Face à une pandémie qui n’en finit pas de sévir, les gouvernements à travers le globe tentent tant bien que mal de trouver des solutions afin de limiter les ravages causés par la crise sanitaire. Dans ce contexte, où les stratégies de lutte contre la propagation du Coronavirus et de relance des économies foisonnent, se profile une autre crise qui touche la santé mentale de centaines de millions de personnes. « Déjà limité avant la pandémie, l’accès à des soins de santé mentale de bonne qualité et financièrement abordables, surtout dans les situations d’urgence humanitaire et les zones de conflits, a été encore réduit par la pandémie de la Covid 19, qui a perturbé les services de santé partout dans le monde », souligne un communiqué de l’Organisation Mondiale pour la Santé diffusé le 29 août, en annonce de la campagne mondiale organisée le 10 octobre à l’occasion de la Journée mondiale de la santé mentale.
Santé mentale mise à mal
L’OMS énumère les nombreuses difficultés qui sont apparues ces derniers mois : les soignants qui ont dû prodiguer des soins dans des circonstances difficiles et qui sont allés travailler en craignant de ramener la Covid-19 chez eux. Les élèves, qui ont dû s’adapter à l’enseignement à distance, en ayant peu de contact avec leurs enseignants et leurs amis et en étant inquiets pour leur avenir. Les travailleurs dont les moyens de subsistance sont menacés. Le grand nombre de personnes pauvres ou qui se trouvent dans des situations de crise humanitaire et qui sont très peu protégées de la Covid-19. Les personnes atteintes de troubles mentaux, dont beaucoup sont encore plus isolées socialement qu’auparavant ainsi que tous ceux qui ont perdu un être cher et qui doivent faire un travail de deuil, parfois sans avoir pu faire leurs adieux au défunt…
Une situation qui prend de l’ampleur
Alors que les manifestations des conséquences économiques de la pandémie se font déjà sentir avec des milliers d’entreprises qui licencient du personnel, l’OMS prévient que« les besoins en santé mentale et en soutien psychosocial devraient augmenter considérablement au cours des mois et années à venir ». Depuis le début de pandémie, la demande d’assistance psychosociale et psychologique a en effet explosé. Le Maroc n’échappe pas à la règle : « Depuis mars dernier, il y a eu énormément de cellules d’écoute qui ont été mises en place dans le Royaume afin d’apporter un soutien psychologique aux personnes qui se trouvent dans des situations difficiles à cause de la pandémie », confie Pr Mohamed Agoub, psychiatre et président de la ligue pour la santé mentale qui donne l’exemple de trois cellules d’écoute mises en place dans le CHU Ibnou Rochd de Casablanca à destination du personnel soignant, des étudiants et des familles.
Santé mentale et prévention
« Il y a eu d’autres initiatives de ce genre, notamment au niveau de l’Ordre National des Médecins ou encore dans certaines entreprises et écoles qui ont mis en place des dispositifs dédiés à l’assistance psychologique », souligne Pr Mohamed Agoub. « Nous avons vu dans les consultations des personnes qui ont des troubles liés à la peur de la maladie, mais aussi causés par le confinement et les répercussions psychiques qu’il peut parfois engendrer. Ces centres d’écoute ont prouvé leur importance, car ils ont participé à prévenir des troubles plus graves puisque les personnes fragiles qui n’ont pas accès à une aide de ce genre peuvent développer des troubles plus graves et plus durables », confie le praticien. Afin de palier au risque de recrudescence de détérioration de la santé mentale, l’OMS appelle les pays à investir dans le domaine. « Plusieurs pays accusent des carences dans ce domaine. Le Maroc est dans ce cas de figure. Dans les pays similaires, on a des chiffres de couverture et de nombre de praticiens qui est le double ou le triple de celui qu’on a au Maroc », souligne Pr Agoub. « Nous avons vu ces dernières décennies que les tabous liés à la maladie mentale avaient diminué. Il reste néanmoins nécessaire d’investir dans ce domaine en incitant toutes les parties prenantes à contribuer à déstigmatiser la maladie mentale et à améliorer les conditions pour le bien-être mental des personnes », conclut-il.
Santé mentale mise à mal
L’OMS énumère les nombreuses difficultés qui sont apparues ces derniers mois : les soignants qui ont dû prodiguer des soins dans des circonstances difficiles et qui sont allés travailler en craignant de ramener la Covid-19 chez eux. Les élèves, qui ont dû s’adapter à l’enseignement à distance, en ayant peu de contact avec leurs enseignants et leurs amis et en étant inquiets pour leur avenir. Les travailleurs dont les moyens de subsistance sont menacés. Le grand nombre de personnes pauvres ou qui se trouvent dans des situations de crise humanitaire et qui sont très peu protégées de la Covid-19. Les personnes atteintes de troubles mentaux, dont beaucoup sont encore plus isolées socialement qu’auparavant ainsi que tous ceux qui ont perdu un être cher et qui doivent faire un travail de deuil, parfois sans avoir pu faire leurs adieux au défunt…
Une situation qui prend de l’ampleur
Alors que les manifestations des conséquences économiques de la pandémie se font déjà sentir avec des milliers d’entreprises qui licencient du personnel, l’OMS prévient que« les besoins en santé mentale et en soutien psychosocial devraient augmenter considérablement au cours des mois et années à venir ». Depuis le début de pandémie, la demande d’assistance psychosociale et psychologique a en effet explosé. Le Maroc n’échappe pas à la règle : « Depuis mars dernier, il y a eu énormément de cellules d’écoute qui ont été mises en place dans le Royaume afin d’apporter un soutien psychologique aux personnes qui se trouvent dans des situations difficiles à cause de la pandémie », confie Pr Mohamed Agoub, psychiatre et président de la ligue pour la santé mentale qui donne l’exemple de trois cellules d’écoute mises en place dans le CHU Ibnou Rochd de Casablanca à destination du personnel soignant, des étudiants et des familles.
Santé mentale et prévention
« Il y a eu d’autres initiatives de ce genre, notamment au niveau de l’Ordre National des Médecins ou encore dans certaines entreprises et écoles qui ont mis en place des dispositifs dédiés à l’assistance psychologique », souligne Pr Mohamed Agoub. « Nous avons vu dans les consultations des personnes qui ont des troubles liés à la peur de la maladie, mais aussi causés par le confinement et les répercussions psychiques qu’il peut parfois engendrer. Ces centres d’écoute ont prouvé leur importance, car ils ont participé à prévenir des troubles plus graves puisque les personnes fragiles qui n’ont pas accès à une aide de ce genre peuvent développer des troubles plus graves et plus durables », confie le praticien. Afin de palier au risque de recrudescence de détérioration de la santé mentale, l’OMS appelle les pays à investir dans le domaine. « Plusieurs pays accusent des carences dans ce domaine. Le Maroc est dans ce cas de figure. Dans les pays similaires, on a des chiffres de couverture et de nombre de praticiens qui est le double ou le triple de celui qu’on a au Maroc », souligne Pr Agoub. « Nous avons vu ces dernières décennies que les tabous liés à la maladie mentale avaient diminué. Il reste néanmoins nécessaire d’investir dans ce domaine en incitant toutes les parties prenantes à contribuer à déstigmatiser la maladie mentale et à améliorer les conditions pour le bien-être mental des personnes », conclut-il.
Oussama ABAOUSS
3 questions au Pr Mohamed Agoub, psychiatre
Mohamed Agoub
« La santé mentale est le parent pauvre de la médecine »
Président de la ligue pour la santé mentale et directeur du Centre collaborateur marocain de l’OMS pour la santé mentale, Pr Mohamed Agoub a répondu à nos questions.
- Comment évaluez-vous le besoin en matière de psychiatrie et de santé mentale au Maroc ?
- Le besoin est considérable. Concernant la capacité d’hospitalisation, le Maroc disposait dans les années 40 de près de 2000 lits à l’hôpital psychiatrique de Berrechid. Depuis cette époque, le nombre global de lits n’a pas vraiment avancé alors que le nombre de patients a augmenté…
- Comment peut-on expliquer ce manque ?
- La santé mentale est le parent pauvre de la médecine. Elle n’est malheureusement pas considérée comme une priorité. Au Maroc, nous comptons quelque 400 praticiens alors que l’OMS recommande d’avoir 2.5 psychiatres pour 100.000 habitants. Il y a également le nombre de psychiatres formés chaque année qui est loin de pouvoir suffire pour rattraper le retard en la matière. Parmi ces nouveaux praticiens, la majorité s’oriente vers le secteur privé avec seulement un tiers -voire un quart- qui rejoint le secteur public. Cette année, par exemple, nous avons uniquement 11 nouveaux postes dédiés à la psychiatrie dans le secteur public au Maroc.
- Que faut-il faire, selon vous, pour remédier à cette situation ?
- Il est à mon sens nécessaire d’allouer plus de budgets à ce domaine afin de former plus de personnel et de doter les hôpitaux de services de psychiatrie. C’est une mesure préconisée par l’OMS qui a l’avantage d’apporter plus de proximité aux patients et de contribuer à déstigmatiser la maladie mentale. Il est aussi primordial d’inciter et de faciliter les investissements dans ce domaine à tous les niveaux.
Président de la ligue pour la santé mentale et directeur du Centre collaborateur marocain de l’OMS pour la santé mentale, Pr Mohamed Agoub a répondu à nos questions.
- Comment évaluez-vous le besoin en matière de psychiatrie et de santé mentale au Maroc ?
- Le besoin est considérable. Concernant la capacité d’hospitalisation, le Maroc disposait dans les années 40 de près de 2000 lits à l’hôpital psychiatrique de Berrechid. Depuis cette époque, le nombre global de lits n’a pas vraiment avancé alors que le nombre de patients a augmenté…
- Comment peut-on expliquer ce manque ?
- La santé mentale est le parent pauvre de la médecine. Elle n’est malheureusement pas considérée comme une priorité. Au Maroc, nous comptons quelque 400 praticiens alors que l’OMS recommande d’avoir 2.5 psychiatres pour 100.000 habitants. Il y a également le nombre de psychiatres formés chaque année qui est loin de pouvoir suffire pour rattraper le retard en la matière. Parmi ces nouveaux praticiens, la majorité s’oriente vers le secteur privé avec seulement un tiers -voire un quart- qui rejoint le secteur public. Cette année, par exemple, nous avons uniquement 11 nouveaux postes dédiés à la psychiatrie dans le secteur public au Maroc.
- Que faut-il faire, selon vous, pour remédier à cette situation ?
- Il est à mon sens nécessaire d’allouer plus de budgets à ce domaine afin de former plus de personnel et de doter les hôpitaux de services de psychiatrie. C’est une mesure préconisée par l’OMS qui a l’avantage d’apporter plus de proximité aux patients et de contribuer à déstigmatiser la maladie mentale. Il est aussi primordial d’inciter et de faciliter les investissements dans ce domaine à tous les niveaux.
Recueillis par O. A.
Encadré
Psychiatrie : Le Royaume accuse un déficit en nombre de praticiens et de lits d’hospitalisation
Le président de l’Association Marocaine pour l’Appui, le Lien, l’Initiation des familles de personnes souffrant de troubles psychiques (AMALI), Fouad Mekouar, a expliqué dans une déclaration à la MAP que le Royaume accuse un déficit de 306 psychiatres dans le secteur public et privé. Le Royaume dispose par ailleurs d’une capacité litière de 2.225 lits seulement pour la santé mentale répartis sur 34 structures de soins en psychiatrie et addictologie, soit 0,7 lit pour 10.000 habitants, alors que la norme internationale préconise 1 lit pour 10.000 habitants. M. Mekouar a ajouté que la répartition régionale est inégale où l’axe Casa-Kénitra se taille la part du lion (Casablanca s’accapare 60% des ressources). Concernant les traitements, le président de l’Association AMALI déplore que le budget de 90 MDH alloué aux médicaments psychotropes reste insuffisant avec absence des médicaments de nouvelle génération. M. Mekouar a en revanche mis en lumière certaines réalisations récentes où 23 services psychiatriques intégrés à des hôpitaux ont été inaugurés, avec deux structures intermédiaires (Marrakech et Salé) et 3 hôpitaux psychiatriques à El Kelaâ des Sraghna, Kénitra et Agadir, en plus de deux Centres Médicaux Psychosociaux (CMPS) à Casablanca ainsi qu’un Centre d’addictologie à Sidi Moumen. Pr Mohamed Agoub, président de la ligue pour la santé mentale, estime pour sa part que le nombre de structures privées, dédiées à la santé mentale au Maroc, reste insuffisant avec uniquement deux cliniques privées spécialisées dans tout le territoire.
Le président de l’Association Marocaine pour l’Appui, le Lien, l’Initiation des familles de personnes souffrant de troubles psychiques (AMALI), Fouad Mekouar, a expliqué dans une déclaration à la MAP que le Royaume accuse un déficit de 306 psychiatres dans le secteur public et privé. Le Royaume dispose par ailleurs d’une capacité litière de 2.225 lits seulement pour la santé mentale répartis sur 34 structures de soins en psychiatrie et addictologie, soit 0,7 lit pour 10.000 habitants, alors que la norme internationale préconise 1 lit pour 10.000 habitants. M. Mekouar a ajouté que la répartition régionale est inégale où l’axe Casa-Kénitra se taille la part du lion (Casablanca s’accapare 60% des ressources). Concernant les traitements, le président de l’Association AMALI déplore que le budget de 90 MDH alloué aux médicaments psychotropes reste insuffisant avec absence des médicaments de nouvelle génération. M. Mekouar a en revanche mis en lumière certaines réalisations récentes où 23 services psychiatriques intégrés à des hôpitaux ont été inaugurés, avec deux structures intermédiaires (Marrakech et Salé) et 3 hôpitaux psychiatriques à El Kelaâ des Sraghna, Kénitra et Agadir, en plus de deux Centres Médicaux Psychosociaux (CMPS) à Casablanca ainsi qu’un Centre d’addictologie à Sidi Moumen. Pr Mohamed Agoub, président de la ligue pour la santé mentale, estime pour sa part que le nombre de structures privées, dédiées à la santé mentale au Maroc, reste insuffisant avec uniquement deux cliniques privées spécialisées dans tout le territoire.
Repères
26,5% des Marocains sont dépressifs
Une enquête épidémiologique nationale sur la prévalence des troubles mentaux et les toxicomanies au Maroc a établi que 26,5% des Marocains souffrent de troubles dépressifs. Selon cette enquête réalisée en 2007 par le ministère de la Santé en partenariat avec l’OMS, 9% des Marocains souffrent de troubles anxieux, 5,6% de troubles psychotiques, 1% de schizophrénie, 2% d’abus d’alcool, alors que 1,4 % ont développé une dépendance alcoolique.
Une nouvelle structure à Anfa
Casablanca s’est dotée en août dernier d’une nouvelle structure spécialisée dans le soin des troubles mentaux et des addictions. La clinique « Villa des Lilas - Anfa » dispose de 73 lits d’hospitalisation en chambres individuelles, avec huit unités d’hospitalisation psychiatrique et un centre de réhabilitation psychosociale. La clinique propose, en outre, un accompagnement des familles des patients à travers des entretiens réguliers avec les équipes soignantes, et la mise en application de programmes spécifiques.