Nous sommes au cœur de Bakou, capitale de l'Azerbaïdjan, devant le pittoresque paysage de la côte de la mer caspienne, où est situé “le parc des trophées”. Une sorte de musée à ciel ouvert où les Azerbaidjanais exposent fièrement leur butin arménien après la victorieuse guerre au Karabakh, région si chère aux Azerbaidjanais qui l'ont récupérée par la force des armes en 2020, après trente ans de négociations infructueuses. Ce vaste expo ressemble à un champ de bataille avec des ruines des chars T-72 détruits, des véhicules blindés brûlés, des fils barbelés, des tranchées reproduites telles qu’elles furent durant la guerre, des postes de garde souterrains, armes anti-aériennes russes décomposées, des champs de mine simulés, tout est si bien installé de sorte à donner l’impression aux visiteurs qu’ils sont au cœur du théâtre des opérations et, surtout, en terrain conquis.
En marchant dans les artères ensoleillées de ce “musée de la victoire”, on comprend bien à quel point les Azerbaidjanais veulent que tout le monde sache leur gloire tout en prenant soin de galvaniser leur patriotisme en illustrant la débâcle arménienne.
C’est aussi une mise en scène aussi triomphale que macabre de la guerre de quarante-quatre jours à l’issue de laquelle l’Armée azérie a infligé une sacrée défaite à l’Arménie grâce à une offensive éclair, perçue par les experts comme une prouesse militaire. Cette victoire a resoudé tout un peuple derrière le président, Ilham Aliyev, qui s’est fait réélire, début février, avec 93,9% des suffrages. Une évidence pour la majorité des Azerbaidjanais qui lui sont reconnaissants de les avoir conduits à la victoire. Un thème qui revient souvent dans la bouche des responsables gouvernementaux que nous avons rencontrés lors d’une série de réunions à Bakou.
En marchant dans les artères ensoleillées de ce “musée de la victoire”, on comprend bien à quel point les Azerbaidjanais veulent que tout le monde sache leur gloire tout en prenant soin de galvaniser leur patriotisme en illustrant la débâcle arménienne.
C’est aussi une mise en scène aussi triomphale que macabre de la guerre de quarante-quatre jours à l’issue de laquelle l’Armée azérie a infligé une sacrée défaite à l’Arménie grâce à une offensive éclair, perçue par les experts comme une prouesse militaire. Cette victoire a resoudé tout un peuple derrière le président, Ilham Aliyev, qui s’est fait réélire, début février, avec 93,9% des suffrages. Une évidence pour la majorité des Azerbaidjanais qui lui sont reconnaissants de les avoir conduits à la victoire. Un thème qui revient souvent dans la bouche des responsables gouvernementaux que nous avons rencontrés lors d’une série de réunions à Bakou.
Les FAR et l'engouement azéri
À vrai dire, la guerre du Karabakh a donné à l'Azerbaïdjan un retentissement international. Peu de gens, sauf les géographes et les observateurs férus de l’actualité internationale, connaissaient avant ce conflit ce pays qui regorge d’hydrocarbures. Mais, la victoire de Bakou sur les Arméniens a été si spectaculaire que tous les experts du monde y ont braqué leurs regards. Au Maroc, cette guerre a été suivie par les férus de la chose militaire tant elle a été annonciatrice de la guerre moderne avec l’usage massif des drones. Même au sein des FAR, des militaires ont suivi le cours des opérations avec intérêt, nous confie un haut gradé, qui n’a pu s’empêcher de dire que l’Armée azerbaïdjanaise a fait preuve d’un “saut qualitatif”, voire une rupture tactique. Nombreux sont les responsables militaires à s’intéresser à ce pays avec qui les relations sont si bonnes sur le plan politique.
Bakou disposé à coopérer
Les autorités azerbaïdjanaises sont d’ores et déjà disposées à coopérer étroitement avec le Maroc, y compris dans le domaine militaire, nous confie Hikmat Hajiyev, Conseiller du président Aliyev, qui nous a reçus, le 5 février, au siège de la présidence à Bakou, aux allures des grands palais soviétiques. Les deux pays ont d’ores et déjà commencé à en parler sérieusement. Selon nos informations, les perspectives d’une coopération militaire ont été longuement discutées lors d’une rencontre informelle qui est passée à l’abri des regards médiatiques entre le ministre délégué auprès du Chef du gouvernement chargé de l'Administration de la Défense nationale, Abdellatif Loudiyi, et le ministre azerbaidjanais de l’Industrie de Défense, en marge de la conférence internationale de la Défense IDEX 2023 qui s’est tenue le 21 février à Dubaï.
Le gouvernement azerbaïdjanais est prêt à aller le plus loin possible dans cette coopération qui, bien qu’embryonnaire, s’avère prometteuse aux yeux des responsables marocains. Concrètement, l'Azerbaïdjan offre les joyaux de son industrie militaire, que “L’Opinion” a passés en revue lors d’une visite au siège du ministère azerbaidjanais de l’Industrie de Défense. Le catalogue est riche et diversifié, nous explique le Conseiller du ministre qui nous a reçus en compagnie de quelques représentants de sociétés locales de défense.
L'Azerbaïdjan a pu se forger une industrie locale au fil des décennies précédentes au point qu’il devient producteur de plusieurs types d’armement. En effet, Bakou est fier de fabriquer des drones-suicide de type Orbiter sur son sol. Les Azerbaidjanais sont capables de produire différents types de munitions, des canons, des véhicules blindés, des armes antichars… Le catalogue est varié.
Notre hôte dit que rien n’empêche que le partage des expériences soit au cœur du partenariat entre Rabat et Bakou. “Ce genre d’expériences de pays qui sont partis de zéro peut nous être utile d’autant que notre pays a commencé à bâtir sa propre industrie de défense”, nous dit avec enthousiasme une source militaire bien informée, tout en rappelant que ce sujet a été abordé quand Abdellatif Loudiyi avait reçu l’ancien ambassadeur azebaidjanais, Oktay Gurbanov, en 2020.
Dronisation et savoir-faire : confidences militaires
Loin de l’armement, qu’est-ce qui pourrait intéresser le Maroc ? Une question que se posent les observateurs. Bien évidemment, “l’expertise militaire”, sachant que les tactiques employées par l’Armée azérie durant la guerre du Karabakh, surtout en matière d’usage de drones, commencent à être enseignées dans plusieurs académies militaires. Peut-il en être de même pour les futurs officiers marocains ? “Oui”, reconnaît un haut responsable azerbaidjanais, pour qui rien n’empêche d’élargir la coopération à l'échange d'expertise. Pour sa part, notre source militaire marocaine estime que l’intérêt du Maroc pour l’expérience azerbaïdjanaise dans la conduite de la guerre s’explique par une vision commune. En fait, poursuit-elle, le Maroc s’est engagé, à l’instar de l'Azerbaïdjan, dans la voie de la dronisation de son armée depuis des années et plus particulièrement après 2020. Force est de constater que les deux pays utilisent à peu près le même type de drones, dont les modèles turcs Bayraktar TB2 ainsi que les modèles israéliens qui ont été décisifs dans la victoire de l’Armée azérie au Karabakh.
Les Forces Armées Royales se sont fournies en grande quantité de ces avions sans pilote, dont l’usage s’est avéré aussi efficace au Sahara contre les incursions provocatrices et illégales du Polisario près du mur de défense. Pour toutes ces raisons, des militaires marocains jugent bénéfique de travailler avec leurs homologues azerbaidjanais.
Armement : Ce que propose l'Azerbaïdjan
Dans son catalogue d’export, l’industrie azerbaïdjanaise propose une série d’armes adaptées en fonction des demandes de chaque client, nous confient des représentants de l’industrie locale qui sont si fiers d’avoir pu produire localement des drones de renseignement et de combat : le modèle Iti Govan, intitulé ironiquement “Chasseur de chiens”, produit en série pour les besoins de l’Armée azerbaïdjanaise, ce drone qui ressemble aux modèles turcs, est exportable, nous explique le conseiller du ministre de l’Industrie de Défense. Avec 12 heures d’autonomie de vol, ce drone kamikaze est employable dans les opérations d'assaut et peut détruire plusieurs types d’armement lourd ainsi que les soldats ennemis au cœur des tranchées. L’industrie locale produit également des projectiles de différents calibres, les balles, des bombes à largage, bombes téléguidées… et les armures, les armes automatiques. A quoi s’ajoutent les mortiers utilisés dans les opérations commando tels que les 20 N6M et les 20 N5 dont la portée peut aller au-delà de 5 kilomètres. Il y a aussi les canons lourds comme les modèles SAFIYAR d’un calibre de 120 mm.
L’industrie locale, qui s’est appuyée en partie sur l’héritage soviétique, s’est inspirée de la technologie moderne, notamment turque et israélienne, pour concevoir des modèles locaux. Aussi, les Azerbaïdjanais produisent-ils des lance-roquettes, dont les MLRS 107 en capacité de porter 24 missiles d’une portée de frappe qui varie selon les commandes. L’industrie azerbaïdjanaise a un fort potentiel industriel dans les munitions, notamment les bombes aériennes à fragmentation (GFAB 100) destinées à détruire les cibles humaines et le matériel légèrement blindé.
L’industrie locale, qui s’est appuyée en partie sur l’héritage soviétique, s’est inspirée de la technologie moderne, notamment turque et israélienne, pour concevoir des modèles locaux. Aussi, les Azerbaïdjanais produisent-ils des lance-roquettes, dont les MLRS 107 en capacité de porter 24 missiles d’une portée de frappe qui varie selon les commandes. L’industrie azerbaïdjanaise a un fort potentiel industriel dans les munitions, notamment les bombes aériennes à fragmentation (GFAB 100) destinées à détruire les cibles humaines et le matériel légèrement blindé.
Karabakh : Les leçons d’un conflit dronisé
En 44 jours seulement, l’Armée azerbaïdjanaise a chassé les troupes arméniennes loin du Karabakh, un territoire montagneux pris par l’Arménie en 1994 après l’éclatement de l’Union Soviétique. Après l’échec des négociations du groupe de Minsk, composé de la France et l’Allemagne et les tentatives de médiation de la Russie, et des Etats-Unis, l'Azerbaïdjan, qui considère le droit international de son côté, a jugé inutile de poursuivre la voie diplomatique et de prendre son destin en main. Lors d’une opération éclair, l’Armée azerbaïdjanaise a fait un usage massif de drones pour anéantir la défense anti-aérienne de l’Arménie.
Une stratégie gagnante puisqu’elle a abouti à la destruction des armes anti-aériennes, ce qui a permis aux troupes azéries d’avancer confortablement dans les opérations d'assaut à l’aide d’un bombardement massif des positions arméniennes. L’une des opérations les plus spectaculaires est celle de Sucha, une ville montagneuse libérée par une force spéciale qui a escaladé furtivement les montagnes pour prendre les troupes arméniennes au dépourvu.
Après une série de combats, un cessez-le-feu, perçu comme une capitulation, a été déclaré le 10 novembre, sous l’égide de la Russie qui maintient un contingent de casques bleus dans la région jusqu’en 2025.
Une stratégie gagnante puisqu’elle a abouti à la destruction des armes anti-aériennes, ce qui a permis aux troupes azéries d’avancer confortablement dans les opérations d'assaut à l’aide d’un bombardement massif des positions arméniennes. L’une des opérations les plus spectaculaires est celle de Sucha, une ville montagneuse libérée par une force spéciale qui a escaladé furtivement les montagnes pour prendre les troupes arméniennes au dépourvu.
Après une série de combats, un cessez-le-feu, perçu comme une capitulation, a été déclaré le 10 novembre, sous l’égide de la Russie qui maintient un contingent de casques bleus dans la région jusqu’en 2025.
Maroc - Azerbaïdjan : Une entente politique inédite
Depuis 2020, Rabat et Bakou se sont rapprochés ostensiblement. Les relations ont toujours été cordiales depuis l’indépendance de ce pays dont le père fondateur, HeydarAliyev, a été reçu à Casablanca en 1994 par feu Hassan II, lors du 7ème Sommet des Chefs d’Etat de l’Organisation islamique. Un événement dont les responsables azerbaïdjanais se souviennent avec gratitude et que les officiels azerbaïdjanais n’ont jamais oublié parce que c’est à ce moment-là que les pays musulmans ont affiché leur soutien à Bakou contre l’occupation arménienne au lendemain de la première guerre du Karabakh.
Ensuite, les deux pays ont manifesté un intérêt si profond l’un vers l’autre sur fond d’une convergence de vue sur les intérêts vitaux de chacun. L'Azerbaïdjan a aussi apprécié l'attitude du Maroc pendant la guerre du Karabakh et son soutien à la légalité internationale. De même, le Royaume voit d’un bon œil le soutien de Bakou à son intégrité territoriale. Raison pour laquelle les deux pays, en dépit de l’immensité de la distance qui les sépare, ont décidé de dépasser la zone de la courtoisie réciproque et de coopérer plus concrètement.
Cette idylle s’est couronnée par les multiples accords signés lors de la 2ème session de la commission mixte Maroc-Azerbaïdjan. Une session qui s’est soldée par la signature de cinq accords de coopération dans plusieurs domaines, à savoir l’énergie, le tourisme, la santé, l’emploi et l’environnement. Parmi les accords signés figure un qui porte sur le gaz et le pétrole en vertu duquel les deux pays sont convenus d’échanger les informations en vue d’élargir la coopération bilatérale.
Ensuite, les deux pays ont manifesté un intérêt si profond l’un vers l’autre sur fond d’une convergence de vue sur les intérêts vitaux de chacun. L'Azerbaïdjan a aussi apprécié l'attitude du Maroc pendant la guerre du Karabakh et son soutien à la légalité internationale. De même, le Royaume voit d’un bon œil le soutien de Bakou à son intégrité territoriale. Raison pour laquelle les deux pays, en dépit de l’immensité de la distance qui les sépare, ont décidé de dépasser la zone de la courtoisie réciproque et de coopérer plus concrètement.
Cette idylle s’est couronnée par les multiples accords signés lors de la 2ème session de la commission mixte Maroc-Azerbaïdjan. Une session qui s’est soldée par la signature de cinq accords de coopération dans plusieurs domaines, à savoir l’énergie, le tourisme, la santé, l’emploi et l’environnement. Parmi les accords signés figure un qui porte sur le gaz et le pétrole en vertu duquel les deux pays sont convenus d’échanger les informations en vue d’élargir la coopération bilatérale.