Des dizaines de fois par jour, parfois beaucoup plus, le soir avant de s’endormir, pendant une insomnie, le matin au réveil ou, impolitesse suprême, pendant le repas, dans la rue : pour beaucoup d’entre nous, de plus en plus nombreux, c’est devenu un réflexe multi-quotidien de consulter son téléphone doté des dernières applications qui vous sollicitent par des notifications et autres alertes. Le smartphone a envahi notre quotidien, pour le meilleur, et, il faut bien l’avouer, aussi pour le pire. L’hyperconnectivité s’est développée, entraînant avec elle un réel danger pour notre intelligence.
Les mises en garde constantes de nos smartphones, les appels, les notifications et autres signaux, feraient en effet vibrer nos hormones de stress et cela déclencherait une réaction de contre-attaque ou de fuite. Ces réactions accélèrent les battements du coeur, étendent la respiration, ouvrent les glandes sudoripares et contractent les muscles. Selon le neurologue, Loulidi Jaouad, les notifications de nos téléphones conditionnent nos cerveaux à un stress et une peur presque constants.
« Nous avons accordé à nos smartphones une place très privilégiée dans notre vie, on prête la même attention à notre sonnerie de téléphone qu’à notre nom », constate Dr. Loulidi.
C’est également valable d’un point de vue neuroscientifique, puisque la région de notre cerveau qui s’active à l’écoute de notre prénom est la même que celle qui est sollicitée par notre sonnerie de téléphone. Résultat : même si nous ne nous servons pas de notre portable mais qu’il se trouve à proximité, notre cerveau voudra automatiquement lui prêter attention. « Nous devons donc utiliser des ressources supplémentaires pour ne pas être distrait par notre smartphone », reprend-il. « L’utilisation permanente du portable tout en faisant d’autres choses, peut sérieusement avoir un impact négatif sur nos capacités attentionnelles, plus on est attaché à son smartphone, plus notre attention est réduite », souligne Dr. Siham Sanhaji, neuropsychologue.
Des effets sur le cerveau humain
La réaction du cerveau face aux smartphones signifierait que le cortex préfrontal, la partie de notre cerveau qui traite normalement certains de nos plus hauts fonctionnements cognitifs, est complètement en désordre. Les smartphones soumettraient notre cortex préfrontal à trop de stress, l’obligeant à dormir et à stimuler la dopamine, le produit chimique dans notre cerveau.
« Une utilisation excessive des smartphones peut dérégler notre système de récompense, réseau neuronal qui consiste à nous inciter à répéter des actions ou des comportements qui déclenchent la production de la dopamine (cette hormone du bonheur est un neurotransmetteur qui dirige le système de récompense de notre cerveau) », explique Dr. Siham Sanhaji.
« Le lien des cancers du cerveau avec les ondes électromagnétiques a été analysé par plusieurs équipes de chercheurs. Le risque de gliome (un type de cancer du cerveau) serait doublé chez les grands utilisateurs de smartphones », poursuit la neuropsychologue.
Une régression de la capacité cognitive
Notre capacité cognitive s’en trouve ainsi réduite, puisque nous disposons de moins de ressources pour les autres tâches gérées par notre cerveau. Sont alors impactées la mémoire de travail et l’intelligence fluide. La première désigne la mémoire à court terme d’une personne, celle qui lui permet de retenir et manipuler des informations pendant quelques secondes ou minutes afin d’effectuer une tâche particulière. L’intelligence fluide, elle, fait référence aux capacités de raisonnement, d’analyse et de logique. « Les champs électromagnétiques de radiofréquences peuvent avoir des effets néfastes sur le développement des performances de mémoire de régions spécifiques du cerveau exposées pendant l’utilisation des téléphones mobiles », détaille Dr. Sanhaji.
« L’utilisation excessive du smartphone pourrait avoir des effets à long terme sur leurs fonctions cognitives y compris la mémoire et l’attention », poursuit-elle. L’idéal serait que chacun, fort de ces savoirs sur le cerveau humain, régule ses usages numériques en trouvant la stratégie qui lui convient le mieux.
Meryem EL BARHRASSI