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Maroc-Israël : Le retour de l’enfant prodige

Qui est Meïr Ben Shabat, le conseiller marocain à la sécurité nationale d’Israël ?


Rédigé par Ahmed NAJI Jeudi 24 Décembre 2020

« Allah y barek faâmar Sidi » (Longue vie à mon Souverain). Ce sont les mots de Meir Ben-Shabbat quand il s’est présenté devant le Roi du Maroc et Commandeur des Croyants, SM Mohammed VI. « Allah ikmel bel kheir » (Puisse Dieu bénir notre entente), a-t-il déclaré au terme de l’audience que lui a accordé le Souverain. Vœux partagé cher compatriote, qui plus est conseiller à la sécurité nationale et chef d’état-major de la sécurité nationale d’Israël. On est fier de toi, le Safiote.



SM le Roi Mohammed VI, recevant Meir Ben-Shabbat, conseiller à la sécurité nationale d'Israël.
SM le Roi Mohammed VI, recevant Meir Ben-Shabbat, conseiller à la sécurité nationale d'Israël.
Le moment était émouvant. Meir Ben-Shabbat, conseiller à la sécurité nationale et chef d’état-major de la sécurité nationale d’Israël, s’est présenté devant SM le Roi selon les règles et usages propres aux Marocains.
 
Juste à côté, Jared Kushner, gendre et conseiller du président sortant des Etats-Unis, Donald Trump, se faisait traduire les propos échangés en darija entre le responsable israélien et le Souverain marocain. Cette scène résume parfaitement la spécificité des relations entre les Musulmans et Juifs marocains.
 
De Safi à Dimona

Le propos de cet article ne porte nullement sur la rencontre entre le Souverain et les hauts responsables américains et israéliens et les accords signés en cette occasion, les confrères se sont régalés à les commenter en long et en large. Il est non moins intéressant de visionner cet instant historique en partant du profil de notre compatriote safiote Meir Ben-Shabbat.
 
Et pour mieux allécher les lecteurs, soulignons juste que c’est un haut cadre du Shabak, la DGST des Israéliens (ne le prends pas mal Meir, ça figure sur ta page Wikipédia). Notre MRE vedette de cette fin d’année a vu le jour à Safi, ou il a dû étendre son regard aux étendues atlantiques, avant de les prolonger dans celles, désertiques, du Néguev.
 
Il a grandi, en effet, à Dimona, pas loin de la centrale nucléaire (ce qui a dû lui permettre de s’initier assez tôt au principe physique de la réaction en chaîne).
 
Cape et épée

Meir Ben-Shabbat a fait des études de sciences politiques à l’Université de Bar6-Ilan, a exercé le journalisme quelques temps, avant de se retrouver « renard de Samson » avec le béret pourpre de la Brigade Givati.
 
Après quoi, il est entré dans le monde de l’ombre au sein du Shabak, le service de sécurité intérieur israélien.
 
Il a gravi les échelons jusqu’à devenir conseiller à la sécurité nationale et chef du cabinet adjoint à la sécurité nationale auprès du cabinet de la primature, en 2017.
 
Ben-Shabbat s’est spécialisé dans la lutte contre le Hamas palestinien (pas vraiment un succès), la cyber-sécurité (un point fort des Israéliens) et la prévention du terrorisme (on n’en a pas forcément la même définition au Maroc et en Israël).

Dimension géostratégique

Les fameux accords « Abraham » entre les Etats-Unis, Israël et les Emirtats Arabes Unis, Ben-Shabbat y a pris part, avant de diriger la délégation israélienne qui s’est rendue au Bahreïn.
 
S’il a été chargé de missions de telle importance par les élites dirigeantes israéliennes, c’est qu’il exprime parfaitement leur vision politique. C’est dans ce cadre qu’il faut situer la symbolique de la rencontre de Meir Ben-Shabbat avec SM le Roi. Un conseiller de la sécurité national, spécialisé dans l’anti-terrorisme, n’est sûrement pas un diplomate classique, ni un amateur.

L’architecture des accords Abraham s’articule autour de l’hostilité partagée des Etats-Unis, d’Israël et des Emirats Arabes Unis envers l’Iran. De même qu’avec le Bahreïn, dont les dirigeants ont besoin d’être sécurisés.
 
Horizon Afrique

Les accords avec le Maroc ne rentrent pas du tout dans ce cadre restreint, mais s’inscrivent dans une vision géostratégique beaucoup plus large.
 
L’Afrique est l’objet de grands enjeux géopolitiques entre l’Occident (Etats-Unis+Union Européenne auxquels sont étroitement liés Israël), la Russie et la Chine. Al Qaïda et Daech sévissent tout le long de la bande saharo-sahélienne et plongent leurs griffes au cœur de la Corne africaine et de l’Afrique de l’ouest.
 
Le Hezbollah chiite est discrètement installé en Afrique, ainsi que l’Iran. La Turquie s’est jointe au concert depuis quelques années, avec plus de succès commercial que militaire.
 
Entre le poids des infrastructures financés par la Chine partout sur le continent et l’infiltration russe par mercenaires interposés, sans parler des actions des autres acteurs de moindre importance, il est devenu évident que les Européens, anciens colonisateurs, sont totalement dépassés.
Les Français sont à la peine au Sahel.
 
Une carte à jouer

Les Américains n’ont pas vraiment de tradition politique africaine, tâche dont ils se déchargeaient volontiers, auparavant, sur leurs alliés européens, sensés mieux connaître les Africains.
 
Il y a 12 ans a été créé l’Africom, le commandement des Etats-Unis pour l’Afrique. Il est, actuellement, très présent sur le continent. Sa collaboration avec les Forces Armées Royales est également, fort ancienne.
 
Le Maroc est détenteur d’une stratégie africaine qui a déjà fait preuve de sa pertinence et son efficacité. Elle est pragmatique, tournée vers l’économique, solidaire, au travers de projets sociaux directement au bénéfice des populations, respectueuse, la non-ingérence dans les affaires des autres pays étant la règle. Ses forces militaires sont aussi initiées aux missions de maintien de la paix sur le continent et la réputation de ses services de sécurité n’est plus à faire en matière de lutte contre le terrorisme.
 
Mieux encore, le royaume se positionne en foyer de diffusion des connaissances de l’Islam tolérant.

Reconnexion historique

Un conseiller national israélien, même d’origine marocaine, ne peut se permettre d’adresser un « Allah y barek faâmar Sidi » au Roi du Maroc, sans qu’il ne soit ainsi porteur d’un message symbolique.
 
Les liens millénaires qui unissent les Marocains musulmans et juifs sont rétablis en y incluant les Juifs non-marocains, dans une vision géostratégique ou les Etats-Unis trouvent leurs intérêts.
N’en déplaise aux compatriotes à courte vue, il s’agit là d’un moment historique, qui sera déterminant pour l’avenir du Maroc. Les Hollandais, les Anglais et les Turcs en savent quelque chose depuis des siècles, les Américains l’ont compris avec le temps.

Israël est comme le Maroc, ce n’est pas uniquement un pays, c’est aussi une diaspora. Leur autre particularité est une commune communauté. Pour les Marocains, Israël compte près d’un million de leurs compatriotes.
 
Pour ce million d’Israéliens, leurs racines se trouvent au Maroc. Pouvoir s’y rendre sans restrictions avec leurs passeports israéliens et s’y afficher en toute sécurité, ils ne vont pas manquer de s’en prévaloir et le monétiser sur la scène politique.
 
Faire le pont avec l’Atlantique vaut son pesant en voix électorales.
 
Bon sang ne saurait mentir

Quand il a fallu défendre l’intégrité territoriale du royaume, les Marocains d’Israël n’ont pas fait défaut, ce qui en fait de bien meilleurs patriotes que certains individus bien d’ici que, par décence, on s’abstient de qualifier.

Ils n’en seront pas moins utiles à leurs pays d’origine en termes d’accès aux financements, investissements et marchés extérieurs.

Et puis Meir est un ancien confrère (l’esprit de corps dépasse les frontières).
 

Rédigé par Ahmed Naji- Lodj-Arrissala- sur : https://www.lodj.ma/Maroc-Israel-Le-retour-de-l-enfant-prodige_a1199.html