Amine Nejjar
- Dans une conjoncture nationale et internationale marquée par la récession et le manque de confiance des populations en l’avenir, la relance du secteur de l’immobilier est-elle vraiment prioritaire et atteignable comme objectif ?
- La situation actuelle du secteur de l’industrie de la construction (NDLR : BTP et promotion immobilière) qui contribue pour 14% du PIB, génère plus d’un million d’emplois non délocalisables et concentre près de 30% des engagements bancaires, présente des fragilités et des incertitudes. L’arrêt de 90% des chantiers accentue le risque sur le futur de la filière et les personnes qui en vivent. L’Alliance des Economistes Istiqlaliens a dans son communiqué appelé le Gouvernement à adopter des mesures d’urgence pour sauvegarder ce secteur qui a l’avantage d’être créateur d’emplois et utilisateur des matériaux locaux. Ce secteur peut redémarrer rapidement si nous agissons tous de manière solidaire dans le sens de la relance de la demande, de l’activité de la construction et qu’on mette en place des mesures spécifiques pour le logement économique et social. L’AEI a insisté dans ses propositions sur la nécessité d’améliorer la capacité financière des futurs acquéreurs qui, aujourd’hui, du fait de la pandémie du Covid-19 ont subi une érosion de leur pouvoir d’achat.
- Parmi la batterie de mesures préconisées par l’AEI, on remarque l’absence de toute référence à la nécessité de baisser le taux directeur appliqué par BAM qui est un levier important pour la baisse des taux d’intérêts appliqués et donc pour la relance de la demande ?
- L’Alliance des Economistes Istiqlaliens a dans ses réflexions antérieures déjà abordé ce sujet d’action de BAM sur le taux directeur et émis ses recommandations relatives à la mise en place d’une politique monétaire moins conservatrice pour insuffler une nouvelle dynamique économique. Au niveau de la commission sur l’immobilier, nous avons cherché les mesures qui permettraient un retour rapide de la confiance au niveau du marché de l’immobilier entre les acquéreurs et les vendeurs. Le contexte actuel se traduit par une baisse des taux d’intérêt sur les crédits immobiliers qui risque de durer voire de s’accentuer. Nous préconisons un geste supplémentaire des banques en direction des primo-acquéreurs avec une baisse additionnelle d’au moins 50 points de base sur les taux appliqués à la clientèle et une exonération des frais de dossier.
- Ne pensez-vous pas que le moment est venu pour un changement total de valeurs et de paradigmes dans le secteur de l’immobilier au Maroc qui semblait complètement hors-sol par rapport aux réalités du marché local, marqué par un faible pouvoir d’achat ?
- La persistance de la crise du secteur de l’immobilier depuis plusieurs années s’explique certes par un contexte économique défavorable mais aussi par la timidité des mesures gouvernementales entreprises depuis 2012 pour sortir ce secteur de sa léthargie. Il faut que l’on puisse répondre aux attentes des citoyens, de tous les citoyens (logement social, faible VIT, classe moyenne et rurale) : disposer d’un logement à un prix accessible, disponible sur tout le territoire, de qualité et dans un environnement attractif. Toutes les mesures à prévoir sur ce secteur (foncier, règlementation, normes d’urbanisme, opérateurs du secteur) doivent répondre à cette problématique. Une attention particulière devrait être donnée aux petits promoteurs immobiliers qui pourront s’adapter facilement à la nouvelle réalité du secteur.
- Le secteur de l’immobilier qui emploie plus d’un million de Marocains ne devrait-il pas être soumis en cette période de vulnérabilité à une refonte de ses cahiers des charges sociaux, notamment en termes de sécurité dans les chantiers ?
- Nous avons prôné pour cette période particulière l’instauration de mesures précises émanant des professionnels (de la construction et de la santé) pour assurer la sécurité sanitaire au sein des chantiers de construction avec le guide des bonnes pratiques et surtout le cahier de sécurité sanitaire, seul document opposable qui est destiné à veiller au respect des règles d’hygiène et santé au sein des chantiers de construction. La professionnalisation des opérateurs du secteur qui prendra plus de temps nécessitera la mise en place d’un statut du promoteur, l’encadrement de tous les intervenants dans l’acte de bâtir, une règlementation de certains métiers (contrôle technique, sécurité) et une structuration de l’auto-construction et de la sous-traitance. De cette action découlera impérativement la refonte des cahiers de charges sociaux du secteur en coordination avec les organisations patronales et syndicales présentes dans l’écosystème de la construction.
- Au vu de la multiplication des scandales immobiliers qui ont largement entamé la confiance des Marocains dans ce secteur, la conjoncture actuelle n’est-elle pas propice à la mise en oeuvre d’un quadrillage plus sévère et plus pointilleux au bénéfice du client final ?
Encore une fois la mise en place de telles mesures protégeant les clients nécessite une réglementation cohérente et applicable sur le terrain. La concertation avec tous les opérateurs du secteur est impérative pour éviter les couacs que nous avons vécus ces derniers temps avec la loi sur la VEFA (vente en l’état futur d’achèvement). D’ailleurs, il va falloir se pencher sérieusement et très rapidement sur la refonte de cette loi en intégrant dans la concertation tous les ministères concernés, les banques, les assurances, la conservation foncière, les notaires et les professionnels du secteur. Seul un travail collectif assurant la cohérence du processus permettra l’émergence d’une loi sur la VEFA qui donnera plus de crédibilité aux transactions dans le secteur.
- La relance de l’immobilier neuf ne passe-t-elle pas également par une relance de la vente de l’immobilier ancien à travers des mesures fiscales incitatives à même de favoriser les transactions, et par ricochet, la circulation de l’argent ?
- En théorie, l’idée de permettre aux ménages détenteurs d’un logement de se projeter dans un logement neuf qui répond à leurs nouvelles exigences favoriserait certes la production de logements et par ricochet permettrait de relancer la machine.Dans le contexte actuel, il serait difficile de demander des mesures fiscales incitatives supplémentaires pour ce genre de transactions. Contrairement à l’idée qu’on a, le marché de l’ancien a toujours été dynamique au Maroc.
- Quelles sont les mesures à prendre pour soutenir le secteur des matériaux de construction qui prône la suspension des importations pour soutenir l’industrie nationale ?
- Dans le contexte actuel de la pandémie, l’AEI dans son communiqué a vivement demandé aux promoteurs et aux opérateurs du secteur de recourir aux matériaux de construction locaux pour soutenir l’industrie nationale. De plus je voudrais rappeler ici la proposition faite par l’AEI en mai 2019 dans le cadre de son document sur la relance de la croissance marocaine par l’habitat, d’intégrer le recours aux matériaux de construction locaux parmi les conditions principales du nouveau concept des conventions pour le logement social post 2020 qui se baserait sur une approche régionale aux côtés de la définition d’objectifs de création d’emplois et de recours aux entreprises de construction locales.
- La situation actuelle du secteur de l’industrie de la construction (NDLR : BTP et promotion immobilière) qui contribue pour 14% du PIB, génère plus d’un million d’emplois non délocalisables et concentre près de 30% des engagements bancaires, présente des fragilités et des incertitudes. L’arrêt de 90% des chantiers accentue le risque sur le futur de la filière et les personnes qui en vivent. L’Alliance des Economistes Istiqlaliens a dans son communiqué appelé le Gouvernement à adopter des mesures d’urgence pour sauvegarder ce secteur qui a l’avantage d’être créateur d’emplois et utilisateur des matériaux locaux. Ce secteur peut redémarrer rapidement si nous agissons tous de manière solidaire dans le sens de la relance de la demande, de l’activité de la construction et qu’on mette en place des mesures spécifiques pour le logement économique et social. L’AEI a insisté dans ses propositions sur la nécessité d’améliorer la capacité financière des futurs acquéreurs qui, aujourd’hui, du fait de la pandémie du Covid-19 ont subi une érosion de leur pouvoir d’achat.
- Parmi la batterie de mesures préconisées par l’AEI, on remarque l’absence de toute référence à la nécessité de baisser le taux directeur appliqué par BAM qui est un levier important pour la baisse des taux d’intérêts appliqués et donc pour la relance de la demande ?
- L’Alliance des Economistes Istiqlaliens a dans ses réflexions antérieures déjà abordé ce sujet d’action de BAM sur le taux directeur et émis ses recommandations relatives à la mise en place d’une politique monétaire moins conservatrice pour insuffler une nouvelle dynamique économique. Au niveau de la commission sur l’immobilier, nous avons cherché les mesures qui permettraient un retour rapide de la confiance au niveau du marché de l’immobilier entre les acquéreurs et les vendeurs. Le contexte actuel se traduit par une baisse des taux d’intérêt sur les crédits immobiliers qui risque de durer voire de s’accentuer. Nous préconisons un geste supplémentaire des banques en direction des primo-acquéreurs avec une baisse additionnelle d’au moins 50 points de base sur les taux appliqués à la clientèle et une exonération des frais de dossier.
- Ne pensez-vous pas que le moment est venu pour un changement total de valeurs et de paradigmes dans le secteur de l’immobilier au Maroc qui semblait complètement hors-sol par rapport aux réalités du marché local, marqué par un faible pouvoir d’achat ?
- La persistance de la crise du secteur de l’immobilier depuis plusieurs années s’explique certes par un contexte économique défavorable mais aussi par la timidité des mesures gouvernementales entreprises depuis 2012 pour sortir ce secteur de sa léthargie. Il faut que l’on puisse répondre aux attentes des citoyens, de tous les citoyens (logement social, faible VIT, classe moyenne et rurale) : disposer d’un logement à un prix accessible, disponible sur tout le territoire, de qualité et dans un environnement attractif. Toutes les mesures à prévoir sur ce secteur (foncier, règlementation, normes d’urbanisme, opérateurs du secteur) doivent répondre à cette problématique. Une attention particulière devrait être donnée aux petits promoteurs immobiliers qui pourront s’adapter facilement à la nouvelle réalité du secteur.
- Le secteur de l’immobilier qui emploie plus d’un million de Marocains ne devrait-il pas être soumis en cette période de vulnérabilité à une refonte de ses cahiers des charges sociaux, notamment en termes de sécurité dans les chantiers ?
- Nous avons prôné pour cette période particulière l’instauration de mesures précises émanant des professionnels (de la construction et de la santé) pour assurer la sécurité sanitaire au sein des chantiers de construction avec le guide des bonnes pratiques et surtout le cahier de sécurité sanitaire, seul document opposable qui est destiné à veiller au respect des règles d’hygiène et santé au sein des chantiers de construction. La professionnalisation des opérateurs du secteur qui prendra plus de temps nécessitera la mise en place d’un statut du promoteur, l’encadrement de tous les intervenants dans l’acte de bâtir, une règlementation de certains métiers (contrôle technique, sécurité) et une structuration de l’auto-construction et de la sous-traitance. De cette action découlera impérativement la refonte des cahiers de charges sociaux du secteur en coordination avec les organisations patronales et syndicales présentes dans l’écosystème de la construction.
- Au vu de la multiplication des scandales immobiliers qui ont largement entamé la confiance des Marocains dans ce secteur, la conjoncture actuelle n’est-elle pas propice à la mise en oeuvre d’un quadrillage plus sévère et plus pointilleux au bénéfice du client final ?
Encore une fois la mise en place de telles mesures protégeant les clients nécessite une réglementation cohérente et applicable sur le terrain. La concertation avec tous les opérateurs du secteur est impérative pour éviter les couacs que nous avons vécus ces derniers temps avec la loi sur la VEFA (vente en l’état futur d’achèvement). D’ailleurs, il va falloir se pencher sérieusement et très rapidement sur la refonte de cette loi en intégrant dans la concertation tous les ministères concernés, les banques, les assurances, la conservation foncière, les notaires et les professionnels du secteur. Seul un travail collectif assurant la cohérence du processus permettra l’émergence d’une loi sur la VEFA qui donnera plus de crédibilité aux transactions dans le secteur.
- La relance de l’immobilier neuf ne passe-t-elle pas également par une relance de la vente de l’immobilier ancien à travers des mesures fiscales incitatives à même de favoriser les transactions, et par ricochet, la circulation de l’argent ?
- En théorie, l’idée de permettre aux ménages détenteurs d’un logement de se projeter dans un logement neuf qui répond à leurs nouvelles exigences favoriserait certes la production de logements et par ricochet permettrait de relancer la machine.Dans le contexte actuel, il serait difficile de demander des mesures fiscales incitatives supplémentaires pour ce genre de transactions. Contrairement à l’idée qu’on a, le marché de l’ancien a toujours été dynamique au Maroc.
- Quelles sont les mesures à prendre pour soutenir le secteur des matériaux de construction qui prône la suspension des importations pour soutenir l’industrie nationale ?
- Dans le contexte actuel de la pandémie, l’AEI dans son communiqué a vivement demandé aux promoteurs et aux opérateurs du secteur de recourir aux matériaux de construction locaux pour soutenir l’industrie nationale. De plus je voudrais rappeler ici la proposition faite par l’AEI en mai 2019 dans le cadre de son document sur la relance de la croissance marocaine par l’habitat, d’intégrer le recours aux matériaux de construction locaux parmi les conditions principales du nouveau concept des conventions pour le logement social post 2020 qui se baserait sur une approche régionale aux côtés de la définition d’objectifs de création d’emplois et de recours aux entreprises de construction locales.
Recueillis par
Lilya El ALLOULI