En 2016, l’artiste détonne et étonne, notamment lors de la biennale de Marrakech. Il décoiffe, même. Une nouvelle approche, une stimulation inédite longe les arcanes d’un art contemporain en perpétuel mouvement, en interminable remise en question. Il est alors ce nouveau venu avec des sacs de nœuds à dénouer. Un anticonformiste s’adjugeant la possibilité de ne ressembler à personne, de figurer parmi celles et ceux qui se regardent dans une glace aux reflets mystérieux, à la limite de l’incongruité.
Il déclame des lignes, chante leur profondeur, se tait pour mieux se draper de multiples mystères faisant de lui une curiosité venue d’on ne sait où. Son travail est un amas de pluridisciplinarité confuse et éclairante. Il est, en fait, le reflet d’un garçon qui cogne en optant pour le velours clouté comme médium. Il sait ce qu’il fait, ne connait pas forcément ses limites. Son devenir étant déjà dans le rythme de ses pas, Mo Baala enjambe avec éblouissement les crêtes de son cheminement.
Un art visuel, grandement sonore. Le propos de Syham Veighan, curatrice, critique et autrice du texte qui accompagne l’exposition est sans appel : « La place du verbe calligraphié est essentielle dans l’œuvre de Mo Baala. Il s‘y déploie tout un répertoire poétique : aphorismes, calligrammes, et diverses Écritures, ainsi que choisit Ben Vautier d’intituler certaines de ses œuvres plastiques. Cette appétence pour les mots autant comme signes que comme signifiants s’inscrit bien sûr dans cet élan initié par Isidore Isou sous le nom de Lettrisme, ce mouvement d’avant-garde faisant notamment suite au surréalisme, dont la pratique du cadavre exquis et de l’écriture automatique peuvent également trouver un prolongement dans l’œuvre de Mo Baala.
La part belle y est faite aux improvisations mais aussi aux expérimentations sonores, et surtout à la mobilisation graphique de la lettre et des phonèmes. À partir de 1950, cet art poétique du lettrisme se prolonge par un courant affilié : la métagraphie ou hypergraphie, dont les éléments textuels se trouvent augmentés par toutes sortes de composantes comme le dessin, la photographie, les schémas, etc.
Soit un art du collage et de la réappropriation complètement maîtrisée par l’artiste dans ses différentes compositions, qu’elles soient peintes, dessinées, et même dans ses photomontages ou ses installations. »
Plaisirs et souffrances
Mo Baala connait relativement rapidement la reconnaissance et s’engage dans l’intro-inspection, s’éloignant des faits pour mieux les décortiquer. Il est au Maroc et à l’international, dans un souci qui n’en est pas un, au front qui soupèse l’inspiration, mère de tous les questionnements : « L’adjectif récurrent pour présenter Mo Baala est toujours le même : l’artiste serait autodidacte, et cela suffirait à constituer explication et commentaire. Bien sûr, il serait intéressant de gloser sur les contours de cette notion dans un contexte continental, où les écoles des Beaux-arts se comptent sur le bout des doigts.
Le Maroc, qui en accueille (presque) deux fait partie des chanceux. Autant dire que les artistes locaux diplômés de cette spécialité ne sont pas légion… Mais puisqu’il s‘agit justement ici d’ouvrir le périmètre auquel l’on circonscrit généralement l’œuvre de l’artiste, il serait intéressant de relire les quelques essais consacrés par Jacques Rancière aux notions d’émancipation et de partage du sensible.
Il y est patent que l’égalité n’est pas un but à atteindre, mais plutôt le point de départ pour tous et toutes qui partagent d’emblée une même intelligence. Celle-ci, même chez les classes défavorisées, permet de développer différentes dimensions intellectuelles et esthétiques.
L’introspection, l’instruction et l’émancipation peuvent tout à fait être menées dans une aventure personnelle, même en l’absence de maître. Ainsi, ces idéologies et ces subjectivités que tout système institutionnel charrie, permettent une expérience du savoir et de la liberté bien plus étendue. Nous sommes tous dotés de capacités universelles à éprouver le plaisir et la souffrance, l’injustice et l’équité, tout comme le beau ou l’effroi de l’horreur.
En cela, le parcours de Mo Baala, qui multiplie depuis son adolescence les lectures, les recherches boulimiques de références iconographiques, cinématographiques ou musicales, mais aussi de plus en plus les visites effrénées d’expositions et de musées en dehors du Maroc, ne peut valablement être réduit à ce seul qualificatif que serait l’autodidaxie », poursuit la critique. L’artiste, dit encore Syham, fusionne et décloisonne sans aucune hiérarchie toute une variété de pratiques et de techniques artistiques : jazz, performance et collage d’une grande diversité de matériaux hétéroclites et hétérogènes, l’unique certitude éventuelle à préconcevoir tant au sujet de Mo Baala que de tout ce qu’il nous propose, c’est qu’il s’agit toujours et avant tout de liberté. Et que dirait le concerné de ce qui s’écrit sur lui et sur ses créations ? Peu peut-être, beaucoup certainement en sourdine, par amour à ce qu’il provoque comme attention même si l’art demeure scandale.
Il déclame des lignes, chante leur profondeur, se tait pour mieux se draper de multiples mystères faisant de lui une curiosité venue d’on ne sait où. Son travail est un amas de pluridisciplinarité confuse et éclairante. Il est, en fait, le reflet d’un garçon qui cogne en optant pour le velours clouté comme médium. Il sait ce qu’il fait, ne connait pas forcément ses limites. Son devenir étant déjà dans le rythme de ses pas, Mo Baala enjambe avec éblouissement les crêtes de son cheminement.
Un art visuel, grandement sonore. Le propos de Syham Veighan, curatrice, critique et autrice du texte qui accompagne l’exposition est sans appel : « La place du verbe calligraphié est essentielle dans l’œuvre de Mo Baala. Il s‘y déploie tout un répertoire poétique : aphorismes, calligrammes, et diverses Écritures, ainsi que choisit Ben Vautier d’intituler certaines de ses œuvres plastiques. Cette appétence pour les mots autant comme signes que comme signifiants s’inscrit bien sûr dans cet élan initié par Isidore Isou sous le nom de Lettrisme, ce mouvement d’avant-garde faisant notamment suite au surréalisme, dont la pratique du cadavre exquis et de l’écriture automatique peuvent également trouver un prolongement dans l’œuvre de Mo Baala.
La part belle y est faite aux improvisations mais aussi aux expérimentations sonores, et surtout à la mobilisation graphique de la lettre et des phonèmes. À partir de 1950, cet art poétique du lettrisme se prolonge par un courant affilié : la métagraphie ou hypergraphie, dont les éléments textuels se trouvent augmentés par toutes sortes de composantes comme le dessin, la photographie, les schémas, etc.
Soit un art du collage et de la réappropriation complètement maîtrisée par l’artiste dans ses différentes compositions, qu’elles soient peintes, dessinées, et même dans ses photomontages ou ses installations. »
Plaisirs et souffrances
Mo Baala connait relativement rapidement la reconnaissance et s’engage dans l’intro-inspection, s’éloignant des faits pour mieux les décortiquer. Il est au Maroc et à l’international, dans un souci qui n’en est pas un, au front qui soupèse l’inspiration, mère de tous les questionnements : « L’adjectif récurrent pour présenter Mo Baala est toujours le même : l’artiste serait autodidacte, et cela suffirait à constituer explication et commentaire. Bien sûr, il serait intéressant de gloser sur les contours de cette notion dans un contexte continental, où les écoles des Beaux-arts se comptent sur le bout des doigts.
Le Maroc, qui en accueille (presque) deux fait partie des chanceux. Autant dire que les artistes locaux diplômés de cette spécialité ne sont pas légion… Mais puisqu’il s‘agit justement ici d’ouvrir le périmètre auquel l’on circonscrit généralement l’œuvre de l’artiste, il serait intéressant de relire les quelques essais consacrés par Jacques Rancière aux notions d’émancipation et de partage du sensible.
Il y est patent que l’égalité n’est pas un but à atteindre, mais plutôt le point de départ pour tous et toutes qui partagent d’emblée une même intelligence. Celle-ci, même chez les classes défavorisées, permet de développer différentes dimensions intellectuelles et esthétiques.
L’introspection, l’instruction et l’émancipation peuvent tout à fait être menées dans une aventure personnelle, même en l’absence de maître. Ainsi, ces idéologies et ces subjectivités que tout système institutionnel charrie, permettent une expérience du savoir et de la liberté bien plus étendue. Nous sommes tous dotés de capacités universelles à éprouver le plaisir et la souffrance, l’injustice et l’équité, tout comme le beau ou l’effroi de l’horreur.
En cela, le parcours de Mo Baala, qui multiplie depuis son adolescence les lectures, les recherches boulimiques de références iconographiques, cinématographiques ou musicales, mais aussi de plus en plus les visites effrénées d’expositions et de musées en dehors du Maroc, ne peut valablement être réduit à ce seul qualificatif que serait l’autodidaxie », poursuit la critique. L’artiste, dit encore Syham, fusionne et décloisonne sans aucune hiérarchie toute une variété de pratiques et de techniques artistiques : jazz, performance et collage d’une grande diversité de matériaux hétéroclites et hétérogènes, l’unique certitude éventuelle à préconcevoir tant au sujet de Mo Baala que de tout ce qu’il nous propose, c’est qu’il s’agit toujours et avant tout de liberté. Et que dirait le concerné de ce qui s’écrit sur lui et sur ses créations ? Peu peut-être, beaucoup certainement en sourdine, par amour à ce qu’il provoque comme attention même si l’art demeure scandale.
Anis HAJJAM