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Rentrée scolaire : Les ménages marocains entre le marteau et l’enclume


Rédigé par M. E. et Y. E. Mardi 6 Septembre 2022

A quelques jours de la rentrée scolaire prévue le 05 Septembre, le Haut-commissariat au plan (HCP) a annoncé dans ses « Brefs du Plan » que les dépenses de scolarisation des enfants ont plus que triplé en moins de 20 ans.



Rentrée scolaire : Les ménages marocains entre le marteau et l’enclume
La rentrée scolaire pour l’année 2022- 2023 n’a pas le même goût que les précédentes pour les ménages. En effet, la rentrée intervient dans un contexte d’inflation marqué par la hausse des prix sans oublier les répercussions de la crise de Covid-19 qui a ravagé le monde et qui n’a pas épargné le Maroc par son impact sur le pouvoir d’achat des ménages. Pour toutes ces raisons, le Haut-commissariat au plan (HCP) vient de publier « Brefs du Plan » intitulé « A combien s’élèvent les dépenses des ménages pour la scolarisation de leurs enfants ? ». Le document donne un aperçu sur les dépenses des Marocains quant à la scolarisation de leurs enfants. Des données tirées de son Enquête nationale sur les sources de revenus (ENSR), réalisée entre 2019 et 2020.

L’argent, nerf de la guerre

Selon les résultats de l’enquête, les dépenses de scolarisation des enfants ont été multipliées par 3,4 en moins de 20 ans en passant de 1.777 dirhams en 2001 à 4.356 dirhams en 2019 au niveau national. Par enfant scolarisé, la dépense annuelle des ménages en milieu rural a augmenté de 7, 6% et de 11, 9% en milieu urbain soit 6,5% au niveau national. « Le non contrôle des tarifs des écoles privées et la commercialisation du secteur social à savoir l’enseignement nous a mené à ce dangereux constat, l’accès à un enseignement n’est plus un droit, mais plutôt un luxe exclusif aux ménages ayant des moyens financiers aisés », nous explique Omar Kettani, Économiste et professeur à l’Université Mohammed V.

Le HCP précise dans le même sens que ces dépenses varient largement selon le milieu de résidences. Les ménages ruraux ont dépensé 1.484 dirhams en moyenne en 2019 pour la scolarisation de leurs enfants (soit 2,2% de leur budget annuel) contre 5.701 dirhams chez les ménages citadins (soit 5,6% de leur budget).

Par personne scolarisée, la dépense annuelle a atteint 759 dirhams chez les ménages ruraux contre 3.217 dirhams chez les ménages urbains. Selon le niveau de vie, la dépense par enfant scolarisé est 14 fois plus élevée chez les 20% des familles les plus aisées que chez les 20% des familles les plus défavorisées, soit respectivement 7.500 et 506 dirhams.

« Loin de la réalité amère que ce chiffre transmet. Si les dépenses chez les ménages défavorisés ne dépassent pas les 506 DH, je me demande sincèrement qu’en est-il des dépenses pour leur nourriture, et qu’elle est la conséquence d’une nourriture faible en calorie pour l’intelligence et le travail intellectuel d’un enfant ? », ajoute Kettani.

Les statistiques avancées par la même source affichent un grand écart de dépenses quand il s’agit du secteur d’enseignement. En fait, les ménages ayant exclusivement des enfants scolarisés dans le privé dépensent 3.639 dirhams annuellement. C’est à dire 4 fois plus que ceux ayant exclusivement des enfants scolarisés dans le public (928 dirhams), soit 28,0% et 48,1% de leurs dépenses annuelles respectives pour la scolarisation.

Ainsi, le HCP a souligné que la dépense moyenne des ménages marocains pour la rentrée scolaire 2019-2020 s’est élevée à 1.556 dirhams, soit 35,7% de leurs dépenses en scolarisation et 20,4% de leur budget mensuel moyen. Cette dépense varie largement selon le milieu de résidence, le niveau de vie et le secteur d’enseignement.

La tutelle met les bouchées doubles

Pour que les prix des manuels demeurent inchangés, le ministère de l’Éducation nationale, du Préscolaire et des Sports et le ministère de l’Économie et des Finances ont pris, le mois dernier, une décision conjointe stipulant la mise en place d’un mécanisme de soutien aux éditeurs de manuels scolaires, et ce après une série de consultations avec le Comité interministériel des prix.

Cette décision a pour objectif d’assurer la disponibilité suffisante des manuels scolaires en temps opportun pour la prochaine rentrée scolaire 2023-2022, et d’éviter toute augmentation de leurs prix, dans la foulée des efforts du gouvernement pour préserver le pouvoir d’achat des familles marocaines. « A mon sens, personne ne peut nier qu’il s’agit d’un bon geste de la part du ministère de tutelle, mais nous regrettons qu’elles soient des subventions pour les manuels scolaires et non pour les coûts de scolarité », conclut Omar Kettani.


M. E. et Y. E.

3 questions à Omar Kettani


« Il est désormais urgent de s’attaquer aux causes réelles de la cherté de l’enseignement »
 
Economiste et professeur universitaire à la Faculté Mohammed 5 de Rabat, Omar Kettani nous a apporté sa lecture des derniers chiffres avancés par le Haut commissariat au plan au sujet des frais de scolarité des enfants au Maroc.


-Selon le Haut commissariat au plan (HCP), les dépenses de scolarisation des enfants ont plus que triplé en moins de 20 ans, comment expliquez-vous ce constat ?


- Cela est dû principalement au non contrôle des tarifs des écoles privées. Il est évident qu’on assiste aujourd’hui à une commercialisation d’un secteur social principal qui est l’enseignement. Il faut signaler qu’il s’agit d’une orientation rentable pour les hommes d’affaires mais qui demeure très dangereuse pour le système éducatif marocain. Ça veut dire que l’accès à un enseignement de qualité est désormais exclusif à une catégorie sociale spécifique qui a les moyens.

En fait c’est un système qui coûte très cher aux familles marocaines surtout celles ayant plus d’un enfant. Payer plus de 5000 DH mensuellement pour la scolarisation de ses enfants met les familles dans une pression continue.


-Les dépenses par enfant scolarisé sont 14 fois plus élevées chez les 20% des familles les plus aisées que chez les 20% des familles les plus défavorisées soit 7500 DH et 500 DH respectivement, quelle lecture vous en faites ?

-Le décalage de dépenses des deux classes sociales est alarmant. C’est du à mon sens au pouvoir d’achat de la classe défavorisée qui demeure de plus en plus faible. Mais entre les deux il y a une classe moyenne qui est la vache à traire du secteur privé qui s’adonne aux secteurs sociaux notamment les cliniques et les écoles. Aujourd’hui on est en train de rendre la vie difficile non pas seulement à la classe pauvre mais aussi à la classe moyenne qui devrait représenter plus de 30% de la population marocaine mais qui, par ailleurs, en train de maigrir en raison de l’inflation et de la fiscalité.


-Dans quelle mesure les subventions accordées aux éditeurs peuvent-elles minimiser les dépenses de scolarisation des enfants pour les Marocains ?

-A mon sens, c’est un bon geste qu’il ne faut pas nier, mais nous regrettons qu’il soit des subventions pour les manuels scolaires et non pour les coûts de scolarité qui demeurent de plus en plus élevés. C’est une mesure éphémère par rapport aux tarifs, excessivement chers, payés par les ménages pour la scolarisation de leurs enfants. Les pouvoirs publics ont fourni des efforts pour que les fournitures scolaires gardent leur prix mais il y a un effort qui devrait être fait au niveau de la révision de la tarification des écoles privées. En d’autres termes, il faut s’attaquer sur le plan structurel aux causes réelles de la cherté des services sociaux au Maroc notamment l’enseignement.