«Pour neuf personnes exécutées aux Etats-Unis, un innocent a été identifié dans les couloirs de la mort», rappelle dans un entretien à l’AFP Bryan Stevenson, 61 ans, distingué par ce «Nobel alternatif» avec trois autres militants des droits humains.
A la tête de l’organisation Equal Justice Initiative, il a permis d’innocenter ou de commuer la peine de 130 condamnés à la peine capitale, un combat dont l’origine est retracée dans son livre «Just Mercy», récemment adapté au cinéma sous le titre français «La Voie de la justice».
Pour Bryan Stevenson, incarné dans le film par Michael B. Jordan, la mise au jour des erreurs judiciaires aurait dû imposer «une suspension» immédiate des exécutions aux Etats-Unis, «comme on cloue un avion au sol après un accident» le temps d’en déterminer les causes.
Au contraire, le gouvernement de Donald Trump a renoué en juillet avec les exécutions fédérales, interrompues depuis 17 ans, et semble déterminé à en mener le plus possible malgré sa défaite à la présidentielle du 3 novembre.
Alors que ses prédécesseurs n’ont procédé qu’à trois exécutions fédérales en 45 ans, huit ont déjà eu lieu ces derniers mois et cinq autres sont prévues avant la fin de son mandat, dont la dernière le 15 janvier, à cinq jours de l’investiture du démocrate Joe Biden.
«C’est tragique», la peine capitale est «utilisée à des fins politiques», déplore Bryan Stevenson, qui voudrait «voir la peine de mort abolie au niveau fédéral».
Des noirs condamnés par des blancs
Joe Biden a promis lors de sa campagne de travailler en ce sens, mais il lui faudra l’aval du Congrès et cela ne sera possible que si les démocrates parviennent à remporter deux sièges supplémentaires au Sénat lors d’élections partielles en janvier.
Pour Bryan Stevenson, la peine de mort concentre les maux du système judiciaire des EtatsUnis: enquête à charge, pénalisation de la maladie mentale, condamnation des plus jeunes... mais surtout discriminations contre les Afro-Américains.
Le dernier prisonnier exécuté, Orlando Hall, un homme noir, «a été condamné par un jury exclusivement blanc après l’exclusion des potentiels jurés noirs par un procureur ayant des antécédents de préjugés racistes», relève-t-il. «Mais les tribunaux ont refusé de prendre ce facteur en considération».
Présomption de dangerosité
Les grandes manifestations antiracistes qui ont suivi la mort de George Floyd, un quadragénaire noir asphyxié par un policier blanc fin mai, ont mis l’accent sur les préjugés des forces de l’ordre, mais les procureurs et les juges n’en sont pas exempts, souligne l’avocat et professeur de droit.
«Il y a une présomption de dangerosité et de culpabilité associée aux hommes noirs», si bien qu’ils sont plus souvent arrêtés, poursuivis et condamnés, juge M. Stevenson. Aux Etats-Unis, le taux d’incarcération des Afro-Américains est cinq fois supérieur à celui de la population blanche. Pour le diplômé de Harvard, qui a lui-même été menacé par la police lors d’un contrôle routier, il s’agit d’un héritage du passé raciste du pays. «Pendant longtemps, les gens ont pensé que les toxines créées par l’esclavage, les lynchages et la ségrégation se dissiperaient», dit-il. «Nous savons maintenant que ce n’est pas vrai». Il est à ses yeux urgent et essentiel que l’Amérique «affronte frontalement son histoire» pour pouvoir avancer. A ce titre, son organisation a construit un mémorial et un musée à Montgomery, en Alabama, pour conserver la mémoire des esclaves et des 4.000 Américains noirs lynchés par des extrémistes blancs. Ce site, son livre, le film et désormais le prix de la fondation suédoise ont mis en lumière un combat qu’il a longtemps mené dans l’ombre. «Cela m’encourage à rester confiant», même face «à la souffrance et aux abus», dit-il. Car «l’injustice gagne quand le désespoir l’emporte».
A la tête de l’organisation Equal Justice Initiative, il a permis d’innocenter ou de commuer la peine de 130 condamnés à la peine capitale, un combat dont l’origine est retracée dans son livre «Just Mercy», récemment adapté au cinéma sous le titre français «La Voie de la justice».
Pour Bryan Stevenson, incarné dans le film par Michael B. Jordan, la mise au jour des erreurs judiciaires aurait dû imposer «une suspension» immédiate des exécutions aux Etats-Unis, «comme on cloue un avion au sol après un accident» le temps d’en déterminer les causes.
Au contraire, le gouvernement de Donald Trump a renoué en juillet avec les exécutions fédérales, interrompues depuis 17 ans, et semble déterminé à en mener le plus possible malgré sa défaite à la présidentielle du 3 novembre.
Alors que ses prédécesseurs n’ont procédé qu’à trois exécutions fédérales en 45 ans, huit ont déjà eu lieu ces derniers mois et cinq autres sont prévues avant la fin de son mandat, dont la dernière le 15 janvier, à cinq jours de l’investiture du démocrate Joe Biden.
«C’est tragique», la peine capitale est «utilisée à des fins politiques», déplore Bryan Stevenson, qui voudrait «voir la peine de mort abolie au niveau fédéral».
Des noirs condamnés par des blancs
Joe Biden a promis lors de sa campagne de travailler en ce sens, mais il lui faudra l’aval du Congrès et cela ne sera possible que si les démocrates parviennent à remporter deux sièges supplémentaires au Sénat lors d’élections partielles en janvier.
Pour Bryan Stevenson, la peine de mort concentre les maux du système judiciaire des EtatsUnis: enquête à charge, pénalisation de la maladie mentale, condamnation des plus jeunes... mais surtout discriminations contre les Afro-Américains.
Le dernier prisonnier exécuté, Orlando Hall, un homme noir, «a été condamné par un jury exclusivement blanc après l’exclusion des potentiels jurés noirs par un procureur ayant des antécédents de préjugés racistes», relève-t-il. «Mais les tribunaux ont refusé de prendre ce facteur en considération».
Présomption de dangerosité
Les grandes manifestations antiracistes qui ont suivi la mort de George Floyd, un quadragénaire noir asphyxié par un policier blanc fin mai, ont mis l’accent sur les préjugés des forces de l’ordre, mais les procureurs et les juges n’en sont pas exempts, souligne l’avocat et professeur de droit.
«Il y a une présomption de dangerosité et de culpabilité associée aux hommes noirs», si bien qu’ils sont plus souvent arrêtés, poursuivis et condamnés, juge M. Stevenson. Aux Etats-Unis, le taux d’incarcération des Afro-Américains est cinq fois supérieur à celui de la population blanche. Pour le diplômé de Harvard, qui a lui-même été menacé par la police lors d’un contrôle routier, il s’agit d’un héritage du passé raciste du pays. «Pendant longtemps, les gens ont pensé que les toxines créées par l’esclavage, les lynchages et la ségrégation se dissiperaient», dit-il. «Nous savons maintenant que ce n’est pas vrai». Il est à ses yeux urgent et essentiel que l’Amérique «affronte frontalement son histoire» pour pouvoir avancer. A ce titre, son organisation a construit un mémorial et un musée à Montgomery, en Alabama, pour conserver la mémoire des esclaves et des 4.000 Américains noirs lynchés par des extrémistes blancs. Ce site, son livre, le film et désormais le prix de la fondation suédoise ont mis en lumière un combat qu’il a longtemps mené dans l’ombre. «Cela m’encourage à rester confiant», même face «à la souffrance et aux abus», dit-il. Car «l’injustice gagne quand le désespoir l’emporte».
Encadré
Enquête sur corruption pour grâce présidentielle
Le département américain de la Justice enquête sur un potentiel stratagème criminel de versements d’argent à la Maison blanche en échange d’une grâce présidentielle, montrent des documents judiciaires rendus publics mardi par un tribunal fédéral. La juge de district Beryl Howell a publié une ordonnance de 18 pages, grandement expurgée, décrivant ce qu’elle qualifie d’enquête «pots-de-vin contre pardon». Peu de détails du stratagème présumé sont rendus publics, et aucun nom de suspects ou de personnes potentiellement impliquées n’est communiqué. Selon le document, les procureurs à Washington ont dit avoir obtenu des preuves d’un schéma de corruption dans le cadre duquel un individu «offrirait une importante donation politique en échange d’une grâce présidentielle ou d’un sursis». L’ordonnance indique aussi que les enquêteurs s’intéressent à un «mécanisme secret de lobbying», avec deux personnes non identifiées n’ayant pas respecté les dispositions légales pour intervenir auprès de hauts représentants de la Maison blanche. Un représentant du département de la Justice a déclaré qu’aucun représentant du gouvernement n’est ou n’a été ciblé par l’enquête. Beryl Howell a répondu favorablement en août à la demande du département de la Justice de pouvoir consulter certains courriels échangés entre un avocat et des clients - non identifiés -, déclarant que le secret professionnel ne s’appliquait pas dans ce cas précis. Les procureurs avaient dit qu’ils prévoyaient de «confronter» trois individus et de boucler leur enquête. La Constitution américaine confère au président une grande latitude pour gracier des personnes condamnées de crimes fédéraux. Donald Trump a gracié la semaine dernière son ancien conseiller à la sécurité nationale, Michael Flynn, qui avait admis à deux reprises avoir menti au FBI lors de l’enquête sur l’ingérence de la Russie dans l’élection présidentielle de 2016. Selon l’ordonnance publiée par Beryl Howell, le département de la Justice avait récemment fait savoir à la juge qu’il voulait garder le secret sur l’enquête car celle-ci détaillait des «individus et agissements» ne faisaient pas encore l’objet d’inculpations.