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Terrorisme : Comment le Maroc affronte l’extrémisme religieux


Rédigé par Hajar LEBABI Mardi 23 Février 2021

Au-delà de sa stratégie de lutte contre le terrorisme, le Royaume prévoit une série de mesures pour s’attaquer à la source du problème. Des actions prises en milieux carcéral et post-carcéral, ainsi que la déradicalisation des prisonniers, ont prouvé leur efficacité.



Terrorisme : Comment le Maroc affronte l’extrémisme religieux
Le 7ème Sommet des chefs d’Etat des pays membres du G5-Sahel et leurs partenaires, a achevé ses travaux à N’Djamena, avec la participation du Maroc représenté par le Chef du Gouvernement Saâd Eddine El Othmani. Une participation qui renseigne sur l’importance stratégique du Royaume pour la stabilisation de la sous-région, et dont le rôle a été salué par les différentes parties prenantes. Le président français Emmanuel Macron a insisté sur la nécessité de renforcer la lutte contre les groupes jihadistes et n’a pas manqué de souligner l’engagement du Maroc dans ce processus.

Dans ce sillage et avec un agenda motivé par l’ambition de voir un monde sans terrorisme, Rabat a accueilli les travaux de la Conférence internationale annuelle sur «La lutte contre l’extrémisme violent : de nouvelles réponses à de nouveaux défis». Organisée par l’Observatoire marocain sur l’extrémisme et la violence (OMEV) en partenariat avec la Délégation générale à l’administration pénitentiaire et à la réinsertion (DGAPR), le Policy Center for the New South et la Rabita Mohammadia des Oulémas, la conférence a vu se multiplier les recommandations appelant à un partenariat régional et international visant à lutter contre l’extrémisme.

S’exprimant à cette occasion, le commissaire divisionnaire à la section antiterroriste au BCIJ, Mohamed Nifaoui, a affirmé que « Le Maroc a adhéré depuis 2003 au processus de lutte contre le crime terroriste et ses répercussions, à travers l’adoption d’une politique anticipative confortée par des dispositions législatives, ayant permis de mettre en échec plusieurs cellules terroristes et opérations destructives ». Il a également relevé que le Maroc a réussi depuis 2002 à démanteler un total de 209 cellules terroristes, l’interpellation de près de 3.535 personnes, et la mise en échec de plus de 500 projets d’attentats.

De nouveaux risques pèsent sur le pays

La stratégie sécuritaire globale du Maroc comporte plusieurs aspects sur la base d’une analyse du phénomène tenant compte des liens entre l’amélioration de la situation socio-économique et la capacité d’anticiper les risques de terrorisme sur le plan opérationnel. La gouvernance de la sécurité et la modernisation des forces de l’ordre, la réforme religieuse et la promotion d’un islam modéré, la participation de la société civile et une coopération internationale étroite, notamment via la diplomatie religieuse, sont autant d’éléments essentiels pour prévenir le terrorisme et lutter contre l’extrémisme. Les réformes visant à améliorer la sécurité humaine et à sortir les populations vulnérables de la pauvreté et de l’exclusion ont également contribué à renforcer la sécurité de manière durable. Preuve en est, au milieu des conflits régionaux plus ou moins généralisés, le Royaume fait figure d’oasis de stabilité. Le pays a été épargné des bouleversements survenus lors des révoltes arabes et la nouvelle vague de terrorisme. Il n’empêche que les défis sécuritaires traditionnels auxquels le Maroc est confronté sont de plus en plus exacerbés par de nouveaux risques et menaces qui pèsent lourdement sur la région.

L’implication carcérale et post-carcérale s’impose

L’extrémisme violent connaît un changement constant et demande continuellement de nouvelles solutions et de nouvelles approches. Un engagement qui implique les différentes parties concernées, notamment les institutions carcérales et post-carcérales.

La lutte contre l’extrémisme religieux dans les prisons a débuté en 2003, directement après les attentats de Casablanca qui ont mené à l’arrestation de plus de 1000 suspects.

Dans sa présentation Abderahim Rahouti, Directeur de l’Académie de formation au service correctionnel de la DGAPR, a expliqué que celle-ci «a dû gérer une nouvelle population au sein de la communauté carcérale. Celle-ci ayant des particularités sur plusieurs aspects. La Direction a d’ailleurs fourni des efforts pour la classification des détenus extrémistes, l’évaluation des risques et des besoins, et l’adoption de programmes d’intégration ».

Abderahim Rahouti a également soutenu que « La DGAPR a établi un plan pour lutter contre l’extrémisme religieux à l’intérieur des prisons, centré sur 3 principaux axes : la sécurité, les programmes d’intégration et la formation de l’élément humain ».

Dans le détail, le responsable a souligné que « La classification des détenus au sein des prisons se fait en trois catégories et en fonction de plusieurs éléments comme l’accusation, la durée de la peine, le dossier criminel, la discipline en prison ainsi que le niveau d’engagement envers le groupe extrémiste et son idéologie ». Il a également expliqué que « La DGAPR se charge de surveiller l’extrémisme à travers six domaines fondamentaux, à savoir la communication, l’attitude, les émotions, les relations, les apparences et le comportement ».

Dans la même présentation, le responsable a affirmé que « La délégation pénitentiaire s’engage à offrir des opportunités de réinsertion au profit des prisonniers extrémistes». Dans ce sens, elle fournit des programmes pour les aider à revoir leurs idées et leurs positions religieuses. Elle leur offre également des activités qui les aident à réfléchir sur leur chemin de vie et leur avenir. La DGAPR encourage également leur interaction avec des personnes qui adoptent des comportements et des attitudes contre l’extrémisme et qui leur permet de renouer de bonnes relations avec leurs familles et leurs amis. 

Un partenaire stratégique dans la lutte contre l’extrémisme 

La capacité du Maroc à examiner clairement les questions innovantes et à développer de nouvelles attitudes lui a permis de rénover et de diversifier ses partenariats stratégiques et d’initier de nouvelles approches. 

Au niveau bilatéral, la coopération sécuritaire du Maroc s’est considérablement intensifiée avec certains de ses partenaires afin de lutter contre le terrorisme et l’extrémisme. Cette collaboration a permis aux pays européens d’avorter plusieurs attentats terroristes. C’est certainement la coopération maroco-espagnole qui devrait être un modèle pour les pays de la région dans la lutte contre le terrorisme. Ses résultats ont été salués par le ministre espagnol de l’Intérieur après l’arrestation le 26 mai 2017 de 11 jihadistes à Tanger et à Barcelone. Parmi eux, quatre se trouvaient à Bruxelles à la veille de l’attentat terroriste du 22 mars 2016. Des communiqués de presse réguliers, tant en Espagne qu’au Maroc, donnent beaucoup de visibilité aux fruits récurrents de cette étroite coopération, qui va au-delà. Le Maroc embrasse la région du Sahel.

La stabilité du Maroc, sa modération et sa détermination à embrasser la démocratisation et la modernité et à promouvoir un islam modéré ont fait du Royaume un partenaire clé pour de nombreuses parties dans la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme.

Hajar LEBABI

3 questions à Rachid Benlabbah

Rachid Benlabbah
Rachid Benlabbah
« Il est difficile d’étudier les groupes djihadistes de l’intérieur, c’est un problème méthodologique »

Professeur à l’Institut des Etudes Africaines de Rabat, Rachid Benlabbah s’exprime sur l’étude des groupes djihadistes. 

- Pourquoi est-il toujours difficile d’étudier les groupes djihadistes ?

- Le vrai problème que nous avons c’est la difficulté d’étudier ces groupes de l’intérieur, et c’est un problème méthodologique. Les deux communautés qui sont le plus proches des groupes djihadistes sont celles qui les combattent, les armées qui développent une connaissance de terrain et les communautés qui vivent dans des territoires contrôlés par des groupes djihadistes.

- Comment vivent les habitants de ces territoires ?

- J’ai eu quelques témoignages des gens qui vivent au Sahel au Mali et qui vivent au quotidien la présence de groupes de djihadistes qui viennent à ces villages et se retirent par la suite. Les avis se différencient quant à la violence contre ces habitants. La question de la terreur n’est pas claire. Souvent, ils disent que l’Etat n’est pas présent sur le territoire et ce sont eux qui se substituent à l’Etat. Il est très important de tenir compte de toutes ces variables.

- Comment peut-on véritablement étudier ces groupes terroristes ?

- Il y a un troisième moyen pour les étudier, c’est de pouvoir les connaître à travers ce qu’ils disent, ce qu’ils font et les moyens qu’ils utilisent. Pour mieux connaître un groupe djihadiste, il faut prêter attention à la manière dont il se présente. Je m’intéresse beaucoup au récit politico-religieux du groupe djihadiste. De manière générale, nous concluons que le discours politico-religieux est axé sur les traditions renouvelées, il donne une représentation de l’Islam d’un point de vue identitaire.

Recueillis par H. L.

Encadré

La déradicalisation des extrémistes : Un engagement global 

La Fondation Mohammed V pour la réinsertion des prisonniers accueille des milliers de prisonniers libérés, des centaines de personnes jugées dans des affaires de terrorisme et d’extrémisme afin de contribuer à leur processus de déradicalisation. Jusqu’à 2020, la Fondation a accueilli plus de 700 personnes ayant été jugées pour des affaires liées à l’extrémisme. 108 parmi elles ont bénéficié du programme «Moussalaha», dont 10 sont des femmes. Selon Khalid Yazami, coordinateur de la Fondation, cette dernière se charge de l’accompagnement des prisonniers après leur libération, ainsi que le maintien du programme mené dans les prisons dans son volet économique et autres.

La Fondation œuvre à travers son programme à communiquer avec cette catégorie et s’intéresse à comprendre son ressenti et ses centres d’intérêt et ambitionne à la transformer en partenaire effectif dans le processus d’intégration dans la société.

Le programme de la Fondation repose sur différents aspects, à savoir l’aspect familial dans le sens où la Fondation travaille avec les familles des prisonniers, l’aspect juridique et administratif, de manière à faciliter le passage de ces personnes par les procédures administratives. La Fondation se concentre également sur la santé, psychique ou physique, et les aide pour accéder facilement aux soins de santé. Le programme de la Fondation touche également le volet de l’éducation et de la formation et facilite leur accès.

La Fondation souligne, tout de même, que cela ne peut se faire sans l’engagement des différents partenaires : étatiques, privés et membres de la société civile. 



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