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Qualité de l’air : 15 décès par jour et 11 milliards de DH de perte/an, l’addition salée de la pollution


Rédigé par Kawtar CHAAT Dimanche 10 Avril 2022

Vies humaines perdues, dégradation de la qualité de vie, pertes de productivité, coûts des soins élevés… le phénomène de la propagation des maladies chroniques et des épidémies mortelles résultant de la pollution de l’air, de l’eau et de l’alimentation est devenu très préoccupant, a alerté le Réseau Marocain de Défense du Droit à la Santé et du Droit à la Vie.



Qualité de l’air : 15 décès par jour et 11 milliards de DH de perte/an, l’addition salée de la pollution
Dans un rapport publié à l’occasion de la Journée Mondiale de la Santé, le Réseau a révélé des chiffres qui décrivent les coûts sanitaires et économiques douloureux que le Maroc, à l’instar de plusieurs autres pays de la région MENA, encourt en raison de sa dépendance vis-à-vis des combustibles fossiles, qui polluent l’air et causent des taux élevés de maladies et de décès.

Relatant les données que l’organisation Greenpeace MENA (Moyen-Orient et Afrique du Nord) a publiées dans un rapport mondial intitulé « L’air toxique : le coût réel des combustibles fossiles », le Réseau a indiqué que la pollution de l’air cause plus de 5000 décès au Maroc, soit une moyenne de 15 décès par jour, et coûte au pays près de 11 milliards de dirhams par an, selon un rapport de Greenpeace.

« Ce nombre de morts que fait la pollution atmosphérique au Maroc est certes préoccupant, mais il est loin de refléter la réalité vu que de nombreuses personnes meurent de la pollution sans forcément en être conscientes ou diagnostiquées », nous a déclaré Ayoub Krir, président de l’Association « Oxygène pour l’Environnement et la Santé».

Le rapport attribue la raison de cette augmentation de décès à la dépendance du Maroc au charbon pour produire de l’électricité, ce qui met en danger la santé des citoyens, car le charbon est l’une des sources d’énergie fossile les plus polluantes et provoque plusieurs maladies chroniques.

Le dilemme des activités économiques

En effet, l’augmentation des activités économiques s’accompagne d’une augmentation significative des émissions et des concentrations de polluants. Si le développement économique ne peut se faire sans ces activités, les répercussions de la pollution de l’air qu’elles entraînent touchent la productivité du travail, les dépenses des finances publiques liées aux coûts des soins et aux recherches publiques et de la prévention de santé ainsi que sur le rendement des cultures agricoles.

En dépit des contraintes concurrentielles qui peuvent souvent limiter les investissements moins productifs, la réduction des impacts environnementaux pourrait constituer des opportunités d’investissements considérables pour les entreprises industrielles, notamment dans un contexte mondial marqué par un focus sur les performances durables et par des pressions réglementaires et sociétales exhortant à l’adoption de systèmes de dépollution efficientes, indique Ayoub Krir.

Dans ce sens, le rapport indique que les habitants de la région de Casablanca-Settat, qui représente 50% de l’activité industrielle au Maroc, sont plus vulnérables que les autres aux maladies respiratoires, en raison de la pollution de l’air, car cette ville compte environ 20% des personnes infectées par des maladies causées par la pollution atmosphérique.

Quant au niveau de pollution de l’eau, le Réseau, qui s’active dans la cause environnementale, a souligné que 28% des sources d’eau du Maroc sont menacées par la pollution, et que les déchets solides, les pesticides, les engrais chimiques et les produits chimiques constituent la plus grande menace directe pour les ressources hydriques souterraines et la santé de la population marocaine.

La souveraineté sanitaire passe par la dépollution

Le Réseau a cité un rapport de la Banque Mondiale selon lequel le Maroc fait partie des pays ayant le plus grand taux de pollution de l’eau, et un rapport du Centre Antipoison et de Pharmacovigilance du Maroc révélant que plus de 90% des intoxications alimentaires enregistrées au Maroc après des médicaments sont causées par la contamination des aliments par des microbes, et près de 10% sont causées par des produits chimiques, sans parler de l’augmentation à un million et demi du nombre de Marocains souffrant de sous-alimentation.

Le rapport souligne que la réalisation de la sécurité sanitaire et de la souveraineté sanitaire au Maroc ne peut dépendre uniquement des services du secteur de la santé, mais plutôt d’une responsabilité collective qui nécessite de cibler les déterminants sociaux de la santé et de protéger nos systèmes écologiques.

Le Réseau a souligné que les décideurs gouvernementaux sont aujourd’hui plus que jamais tenus de faire de la protection de l’environnement une priorité intégrée dans tous les programmes économiques et sociaux, de bâtir un système de santé juste et équitable et un environnement sain.



Kawtar CHAAT

3 questions à Ayoub Krir

Qualité de l’air : 15 décès par jour et 11 milliards de DH de perte/an, l’addition salée de la pollution

« Il faut que l’ensemble de l’écosystème adhère aux objectifs climatiques du Maroc »
 
La pollution atmosphérique qui menace la santé des Marocains persiste malgré l’engagement du Maroc dans la bataille climatique mondiale. Analyse de Ayoub Krir, président de l’Association «Oxygène pour l’Environnement et la Santé» et figure incontournable de l’action écologique au Maroc.


- Quels sont les polluants climatiques et leurs principales répercussions sanitaires ? Et qui est touché par l’altération de la qualité de l’air ?

- Les particules toxiques de l’air pénètrent dans le système respiratoire par inhalation provoquant des maladies respiratoires et cardiovasculaires, des dysfonctionnements du système nerveux et des cancers, outre la réduction de l’espérance de vie. Les dangers sanitaires de la pollution atmosphérique touchent toutes les tranches d’âges mais en particulier les enfants et les personnes âgées qui sont les plus vulnérables.

La protection de la santé publique nécessite ainsi l’élaboration d’études scientifiques minutieuses en décomposant les particules polluantes afin de repérer les éléments toxiques, identifier leurs origines et mettre en place des solutions proactives.


- La pollution atmosphérique au Maroc est essentiellement due à la dépendance vis-à-vis des combustibles fossiles. Quelles sont les solutions durables qui pourraient protéger notre santé, éliminer le charbon et profiter sur le plan économique à notre société ?

- La seule façon de s’attaquer à ce problème passe par une sensibilisation des acteurs industriels couplée à une approche multidisciplinaire faite par des experts scientifiques pour proposer des solutions durables et accélérer leur opérationnalisation. Il faut que l’ensemble de l’écosystème adhère aux objectifs climatiques du Maroc, et la solution fondamentale consiste à abandonner les combustibles fossiles qui doivent céder la place aux énergies alternatives telles que l’énergie éolienne, solaire et géothermique.


- Pourquoi cette situation se perpétue-t- elle alors que le Maroc fait preuve de grandes réalisations au niveau des énergies renouvelables ?


- L’un des plus grands fléaux de notre société est la pollution de l’air, en raison non seulement de son impact sur le changement climatique, mais aussi de ses répercussions sanitaires avec l’augmentation de la morbidité. Ce phénomène perdure principalement à cause de l’absence des systèmes de contrôle de la pollution de l’air et la progressivité de l’adoption des alternatives aux combustibles fossiles.


Recueillis par K. Ch.
 



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