La cause sacrée des Marocains continue de monopoliser les efforts de la diplomatie marocaine qui tente de clore ce dossier hérité de la guerre froide. Au moment où le Maroc commence à remporter la bataille politique et à gagner l’appui de la communauté internationale, une bataille plus importante reste à gagner : celle de l’opinion, sachant que les poches de résistance idéologique continuent de contester la légitimité des revendications du Royaume sur un territoire qui lui appartient de par l'Histoire. D’où la nécessité de s'approprier l'Histoire du Sahara marocain. Sommes-nous assez conscients de cette Histoire millénaire ? La réponse avec l'historien marocain, Noureddine Belhaddad, chercheur à l'Institut des études africaines relevant de l'Université Mohammed V de Rabat qui estime que ces dernières années ont vu une prise de conscience au niveau national de l’importance de fouiller dans l’Histoire du Sahara, qui demeure, tout de même, très méconnue du grand public. Selon notre interlocuteur, l’Histoire a été si dévoyée par la version coloniale que la thèse remettant en cause la marocanité du Sahara est devenue une certitude dans quelques salons intellectuels en Europe et en Amérique latine.
Au-delà de la bataille politique, le front de l’appropriation de l’histoire est tout aussi important. D’où l’importance de déterrer la vérité historique par les chercheurs marocains au moment où on assiste à une falsification de l’histoire du Sahara par la propagande algérienne. Une tâche difficile, selon Noureddine Belhaddad qui reconnaît que le premier défi que rencontrent les historiens est la rareté des sources fiables. “Au début de ma carrière, j’ai eu de la peine à trouver des documents et de l’archive”. Selon lui, quelques preuves tangibles de la marocanité du Sahara se trouvent entassées dans les archives poussiéreuses à Paris et à Madrid.
Pourtant, les faits historiques sont indéniables. “L’Histoire du Sahara date de plusieurs siècles et pas seulement de la marche verte comme quelques-uns ont tendance à croire”, précise l’historien qui explique que les tribus sahraouies ont prêté allégeance à Idriss II. Depuis l’époque du successeur du fondateur de la première dynastie marocaine, la prière du vendredi dans les régions du Sahara se disait au nom du sultan, rappelle l’historien. “ Même les échanges se faisaient par le rial hassani avant l’arrivée des colons espagnols”, explique M. Belhaddad.
Concernant l’administration, l’historien avance une hypothèse audacieuse : le plan d’autonomie présenté par le Maroc aujourd’hui fut bel et bien une réalité depuis des siècles avant l'ère coloniale dans la mesure où les sultans nommaient les caïds en fonction des choix des tribus sahariennes. Cette coutume a été surtout pratiquée et préservée par les monarques alaouites. Force est de rappeler ici que le fondateur de la ville de Smara, Cheikh Ma El Aïnin, a été soutenu et chargé par le sultan Moulay Abdelaziz de mener la résistance contre les colons au début du 20ème siècle. Quelques années plus tôt, en 1884, les espagnols furent chassés de Río de Oro quelques mois après avoir proclamé le protectorat, selon l’historien, qui met en avant le fait qu’entre 1884 et 1904, les tribus locales avaient renouvelé chaque année leur allégeance aux sultans de l’époque Hassan Ier et Moulay Abdelaziz. Ces derniers percevaient l'impôt et affirmaient leur autorité, malgré les pressions coloniales des anglais et des espagnols qui convoitaient le Sahara et y avaient installé des comptoirs commerciaux comme celui de Donald Mckenzie à Rio del Mar.
“Les relations entre les sultans du Maroc et les tribus d’Oulad Dlim, Oulad Tidrarin, zergiyin, Laaroussiyin sont établies par l’Histoire”, poursuit Noureddine Belhaddad, selon lequel ces tribus séculaires du Sahara ont toujours eu une représentation du Makhzen central. Ces liens se sont réaffirmés lors de la visite de feu Mohammed V à M'Hamid El Ghizlane 25 février 1958. A ce moment, l’Armée de libération luttait pour chasser les Espagnols, avant qu’elle ne soit neutralisée par l’opération Ecouvillon, lancée par l’Armée française.
Ces liens d'allégeance n’ont pas échappé à la Cour internationale de Justice qui, dans son avis consultatif de 1975, a reconnu leur existence et que le Sahara n’a jamais été une terra nullius. Une affirmation assez suffisante pour le Maroc qui s'en fut félicité ensuite pour récupérer son territoire par la Marche verte. Pourtant, l'avis a laissé persister une certaine ambiguïté en ne reconnaissant pas un lien de souveraineté bien qu’elle ait établi le lien d'allégeance. Sur ce point, M. Belhaddad explique ceci par la méconnaissance des occidentaux du droit public musulman et le principe même de la “Baiâa”. “ Le dossier qu’avait présenté le Maroc aux juges de la Haye contenait des documents datant de l’époque des Saadiens et des premiers sultans alaouites, ce qui a convaincu les juges que les liens d’allégeance ont vraiment existé”, affirme notre invité, soulignant que l’avis consultatif de la CIJ fut une victoire juridique pour le Royaume du Maroc.
La tâche ne fut pas facile et nécessitait une forte bataille juridique contre les espagnols à la Haye. “Le général Franco était un homme très dur à la compréhension de la décolonisation et pensait que le Maroc était incapable d’administrer le Sahara en cas de rétrocession”, reprend M. Belhaddad.
Retrouvez l’intégralité de l'interview dans la vidéo. Rendez-vous la semaine prochaine pour un nouvel épisode. Même sujet, même invité.
Au-delà de la bataille politique, le front de l’appropriation de l’histoire est tout aussi important. D’où l’importance de déterrer la vérité historique par les chercheurs marocains au moment où on assiste à une falsification de l’histoire du Sahara par la propagande algérienne. Une tâche difficile, selon Noureddine Belhaddad qui reconnaît que le premier défi que rencontrent les historiens est la rareté des sources fiables. “Au début de ma carrière, j’ai eu de la peine à trouver des documents et de l’archive”. Selon lui, quelques preuves tangibles de la marocanité du Sahara se trouvent entassées dans les archives poussiéreuses à Paris et à Madrid.
Pourtant, les faits historiques sont indéniables. “L’Histoire du Sahara date de plusieurs siècles et pas seulement de la marche verte comme quelques-uns ont tendance à croire”, précise l’historien qui explique que les tribus sahraouies ont prêté allégeance à Idriss II. Depuis l’époque du successeur du fondateur de la première dynastie marocaine, la prière du vendredi dans les régions du Sahara se disait au nom du sultan, rappelle l’historien. “ Même les échanges se faisaient par le rial hassani avant l’arrivée des colons espagnols”, explique M. Belhaddad.
Concernant l’administration, l’historien avance une hypothèse audacieuse : le plan d’autonomie présenté par le Maroc aujourd’hui fut bel et bien une réalité depuis des siècles avant l'ère coloniale dans la mesure où les sultans nommaient les caïds en fonction des choix des tribus sahariennes. Cette coutume a été surtout pratiquée et préservée par les monarques alaouites. Force est de rappeler ici que le fondateur de la ville de Smara, Cheikh Ma El Aïnin, a été soutenu et chargé par le sultan Moulay Abdelaziz de mener la résistance contre les colons au début du 20ème siècle. Quelques années plus tôt, en 1884, les espagnols furent chassés de Río de Oro quelques mois après avoir proclamé le protectorat, selon l’historien, qui met en avant le fait qu’entre 1884 et 1904, les tribus locales avaient renouvelé chaque année leur allégeance aux sultans de l’époque Hassan Ier et Moulay Abdelaziz. Ces derniers percevaient l'impôt et affirmaient leur autorité, malgré les pressions coloniales des anglais et des espagnols qui convoitaient le Sahara et y avaient installé des comptoirs commerciaux comme celui de Donald Mckenzie à Rio del Mar.
“Les relations entre les sultans du Maroc et les tribus d’Oulad Dlim, Oulad Tidrarin, zergiyin, Laaroussiyin sont établies par l’Histoire”, poursuit Noureddine Belhaddad, selon lequel ces tribus séculaires du Sahara ont toujours eu une représentation du Makhzen central. Ces liens se sont réaffirmés lors de la visite de feu Mohammed V à M'Hamid El Ghizlane 25 février 1958. A ce moment, l’Armée de libération luttait pour chasser les Espagnols, avant qu’elle ne soit neutralisée par l’opération Ecouvillon, lancée par l’Armée française.
Ces liens d'allégeance n’ont pas échappé à la Cour internationale de Justice qui, dans son avis consultatif de 1975, a reconnu leur existence et que le Sahara n’a jamais été une terra nullius. Une affirmation assez suffisante pour le Maroc qui s'en fut félicité ensuite pour récupérer son territoire par la Marche verte. Pourtant, l'avis a laissé persister une certaine ambiguïté en ne reconnaissant pas un lien de souveraineté bien qu’elle ait établi le lien d'allégeance. Sur ce point, M. Belhaddad explique ceci par la méconnaissance des occidentaux du droit public musulman et le principe même de la “Baiâa”. “ Le dossier qu’avait présenté le Maroc aux juges de la Haye contenait des documents datant de l’époque des Saadiens et des premiers sultans alaouites, ce qui a convaincu les juges que les liens d’allégeance ont vraiment existé”, affirme notre invité, soulignant que l’avis consultatif de la CIJ fut une victoire juridique pour le Royaume du Maroc.
La tâche ne fut pas facile et nécessitait une forte bataille juridique contre les espagnols à la Haye. “Le général Franco était un homme très dur à la compréhension de la décolonisation et pensait que le Maroc était incapable d’administrer le Sahara en cas de rétrocession”, reprend M. Belhaddad.
Retrouvez l’intégralité de l'interview dans la vidéo. Rendez-vous la semaine prochaine pour un nouvel épisode. Même sujet, même invité.