Le débat est toujours d’actualité depuis qu’il y a eu changement de régime au Mali, en Guinée et au Burkina par la force même si les conditions ont été différentes d’un Etat à un autre. Cependant, ces changements sont intervenus dans la même sous-région : la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest. Ce qui donne matière à réflexion.
En effet, comment se fait-il que trois régimes, issus des élections, soient balayés du jour au lendemain par un coup de force ? Les mêmes causes amènent les mêmes effets. Donc, il faut procéder autrement, inventer de nouveaux systèmes politiques ou plutôt développer de nouveaux modèles politiques alternatifs.
L’analyse est de Dr Juste Codjo, universitaire béninois installé aux Etats-Unis et promoteur de ce qu’il appelle « Consencratie ». Dans ce rapport, publié par le Think Tank ouest africain (lire l’encadré), l’auteur de ce nouveau concept est on ne peut plus claire : « nous ne pouvons pas nous permettre de continuer à reconduire des systèmes politiques et administratifs qui ne peuvent produire que par accident et de temps en temps du leadership et une gouvernance de qualité ». Tout est dit.
Pour lui, le cas du Mali en constitue une parfaite illustration. Après le coup d’État de 2012 et sur des pressions de la communauté internationale, une transition politique de 16 mois a suivi et a abouti à l’élection d’Ibrahim Boubacar Kéita à la présidence de la république en 2013 avec 77% des voix. « Mais en 2020, juste sept années plus tard, il sera renversé par l’armée sous acclamations populaires. La raison évoquée est l’éternelle question de la mal gouvernance », écrit-il.
Juste Codjo étend son analyse à la Guinée puis le Burkina. Dans le premier cas, il souligne qu’un coup d’Etat en 2008 a été suivi d’une transition politique de 18 mois qui a conduit à l’élection d’Alpha Condé en 2010 comme président. Lui aussi sera renversé par l’armée en 2021. Il lui était reproché ses abus de pouvoirs et sa mauvaise gouvernance.
Election populaire
Au Burkina Faso, la chute du régime de Blaise Compaoré en 2014 a été suivie d’une transition d’un an qui a abouti à l’élection populaire, dès le premier tour, de Roch Marc Christian Kaboré. Mais il n’aura pas duré deux mandats car ayant été déchu par des militaires en janvier 2022 à la suite de protestations populaires contre sa gouvernance politique et sa gestion de la lutte antiterroriste.
Il est évident donc qu’il doit y avoir un malaise dans la gouvernance de ces trois pays après des élections fussent-elles démocratiques. Ce qui fait dire à l’auteur du rapport que « le triste constat est que les processus de réformes politico-administratives dans ces pays sont généralement et prioritairement laissés aux soins des juristes, dont la principale source d’inspiration demeure, non pas les études ayant examiné les relations de cause à effet entre les institutions politiques et les phénomènes de gouvernance et d’instabilité par exemple, mais plutôt les régimes juridiques des pays occidentaux ».
Dans son approche, le premier pilier du modèle « Consencratie » consiste à établir un agenda national consensuel de priorités de gouvernance publique. En effet, dans un contexte de pauvreté généralisée et de ressources limitées presque tout requiert l’attention des gouvernants. Dans une démocratie électorale, ces besoins d’investissement sont souvent exploités à des fins électoralistes. « Tandis que les opposants s’en servent pour des promesses démagogiques, les dirigeants au pouvoir sont tentés de disperser les ressources de l’État dans le but d’apaiser divers segments de la société », lit-on dans le document.
En définitive, fait remarquer Juste Codjo, aucun des nombreux secteurs tels que l’éducation, la justice, la sécurité, la défense, le renseignement, la santé et les infrastructures, entre autres, ne reçoit le niveau d’investissement requis pour assurer des performances décentes et des services raisonnables.
Vraie refondation de l’Etat
Son concept est basé sur cinq piliers. Ainsi le premier pilier est l’adoption, par consensus national, d’un agenda national de priorités en matière de politiques publiques. Le deuxième est l’émergence de partis politiques inclusifs. Le troisième pilier est l’instauration d’un système à parti dominant. Le quatrième consiste en l’adoption d’un régime parlementaire. Et le dernier pilier est l’instauration de ce qu’il appelle un organe suprême de régulation politico-administrative.
En d’autres termes, puisque les systèmes politiques n’ont pas bien fonctionné, au regard des multiples coup d’Etat, il est temps de prospecter d’autres voies plus adaptées aux réalités des pays d’Afrique. Cela commence par une vraie refondation de l’Etat. Ce qui exclut des transitions bâclées ou à « courtermiste ». Comme ce qui est exigé aujourd’hui des trois Etats : aller vite aux élections sous la pression de la communauté internationale et des partis politiques.
In fine, comme le souligne aisément Juste Codjo, comparativement aux modèles politiques d’hommes forts (prise de pouvoir par les militaires), la mise en oeuvre d’une « Consencratie » aiderait à ériger des garde-fous plus conséquents prenant en compte ces deux causes majeures des phénomènes de violence politique. Car ce modèle met l’accent sur l’émergence et la capacité de survie de partis politiques inclusifs fondés sur des idéaux nationaux plutôt que sectaires.
En effet, comment se fait-il que trois régimes, issus des élections, soient balayés du jour au lendemain par un coup de force ? Les mêmes causes amènent les mêmes effets. Donc, il faut procéder autrement, inventer de nouveaux systèmes politiques ou plutôt développer de nouveaux modèles politiques alternatifs.
L’analyse est de Dr Juste Codjo, universitaire béninois installé aux Etats-Unis et promoteur de ce qu’il appelle « Consencratie ». Dans ce rapport, publié par le Think Tank ouest africain (lire l’encadré), l’auteur de ce nouveau concept est on ne peut plus claire : « nous ne pouvons pas nous permettre de continuer à reconduire des systèmes politiques et administratifs qui ne peuvent produire que par accident et de temps en temps du leadership et une gouvernance de qualité ». Tout est dit.
Pour lui, le cas du Mali en constitue une parfaite illustration. Après le coup d’État de 2012 et sur des pressions de la communauté internationale, une transition politique de 16 mois a suivi et a abouti à l’élection d’Ibrahim Boubacar Kéita à la présidence de la république en 2013 avec 77% des voix. « Mais en 2020, juste sept années plus tard, il sera renversé par l’armée sous acclamations populaires. La raison évoquée est l’éternelle question de la mal gouvernance », écrit-il.
Juste Codjo étend son analyse à la Guinée puis le Burkina. Dans le premier cas, il souligne qu’un coup d’Etat en 2008 a été suivi d’une transition politique de 18 mois qui a conduit à l’élection d’Alpha Condé en 2010 comme président. Lui aussi sera renversé par l’armée en 2021. Il lui était reproché ses abus de pouvoirs et sa mauvaise gouvernance.
Election populaire
Au Burkina Faso, la chute du régime de Blaise Compaoré en 2014 a été suivie d’une transition d’un an qui a abouti à l’élection populaire, dès le premier tour, de Roch Marc Christian Kaboré. Mais il n’aura pas duré deux mandats car ayant été déchu par des militaires en janvier 2022 à la suite de protestations populaires contre sa gouvernance politique et sa gestion de la lutte antiterroriste.
Il est évident donc qu’il doit y avoir un malaise dans la gouvernance de ces trois pays après des élections fussent-elles démocratiques. Ce qui fait dire à l’auteur du rapport que « le triste constat est que les processus de réformes politico-administratives dans ces pays sont généralement et prioritairement laissés aux soins des juristes, dont la principale source d’inspiration demeure, non pas les études ayant examiné les relations de cause à effet entre les institutions politiques et les phénomènes de gouvernance et d’instabilité par exemple, mais plutôt les régimes juridiques des pays occidentaux ».
Dans son approche, le premier pilier du modèle « Consencratie » consiste à établir un agenda national consensuel de priorités de gouvernance publique. En effet, dans un contexte de pauvreté généralisée et de ressources limitées presque tout requiert l’attention des gouvernants. Dans une démocratie électorale, ces besoins d’investissement sont souvent exploités à des fins électoralistes. « Tandis que les opposants s’en servent pour des promesses démagogiques, les dirigeants au pouvoir sont tentés de disperser les ressources de l’État dans le but d’apaiser divers segments de la société », lit-on dans le document.
En définitive, fait remarquer Juste Codjo, aucun des nombreux secteurs tels que l’éducation, la justice, la sécurité, la défense, le renseignement, la santé et les infrastructures, entre autres, ne reçoit le niveau d’investissement requis pour assurer des performances décentes et des services raisonnables.
Vraie refondation de l’Etat
Son concept est basé sur cinq piliers. Ainsi le premier pilier est l’adoption, par consensus national, d’un agenda national de priorités en matière de politiques publiques. Le deuxième est l’émergence de partis politiques inclusifs. Le troisième pilier est l’instauration d’un système à parti dominant. Le quatrième consiste en l’adoption d’un régime parlementaire. Et le dernier pilier est l’instauration de ce qu’il appelle un organe suprême de régulation politico-administrative.
En d’autres termes, puisque les systèmes politiques n’ont pas bien fonctionné, au regard des multiples coup d’Etat, il est temps de prospecter d’autres voies plus adaptées aux réalités des pays d’Afrique. Cela commence par une vraie refondation de l’Etat. Ce qui exclut des transitions bâclées ou à « courtermiste ». Comme ce qui est exigé aujourd’hui des trois Etats : aller vite aux élections sous la pression de la communauté internationale et des partis politiques.
In fine, comme le souligne aisément Juste Codjo, comparativement aux modèles politiques d’hommes forts (prise de pouvoir par les militaires), la mise en oeuvre d’une « Consencratie » aiderait à ériger des garde-fous plus conséquents prenant en compte ces deux causes majeures des phénomènes de violence politique. Car ce modèle met l’accent sur l’émergence et la capacité de survie de partis politiques inclusifs fondés sur des idéaux nationaux plutôt que sectaires.
Wolondouka SIDIBE
Bon à savoir
Juste Codjo est titulaire d’un Doctorat en Relations Internationales, option sécurité, obtenu au Kansas State University aux États-Unis d’Amérique. Ancien officier supérieur des forces armées béninoises, il est titulaire d’un diplôme d’état-major et d’un certificat d’études stratégiques obtenus au Command and General Staff College aux États-Unis.
Après 25 années de service dans l’armée béninoise, il s’est établi aux États-Unis où il est actuellement professeur de sécurité internationale au New Jersey City University. Il y dirige aussi un programme de doctorat en politiques et gestion de sécurité. Ses recherches portent sur les questions de gouvernance et de sécurité...
Quant à WATHI, il se donne pour mission de mettre à la disposition de l’Afrique de l’Ouest un cadre permanent permettant à tous ceux qui le souhaitent de participer à la production et l’échange de connaissances et d’idées et de contribuer, chacun à sa manière, à la consolidation des Etats, des institutions et des sociétés d’Afrique de l’Ouest, et à ceux du continent africain par un effet de démonstration.
Après 25 années de service dans l’armée béninoise, il s’est établi aux États-Unis où il est actuellement professeur de sécurité internationale au New Jersey City University. Il y dirige aussi un programme de doctorat en politiques et gestion de sécurité. Ses recherches portent sur les questions de gouvernance et de sécurité...
Quant à WATHI, il se donne pour mission de mettre à la disposition de l’Afrique de l’Ouest un cadre permanent permettant à tous ceux qui le souhaitent de participer à la production et l’échange de connaissances et d’idées et de contribuer, chacun à sa manière, à la consolidation des Etats, des institutions et des sociétés d’Afrique de l’Ouest, et à ceux du continent africain par un effet de démonstration.