« La Mauritanie, nouvel horizon de l’investissement ». Ce slogan de la toute nouvelle Agence de Promotion des Investissements en Mauritanie, créée en décembre 2020, reflète bel et bien la dimension qu’a prise ce pays du Maghreb qui suscite de plus en plus les intérêts des investisseurs étrangers, au regard des potentialités démesurées dont il recèle. Longtemps considérée comme le parent pauvre du Maghreb ou l’unique bastion de stabilité dans la région du Sahel, la Mauritanie n’a jamais été véritablement au centre de l’intérêt des puissances européennes et même continentales jusqu’à la dernière décennie. Néanmoins, pour le Maroc, la Mauritanie constitue un partenaire stratégique et historique de premier plan. Mais, malheureusement, les relations entre les deux pays n’ont pas toujours été un long fleuve tranquille.
Des relations mitigées et une influence étrangère néfaste
Entre des périodes de réchauffement des relations marquées par une volonté commune de renforcer la coopération stratégique, et des phases de tensions périodiques, la relation entre Rabat et Nouakchott a souvent été jalonnée de tentatives d’influence et d’ingérence d’autres acteurs régionaux (étatiques ou non étatiques). Et si tous les éléments historiques, géographiques, culturels et économiques sont favorables à la concrétisation définitive d’un partenariat stratégique entre le Maroc et la Mauritanie, des enjeux géopolitiques et géostratégiques régionaux ne cessent de constituer un frein à cette « union du coeur et de la raison ».
En effet, tout semble rassembler ces deux pays : un brassage de populations, des échanges culturels et commerciaux qui remontent à la nuit des temps et surtout le principal (pour ne pas dire l’unique) axe de trafic routier pour le transport de personnes et de marchandises qui relie le Sud de l’Europe à l’Afrique de l’Ouest et au Sahel. Et sur le plan économique, en particulier, les chiffres sont éloquents : 80% des produits importés par la Mauritanie des pays africains proviennent du Maroc (avec une balance commerciale nettement en faveur du Royaume). Le Maroc est également le premier investisseur africain en Mauritanie. Les opérateurs marocains sont présents dans les secteurs stratégiques des télécommunications, du BTP, de l’agroalimentaire (produits de la pêche) et du secteur bancaire.
Mais bien que le total des échanges commerciaux entre les deux pays plafonne à 2,3 milliards de DH seulement, vu la conjoncture actuelle, la raison qui empêche l’essor de la coopération économique est bien évidemment à chercher ailleurs. D’après Moussa Hormat-Allah, Professeur d’Université et lauréat du Prix Chinguitt en 2013, qui analyse la relation entre Rabat et Nouakchott dans un article publié sur le site d’information mauritanien « lecalame.info » du 17 juin 2021 : « Des mains occultes s’activent, dans l’ombre, pour entretenir la zizanie et la discorde entre les deux pays. Ces esprits malintentionnés ont réussi, il y a fort longtemps déjà, à introduire un grain de sable pour enrayer la mécanique d’une véritable normalisation des relations bilatérales ». Car si l’influence algérienne est très forte au sein des cercles du pouvoir politique mauritanien, le lobbying exercé a pour objectif principal de nuire aux relations entre le Maroc et la Mauritanie. Selon un diplomate étranger en poste à Nouakchott, qui préfère garder l’anonymat, « l’influence algérienne est historique à Nouakchott ».
Et d’après lui, sous la pression exercée par Alger, « le pouvoir mauritanien est tiraillé entre ses deux voisins maghrébins et c’est pour cette raison qu’il affirme respecter une neutralité positive dans les affaires étrangères vis-à-vis du conflit entre le Maroc et l’Algérie ». Et ce que semble redouter le plus le gouvernement mauritanien, ce sont les atteintes à sa sécurité intérieure et le risque de débordement de ce conflit à l’intérieur de ses frontières, que les forces armées et les services de sécurité n’arrivent pas encore à contrôler entièrement.
La coopération sécuritaire, pivot du partenariat bilatéral
Parmi tous les événements majeurs qui ont marqué les relations entre Rabat, Nouakchott et Alger, l’incident de Guerguerat en novembre 2020 est particulièrement représentatif de la difficulté pour le pouvoir mauritanien de réagir avec autorité et « souveraineté », sans avoir à subir les pressions algériennes.
En effet, alors que le poste frontalier de Guerguerat qui relie le Maroc et la Mauritanie avait été obstrué par les milices du Polisario et que le trafic routier avait été interrompu durant trois semaines entre octobre et novembre 2020, le pouvoir mauritanien avait fait preuve d’une frilosité qui n’était pas en phase avec le préjudice économique subi par les populations mauritaniennes, largement dépendantes des importations de produits agricoles marocains.
Finalement, seul le Maroc avait réagi vigoureusement, par voie diplomatique puis militaire, pour chasser ces miliciens qui bloquaient la route et surtout rétablir le passage frontalier qui assurait la continuité des échanges commerciaux entre les deux pays voisins. Nouakchott venait une fois de plus de faire preuve de manque d’autorité pour défendre ses intérêts stratégiques supérieurs face au régime algérien et son proxy, le Polisario. Néanmoins, depuis l’élection du Président Mohamed Ould El-Ghazouani, la Mauritanie a fait du domaine sécuritaire son cheval de bataille afin de pouvoir assurer sa sécurité et son développement économique.
C’est la raison pour laquelle l’enjeu majeur de la coopération maroco-mauritanienne n’est pas uniquement économique, mais avant tout sécuritaire. Ainsi, en quelques mois seulement, les responsables militaires puis sécuritaires des deux Etats maghrébins se sont rencontrés pour renforcer la coopération en matière de défense et d’échanges de Renseignement. Dans un premier temps, le Général El Mokhtar Bolle Chaâbane, chef d’État-Major des Forces armées mauritaniennes, s’était déplacé à Rabat le 24 mai 2022 pour rencontrer le Général Farouk Belkhir, Inspecteur Général des FAR. Puis, le 27 septembre 2022, c’était au tour du Directeur Général de la Sûreté Nationale Abdellatif Hammouchi de recevoir son homologue mauritanien afin de coordonner leurs efforts pour faire face aux défis sécuritaires dans un environnement régional commun.
Il n’empêche que des points d’achoppement peuvent rapidement apparaître sur des questions stratégiques où les intérêts des deux pays peuvent être en concurrence directe. Aussi bien Rabat que Nouakchott souhaitent réaliser le projet de grands ports à Dakhla et Nouadhibou sur la façade atlantique, alors que les deux villes sont distantes de 430 km à peine. Sans oublier la question épineuse de la ville de Lagouira qui demeure une éternelle pomme de discorde entre les deux voisins.
Mais Zakaria Abouddahab, Professeur de Relations internationales à l’UM5 de Rabat, reste tout de même optimiste sur les perspectives d’avenir de la coopération maroco-mauritanienne : « Le renforcement de l’interdépendance entre les deux pays voisins semble être un processus irréversible, notamment à l’aune de la redynamisation de la commission mixte et la conclusion d’un nombre substantiel de mémorandums d’accords. De telles actions laissent augurer que le Maroc et la Mauritanie sont dans une dynamique structurante inscrite sur le long-terme ».
Des relations mitigées et une influence étrangère néfaste
Entre des périodes de réchauffement des relations marquées par une volonté commune de renforcer la coopération stratégique, et des phases de tensions périodiques, la relation entre Rabat et Nouakchott a souvent été jalonnée de tentatives d’influence et d’ingérence d’autres acteurs régionaux (étatiques ou non étatiques). Et si tous les éléments historiques, géographiques, culturels et économiques sont favorables à la concrétisation définitive d’un partenariat stratégique entre le Maroc et la Mauritanie, des enjeux géopolitiques et géostratégiques régionaux ne cessent de constituer un frein à cette « union du coeur et de la raison ».
En effet, tout semble rassembler ces deux pays : un brassage de populations, des échanges culturels et commerciaux qui remontent à la nuit des temps et surtout le principal (pour ne pas dire l’unique) axe de trafic routier pour le transport de personnes et de marchandises qui relie le Sud de l’Europe à l’Afrique de l’Ouest et au Sahel. Et sur le plan économique, en particulier, les chiffres sont éloquents : 80% des produits importés par la Mauritanie des pays africains proviennent du Maroc (avec une balance commerciale nettement en faveur du Royaume). Le Maroc est également le premier investisseur africain en Mauritanie. Les opérateurs marocains sont présents dans les secteurs stratégiques des télécommunications, du BTP, de l’agroalimentaire (produits de la pêche) et du secteur bancaire.
Mais bien que le total des échanges commerciaux entre les deux pays plafonne à 2,3 milliards de DH seulement, vu la conjoncture actuelle, la raison qui empêche l’essor de la coopération économique est bien évidemment à chercher ailleurs. D’après Moussa Hormat-Allah, Professeur d’Université et lauréat du Prix Chinguitt en 2013, qui analyse la relation entre Rabat et Nouakchott dans un article publié sur le site d’information mauritanien « lecalame.info » du 17 juin 2021 : « Des mains occultes s’activent, dans l’ombre, pour entretenir la zizanie et la discorde entre les deux pays. Ces esprits malintentionnés ont réussi, il y a fort longtemps déjà, à introduire un grain de sable pour enrayer la mécanique d’une véritable normalisation des relations bilatérales ». Car si l’influence algérienne est très forte au sein des cercles du pouvoir politique mauritanien, le lobbying exercé a pour objectif principal de nuire aux relations entre le Maroc et la Mauritanie. Selon un diplomate étranger en poste à Nouakchott, qui préfère garder l’anonymat, « l’influence algérienne est historique à Nouakchott ».
Et d’après lui, sous la pression exercée par Alger, « le pouvoir mauritanien est tiraillé entre ses deux voisins maghrébins et c’est pour cette raison qu’il affirme respecter une neutralité positive dans les affaires étrangères vis-à-vis du conflit entre le Maroc et l’Algérie ». Et ce que semble redouter le plus le gouvernement mauritanien, ce sont les atteintes à sa sécurité intérieure et le risque de débordement de ce conflit à l’intérieur de ses frontières, que les forces armées et les services de sécurité n’arrivent pas encore à contrôler entièrement.
La coopération sécuritaire, pivot du partenariat bilatéral
Parmi tous les événements majeurs qui ont marqué les relations entre Rabat, Nouakchott et Alger, l’incident de Guerguerat en novembre 2020 est particulièrement représentatif de la difficulté pour le pouvoir mauritanien de réagir avec autorité et « souveraineté », sans avoir à subir les pressions algériennes.
En effet, alors que le poste frontalier de Guerguerat qui relie le Maroc et la Mauritanie avait été obstrué par les milices du Polisario et que le trafic routier avait été interrompu durant trois semaines entre octobre et novembre 2020, le pouvoir mauritanien avait fait preuve d’une frilosité qui n’était pas en phase avec le préjudice économique subi par les populations mauritaniennes, largement dépendantes des importations de produits agricoles marocains.
Finalement, seul le Maroc avait réagi vigoureusement, par voie diplomatique puis militaire, pour chasser ces miliciens qui bloquaient la route et surtout rétablir le passage frontalier qui assurait la continuité des échanges commerciaux entre les deux pays voisins. Nouakchott venait une fois de plus de faire preuve de manque d’autorité pour défendre ses intérêts stratégiques supérieurs face au régime algérien et son proxy, le Polisario. Néanmoins, depuis l’élection du Président Mohamed Ould El-Ghazouani, la Mauritanie a fait du domaine sécuritaire son cheval de bataille afin de pouvoir assurer sa sécurité et son développement économique.
C’est la raison pour laquelle l’enjeu majeur de la coopération maroco-mauritanienne n’est pas uniquement économique, mais avant tout sécuritaire. Ainsi, en quelques mois seulement, les responsables militaires puis sécuritaires des deux Etats maghrébins se sont rencontrés pour renforcer la coopération en matière de défense et d’échanges de Renseignement. Dans un premier temps, le Général El Mokhtar Bolle Chaâbane, chef d’État-Major des Forces armées mauritaniennes, s’était déplacé à Rabat le 24 mai 2022 pour rencontrer le Général Farouk Belkhir, Inspecteur Général des FAR. Puis, le 27 septembre 2022, c’était au tour du Directeur Général de la Sûreté Nationale Abdellatif Hammouchi de recevoir son homologue mauritanien afin de coordonner leurs efforts pour faire face aux défis sécuritaires dans un environnement régional commun.
Il n’empêche que des points d’achoppement peuvent rapidement apparaître sur des questions stratégiques où les intérêts des deux pays peuvent être en concurrence directe. Aussi bien Rabat que Nouakchott souhaitent réaliser le projet de grands ports à Dakhla et Nouadhibou sur la façade atlantique, alors que les deux villes sont distantes de 430 km à peine. Sans oublier la question épineuse de la ville de Lagouira qui demeure une éternelle pomme de discorde entre les deux voisins.
Mais Zakaria Abouddahab, Professeur de Relations internationales à l’UM5 de Rabat, reste tout de même optimiste sur les perspectives d’avenir de la coopération maroco-mauritanienne : « Le renforcement de l’interdépendance entre les deux pays voisins semble être un processus irréversible, notamment à l’aune de la redynamisation de la commission mixte et la conclusion d’un nombre substantiel de mémorandums d’accords. De telles actions laissent augurer que le Maroc et la Mauritanie sont dans une dynamique structurante inscrite sur le long-terme ».
Nizar DERDABI
L'info...Graphie
Ports
Dakhla et Nouadhibou, deux ports concurrents sur l’Atlantique
Le projet Dakhla Atlantique du futur port commercial marocain en eau profonde qui sera érigé sur le site de Ntirift à 70 km au Nord de la ville de Dakhla, qui est prévu pour 2028, n’est pas le seul projet de port d’envergure sur la côte atlantique. En effet, la Mauritanie a lancé le projet de construction d’un port en eau profonde dans sa capitale économique Nouadhibou. L’objectif étant de faire de cette ville une plateforme polyvalente de services dans la sous-région.
Située au carrefour des voies maritimes entre l’Afrique de l’Ouest, le Maghreb, l’Europe et l’Amérique du Sud, Nouadhibou regroupe les principales activités économiques du pays. Ainsi, les deux ports ambitionnent de devenir la plateforme principale du trafic maritime dans cette région appelée à voir l’activité du transport maritime s’amplifier dans les années à venir. Est-ce que la concurrence entre les deux projets risque d’impacter négativement leur activité ? Selon Zakaria Abouddahab : « Les fonctionnalités du port de Dakhla vont dépasser la stricte relation Maroc-Mauritanie. Mieux, il serait stratégiquement plus intelligent de concevoir les deux ports de façon conjuguée, complémentaire et interdépendante ».
Située au carrefour des voies maritimes entre l’Afrique de l’Ouest, le Maghreb, l’Europe et l’Amérique du Sud, Nouadhibou regroupe les principales activités économiques du pays. Ainsi, les deux ports ambitionnent de devenir la plateforme principale du trafic maritime dans cette région appelée à voir l’activité du transport maritime s’amplifier dans les années à venir. Est-ce que la concurrence entre les deux projets risque d’impacter négativement leur activité ? Selon Zakaria Abouddahab : « Les fonctionnalités du port de Dakhla vont dépasser la stricte relation Maroc-Mauritanie. Mieux, il serait stratégiquement plus intelligent de concevoir les deux ports de façon conjuguée, complémentaire et interdépendante ».
3 questions à Mohammed Zakaria Abouddahab
« Le Maroc et la Mauritanie sont deux pays liés par la géographie »
Professeur de Relations internationales à l’Université Mohammed V de Rabat, Mohammed Zakaria Abouddahab a répondu à nos questions.
- La rencontre du Directeur Général marocain de la Sûreté nationale avec son homologue mauritanien est-elle l’indicateur de relations en nette amélioration entre Rabat et Nouakchott ?
- Le Maroc et la Mauritanie sont deux pays liés par la géographie. Ils sont donc exposés à des menaces communes et ont intérêt à resserrer leur coopération sécuritaire. Les frontières étant poreuses, leur sécurisation appelle par conséquent un redoublement de vigilance et la mise sur pied d’un dispositif de surveillance et d’échange d’informations et du Renseignement qui soit conséquent et ultramoderne.
Ceci d’autant plus que la région connaît ces derniers temps une vague de déstabilisation qui a emporté dans son sillage plusieurs régimes politiques : Burkina Faso, Mali, Guinée… La sécurisation des frontières méridionales du Maroc nécessite l’adhésion mauritanienne à une vision géostratégique d’intérêt commun. De là tout l’intérêt de la coopération sécuritaire et policière entre le Royaume chérifien et la Mauritanie.
- Les projets concurrents de ports à Dakhla et Nouadhibou risquent-ils de créer des tensions entre les deux pays ?
- A priori, il n’y a pas lieu d’avancer des arguments de type « deux ports concurrents dont l’un fera de l’ombre à l’autre ». Des pays limitrophes rivaux chercheront sans doute à distiller de telles confusions dans un objectif de déstabilisation et de désinformation. Or, les deux ouvrages répondent à des besoins internes propres à chaque pays et il n’est pas nécessaire, du point de vue opérationnel, de les apprécier l’un par rapport à l’autre. Le parallèle est à établir avec le Maroc et l’Espagne : le Port Tanger-Med n’a pas neutralisé le Port d’Algésiras.
- Les perspectives de développement des relations entre le Maroc et la Mauritanie demeurent toujours freinées par la pression du pouvoir algérien sur Nouakchott. Pensez-vous que le régime actuel mauritanien pourra se défaire de cette influence néfaste d’Alger ?
- Le Maroc a eu toujours à consolider ses relations avec la Mauritanie en tenant compte des actions opposées ou adverses du régime algérien et des actions subversives émanant des séparatistes. Pendant les premières années de l’UMA, ce dilemme stratégique s’est estompé.
Néanmoins, dans la conjoncture géopolitique actuelle (instabilité dans plusieurs pays sahélo-sahariens, dérèglement climatique et ses incidences géopolitiques, insécurité alimentaire, dissémination des armes…), le Maroc devrait chercher à déplacer le centre de gravité de la relation avec la Mauritanie vers l’Atlantique pour neutraliser les actions nuisibles. On sera tenté d’écrire : « maritimiser » la relation en l’inscrivant dans le registre stratégique de la communauté atlantique africaine dont le Royaume est le concepteur.
- Le Maroc et la Mauritanie sont deux pays liés par la géographie. Ils sont donc exposés à des menaces communes et ont intérêt à resserrer leur coopération sécuritaire. Les frontières étant poreuses, leur sécurisation appelle par conséquent un redoublement de vigilance et la mise sur pied d’un dispositif de surveillance et d’échange d’informations et du Renseignement qui soit conséquent et ultramoderne.
Ceci d’autant plus que la région connaît ces derniers temps une vague de déstabilisation qui a emporté dans son sillage plusieurs régimes politiques : Burkina Faso, Mali, Guinée… La sécurisation des frontières méridionales du Maroc nécessite l’adhésion mauritanienne à une vision géostratégique d’intérêt commun. De là tout l’intérêt de la coopération sécuritaire et policière entre le Royaume chérifien et la Mauritanie.
- Les projets concurrents de ports à Dakhla et Nouadhibou risquent-ils de créer des tensions entre les deux pays ?
- A priori, il n’y a pas lieu d’avancer des arguments de type « deux ports concurrents dont l’un fera de l’ombre à l’autre ». Des pays limitrophes rivaux chercheront sans doute à distiller de telles confusions dans un objectif de déstabilisation et de désinformation. Or, les deux ouvrages répondent à des besoins internes propres à chaque pays et il n’est pas nécessaire, du point de vue opérationnel, de les apprécier l’un par rapport à l’autre. Le parallèle est à établir avec le Maroc et l’Espagne : le Port Tanger-Med n’a pas neutralisé le Port d’Algésiras.
- Les perspectives de développement des relations entre le Maroc et la Mauritanie demeurent toujours freinées par la pression du pouvoir algérien sur Nouakchott. Pensez-vous que le régime actuel mauritanien pourra se défaire de cette influence néfaste d’Alger ?
- Le Maroc a eu toujours à consolider ses relations avec la Mauritanie en tenant compte des actions opposées ou adverses du régime algérien et des actions subversives émanant des séparatistes. Pendant les premières années de l’UMA, ce dilemme stratégique s’est estompé.
Néanmoins, dans la conjoncture géopolitique actuelle (instabilité dans plusieurs pays sahélo-sahariens, dérèglement climatique et ses incidences géopolitiques, insécurité alimentaire, dissémination des armes…), le Maroc devrait chercher à déplacer le centre de gravité de la relation avec la Mauritanie vers l’Atlantique pour neutraliser les actions nuisibles. On sera tenté d’écrire : « maritimiser » la relation en l’inscrivant dans le registre stratégique de la communauté atlantique africaine dont le Royaume est le concepteur.
Recueillis par N. D.