand problème est celui de la sensibilisation. Chacun contribue à amplifier le problème de l’antibiorésistance et donc chacun doit être conscient de son devoir et de sa responsabilité », souligne la microbiologiste.
Les rejets d’eaux usées des hôpitaux
« Il ne faut pas oublier le problème des rejets d’eaux usées des hôpitaux qui contiennent également des résidus médicamenteux. Les stations de traitement n’arrivent pas à éliminer ces résidus qui, ainsi, restent dans la nature et notamment dans les écosystèmes côtiers. Par conséquent, ils se concentrent au niveau des diverses composantes du milieu et deviennent, par exemple, des perturbateurs endocriniens quand ils se concentrent dans les organismes de poissons qu’on va consommer », souligne pour sa part Pr Mohamed Fekhaoui, directeur de l’Institut Scientifique de Rabat. « On peut citer un autre exemple de l’impact sur l’environnement. Quand des ovins sont traités excessivement, il arrive que leurs déjections deviennent quasiment non dégradables dans la nature et qui de composant naturel pour le sol, se transforment en polluants », souligne le scientifique.
À noter que les services vétérinaires marocains ont établi et mis en oeuvre à partir de l’an 2000 des plans de surveillance des résidus des médicaments vétérinaires et des contaminants de l’environnement, pour la filière ovine et les produits de la pêche et de l’aquaculture. Ces plans sont mis en oeuvre dans l’objectif de préserver la santé des consommateurs et permettre aux produits marocains d’accéder aux marchés de l’Union Européenne.
Oussama ABAOUSS
Encadré
Stratégies : Coordination nationale pour la surveillance de la résistance aux antimicrobiens
Il y a tout juste une année, le ministère de la Santé mettait en place une stratégie nationale de lutte contre la résistance aux antimicrobiens. Cette feuille de route a été adoptée dans le cadre de la mise en oeuvre du Plan santé 2025, et l’opérationnalisation du partenariat entre le ministère de la Santé et l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) relatif au renforcement des mesures de lutte contre la résistance aux antimicrobiens afin d’atteindre les objectifs du développement durable à l’horizon 2030. L’objectif de cette stratégie est d’assurer la prévention contre les maladies contagieuses, garantir l’efficacité des soins et des traitements, et de limiter le taux de mortalité. La stratégie du ministère de la Santé s’articule autour du renforcement des compétences et de l’expertise des professionnels de la Santé en matière de surveillance et de recherche, le renforcement des mécanismes de gouvernance pour lutter contre la résistance aux antimicrobiens, la réduction de l’incidence des infections grâce à la prévention et au contrôle des facteurs de risques, l’amélioration de la sensibilisation et de l’expérience en la résistance aux antimicrobiens et la rationalisation de l’utilisation des antibiotiques chez l’homme. Un système national de surveillance de la résistance aux antimicrobiens a par ailleurs été mis en place à travers la création d’une Unité de Coordination Nationale pour la Surveillance de la Résistance aux Antimicrobiens et la mise en place d’un Comité Technique de la Surveillance de la Résistance aux Antimicrobiens (CT-SRAM).
Il y a tout juste une année, le ministère de la Santé mettait en place une stratégie nationale de lutte contre la résistance aux antimicrobiens. Cette feuille de route a été adoptée dans le cadre de la mise en oeuvre du Plan santé 2025, et l’opérationnalisation du partenariat entre le ministère de la Santé et l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) relatif au renforcement des mesures de lutte contre la résistance aux antimicrobiens afin d’atteindre les objectifs du développement durable à l’horizon 2030. L’objectif de cette stratégie est d’assurer la prévention contre les maladies contagieuses, garantir l’efficacité des soins et des traitements, et de limiter le taux de mortalité. La stratégie du ministère de la Santé s’articule autour du renforcement des compétences et de l’expertise des professionnels de la Santé en matière de surveillance et de recherche, le renforcement des mécanismes de gouvernance pour lutter contre la résistance aux antimicrobiens, la réduction de l’incidence des infections grâce à la prévention et au contrôle des facteurs de risques, l’amélioration de la sensibilisation et de l’expérience en la résistance aux antimicrobiens et la rationalisation de l’utilisation des antibiotiques chez l’homme. Un système national de surveillance de la résistance aux antimicrobiens a par ailleurs été mis en place à travers la création d’une Unité de Coordination Nationale pour la Surveillance de la Résistance aux Antimicrobiens et la mise en place d’un Comité Technique de la Surveillance de la Résistance aux Antimicrobiens (CT-SRAM).
3 questions au Pr Mohamed Fekhaoui, directeur de l’Institut Scientifique de Rabat
Mohamed Fekhaoui
« Les autorités sanitaires jouent leur rôle, mais restent limitées par le manque de moyens »
Le directeur de l’Institut Scientifique de Rabat, Pr Mohamed Fekhaoui, a répondu à nos questions à propos de l’utilisation excessive des antibiotiques dans l’élevage.
- Quelle est l’ampleur de l’usage excessif des antibiotiques dans l’élevage au Maroc ?
- C’est une problématique qui commence à s’imposer dans certains élevages, notamment les fermes avicoles. Les animaux fragiles nécessitent un traitement spécifique, mais certains de nos travaux ont démontré qu’il y avait des traces de médicaments utilisés dans les fientes des fermes d’élevage. Le problème posé actuellement est qu’il y a des gens qui utilisent ces fientes dans l’engraissement du bétail, surtout les ovins, ce qui représente un risque aussi bien sur l’environnement que sur la santé des consommateurs.
- Quelles sont les causes de cette utilisation excessive des médicaments et des antibiotiques ?
- Cela est globalement dû à l’inconscience et à la méconnaissance des risques. Beaucoup d’éleveurs n’ont pas un niveau d’instruction minimum. En cherchant le gain, ils engraissent le plus rapidement possible sans vraiment réaliser les conséquences de ce qu’ils font. Il y a également des produits de contrebande qui sont vendus d’une manière illégale, malgré les efforts étatiques pour lutter contre cela.
- Comment lutter contre ce phénomène ?
- Les autorités sanitaires jouent leur rôle, mais restent limitées par le manque de moyens. Normalement, il faudrait d’abord veiller à ce que les produits soient utilisés par des personnes qualifiées. Il faut aussi des campagnes de sensibilisation sur le danger de l’utilisation excessive des médicaments dans l’élevage. Une consigne claire devrait également interdire formellement la vente et l’utilisation de ces fientes dans l’engraissement.
Le directeur de l’Institut Scientifique de Rabat, Pr Mohamed Fekhaoui, a répondu à nos questions à propos de l’utilisation excessive des antibiotiques dans l’élevage.
- Quelle est l’ampleur de l’usage excessif des antibiotiques dans l’élevage au Maroc ?
- C’est une problématique qui commence à s’imposer dans certains élevages, notamment les fermes avicoles. Les animaux fragiles nécessitent un traitement spécifique, mais certains de nos travaux ont démontré qu’il y avait des traces de médicaments utilisés dans les fientes des fermes d’élevage. Le problème posé actuellement est qu’il y a des gens qui utilisent ces fientes dans l’engraissement du bétail, surtout les ovins, ce qui représente un risque aussi bien sur l’environnement que sur la santé des consommateurs.
- Quelles sont les causes de cette utilisation excessive des médicaments et des antibiotiques ?
- Cela est globalement dû à l’inconscience et à la méconnaissance des risques. Beaucoup d’éleveurs n’ont pas un niveau d’instruction minimum. En cherchant le gain, ils engraissent le plus rapidement possible sans vraiment réaliser les conséquences de ce qu’ils font. Il y a également des produits de contrebande qui sont vendus d’une manière illégale, malgré les efforts étatiques pour lutter contre cela.
- Comment lutter contre ce phénomène ?
- Les autorités sanitaires jouent leur rôle, mais restent limitées par le manque de moyens. Normalement, il faudrait d’abord veiller à ce que les produits soient utilisés par des personnes qualifiées. Il faut aussi des campagnes de sensibilisation sur le danger de l’utilisation excessive des médicaments dans l’élevage. Une consigne claire devrait également interdire formellement la vente et l’utilisation de ces fientes dans l’engraissement.
Recueillis par O. A.
Repères
Moutons et viande verte
Antibiotiques et plantes médicinalesLors de l’Aïd Al Adha de 2017, des centaines de personnes ont été surprises de découvrir que leurs moutons avaient une viande verdâtre. Suite à des analyses réalisées par les autorités sanitaires, il a été conclu qu’il s’agissait d’infection bactérienne. 70% des cas étaient dus à une alimentation à base d’excréments de poulets, 20% étaient dus à l’absorption de médicaments et 10% dus à divers autres facteurs. Cet épisode, qui avait défrayé la chronique, avait donné lieu à près de 670 plaintes.
Le Pr Adnane Remmal, chercheur et professeur marocain de biologie, a été nominé au Prix de l’Inventeur Européen 2017 dans la catégorie « Pays non membre de l’OEB » (Office Européen des Brevets), pour avoir développé une nouvelle méthode améliorant considérablement l’efficacité des antibiotiques grâce à leur combinaison avec les propriétés antibactériennes de certaines plantes médicinales. Sans provoquer d’effets secondaires, les antibiotiques « stimulés » du chercheur marocain sont également efficaces contre les bactéries résistantes.