Travailler tout en prenant soin des enfants, se tenir à au moins deux mètres de la personne suivante si vous sortez pour faire des courses, se couvrir le visage jusqu’à ne plus devenir reconnaissable, passer plusieurs heures en ligne à essayer d’interagir avec les gens, lorsqu’avant cela, vous essayiez de limiter votre temps d’écran…Tous ces éléments soulèvent des questions sur la santé mentale et psychique des Marocains.
Un scénario inévitable
Face aux pronostics incertains, aux graves pénuries de ressources, à l’imposition de mesures sanitaires inconnues, aux pertes financières importantes et aux messages contradictoires des autorités, plusieurs facteurs de stress contribuent sans aucun doute à une détresse émotionnelle généralisée et à un risque accru de maladie psychiatrique associée à la Covid-19. A cela s’ajoute cette crainte d’être à nouveau reconfiné.
Au cours des derniers mois, les mesures prises pour ralentir la propagation du Coronavirus, telle que la distanciation sociale, ont conduit à un plus grand isolement et à de graves difficultés financières pour beaucoup. Aujourd’hui, alors que la pandémie se poursuit, plusieurs mesures, comme le retour au confinement, pourraient infliger des traumatismes émotionnels de longue durée et avoir un impact indéniable sur la santé mentale.
Sur le plan international, par exemple, près de 35% des répondants à une enquête nationale en Chine ont signalé une détresse psychologique légère à sévère pendant et après le confinement. Une autre enquête, menée en Allemagne pendant le confinement, a révélé un score moyen de bien-être de 50,7 sur 100 (les personnes ne souffrant pas de dépression ont un score moyen de 75), et beaucoup ont signalé plusieurs détresses. 51% ont signalé une augmentation des niveaux d’irritation, 45% ont signalé une aggravation du sommeil et 29% ont déclaré ressentir plus de colère et d’agressivité.
Même l’expérience des épidémies passées indique également que cet impact sur la santé mentale est susceptible de persister à moyen et à long terme. Par exemple, dans une évaluation de l’état de santé mentale des survivants du SRAS à Hong Kong, 47,8% ont souffert d’un trouble de stress post-traumatique, dont 25,6% pendant 30 mois après un traitement complet contre le virus.
«Re-lockdown» : plusieurs facteurs
De nombreux facteurs augmentent le stress d’un éventuel retour au confinement. Dans ce sens, trois aspects clés sont distingués. Le premier est celui des problèmes de santé persistants. En effet, une grande majorité de personnes sont toujours paniquées et ont peur d’attraper le virus. Ceci est également lié à un degré élevé de stigmatisation associé à ceux qui ont contracté la maladie. Les travailleurs de première ligne, par exemple, sont parmi les plus durement touchés, étant non seulement à haut risque d’infection, mais aussi souvent surchargés de travail. Ces problèmes accentuent davantage les niveaux de stress.
Le deuxième facteur est celui de la rupture des systèmes de soutien en raison du reconfinement. En tant qu’êtres sociaux, les humains ont tendance à s’appuyer sur des systèmes de soutien construits autour des amis, de la famille et de leurs communautés. Il a été prouvé que les interactions sociales en personne augmentent le flux d’hormones positives vers notre cerveau et nous aident à vivre plus longtemps. Cependant, ces systèmes sont construits sur de longues périodes de temps. Les mesures de reconfinement peuvent ainsi avoir un impact négatif sur ces systèmes d’adaptation, les rendant moins efficaces face au stress.
Le troisième facteur est celui des retombées économiques.Plusieurs personnes ont vu un impact financier direct sur leur emploi ou leur entreprise en raison du lockdown. La situation économique actuelle conduit à l’anxiété par crainte de perdre son emploi, de réductions de salaire, de retards dans les évaluations, etc. Les propriétaires de petites entreprises et les travailleurs autonomes sont également confrontés à des pertes de revenus, à des factures impayées et à devoir faire des choix difficiles pour maintenir leur main-d’oeuvre.
Face à cette situation, les autorités sanitaires au Maroc doivent développer des réponses concrètes et appropriées pour atténuer les retombées potentielles sur la santé mentale, tant au niveau individuel que sociétal.
Un scénario inévitable
Face aux pronostics incertains, aux graves pénuries de ressources, à l’imposition de mesures sanitaires inconnues, aux pertes financières importantes et aux messages contradictoires des autorités, plusieurs facteurs de stress contribuent sans aucun doute à une détresse émotionnelle généralisée et à un risque accru de maladie psychiatrique associée à la Covid-19. A cela s’ajoute cette crainte d’être à nouveau reconfiné.
Au cours des derniers mois, les mesures prises pour ralentir la propagation du Coronavirus, telle que la distanciation sociale, ont conduit à un plus grand isolement et à de graves difficultés financières pour beaucoup. Aujourd’hui, alors que la pandémie se poursuit, plusieurs mesures, comme le retour au confinement, pourraient infliger des traumatismes émotionnels de longue durée et avoir un impact indéniable sur la santé mentale.
Sur le plan international, par exemple, près de 35% des répondants à une enquête nationale en Chine ont signalé une détresse psychologique légère à sévère pendant et après le confinement. Une autre enquête, menée en Allemagne pendant le confinement, a révélé un score moyen de bien-être de 50,7 sur 100 (les personnes ne souffrant pas de dépression ont un score moyen de 75), et beaucoup ont signalé plusieurs détresses. 51% ont signalé une augmentation des niveaux d’irritation, 45% ont signalé une aggravation du sommeil et 29% ont déclaré ressentir plus de colère et d’agressivité.
Même l’expérience des épidémies passées indique également que cet impact sur la santé mentale est susceptible de persister à moyen et à long terme. Par exemple, dans une évaluation de l’état de santé mentale des survivants du SRAS à Hong Kong, 47,8% ont souffert d’un trouble de stress post-traumatique, dont 25,6% pendant 30 mois après un traitement complet contre le virus.
«Re-lockdown» : plusieurs facteurs
De nombreux facteurs augmentent le stress d’un éventuel retour au confinement. Dans ce sens, trois aspects clés sont distingués. Le premier est celui des problèmes de santé persistants. En effet, une grande majorité de personnes sont toujours paniquées et ont peur d’attraper le virus. Ceci est également lié à un degré élevé de stigmatisation associé à ceux qui ont contracté la maladie. Les travailleurs de première ligne, par exemple, sont parmi les plus durement touchés, étant non seulement à haut risque d’infection, mais aussi souvent surchargés de travail. Ces problèmes accentuent davantage les niveaux de stress.
Le deuxième facteur est celui de la rupture des systèmes de soutien en raison du reconfinement. En tant qu’êtres sociaux, les humains ont tendance à s’appuyer sur des systèmes de soutien construits autour des amis, de la famille et de leurs communautés. Il a été prouvé que les interactions sociales en personne augmentent le flux d’hormones positives vers notre cerveau et nous aident à vivre plus longtemps. Cependant, ces systèmes sont construits sur de longues périodes de temps. Les mesures de reconfinement peuvent ainsi avoir un impact négatif sur ces systèmes d’adaptation, les rendant moins efficaces face au stress.
Le troisième facteur est celui des retombées économiques.Plusieurs personnes ont vu un impact financier direct sur leur emploi ou leur entreprise en raison du lockdown. La situation économique actuelle conduit à l’anxiété par crainte de perdre son emploi, de réductions de salaire, de retards dans les évaluations, etc. Les propriétaires de petites entreprises et les travailleurs autonomes sont également confrontés à des pertes de revenus, à des factures impayées et à devoir faire des choix difficiles pour maintenir leur main-d’oeuvre.
Face à cette situation, les autorités sanitaires au Maroc doivent développer des réponses concrètes et appropriées pour atténuer les retombées potentielles sur la santé mentale, tant au niveau individuel que sociétal.
Kenza AZIOUZI
et Hajar LEBABI
3 questions à Dr Azzouzi Nada
Azzouzi Nada
«Un deuxième confinement n’aura pour effet qu’un deuxième traumatisme d’autant plus grave»
Psychiatre psychothérapeute, hypnothérapeute et nutritionniste, Dr Azzouzi Nada, nous livre ses réflexions sur l’effet psychologique d’un deuxième confinement.
- Quel a été l’état psychologique des Marocains après la levée du confinement ?
- Après le confinement, il est vrai qu’on a eu quelques particularités, des personnes qui étaient déjà malades auparavant ont fait des rechutes. Dès la levée du confinement, une ruée de patients s’est manifestée, dont des nouveaux, qui n’avaient rien avant, mais qui ont très mal vécu le confinement et l’isolement social. Le fait de se retrouver bloqués chez eux sans avoir une vie sociale, (surtout pour les jeunes) développait en eux des troubles anxieux et dépressifs. Certains ont même affiché des problèmes particuliers comme des hallucinations, qu’on retrouve d’ailleurs dans la littérature scientifique, ce qui est le cas des marins par exemple, qui, pendant des mois, ne voient personne, à part l’équipe qu’ils fréquentent en situation de trouble. En revanche, certains patients ont eu des problèmes avec le déconfinement. On a dû les aider à retrouver leur vie sociale, ce qu’on appelle le syndrome de la cabane. Par ailleurs, on a constaté énormément de demandes de la part du personnel soignant, qui souffre d’épuisement professionnel, aussi bien pour ceux qui travaillent dans les unités Covid-19 que les autres.
- S’il devait y avoir un deuxième confinement, comment cela impactera la population ?
- En général, la population a vécu ce confinement comme un traumatisme, un deuxième confinement n’aura pour effet qu’un deuxième traumatisme d’autant plus grave, c’est pour ça qu’il faut insister sur les mesures préventives. Il est à considérer qu’un confinement impacte en premier lieu le plan économique, avant d’engendrer l’impact psychologique.
- Que pourrait-on prévoir pour remédier à cette phase ?
- A mon avis, il faudrait montrer l’aspect positif de ce confinement malgré tout, pour rassurer les gens, les réconforter. Il faut montrer tous les efforts de solidarité déployés, on est plus sensible à la vue d’un témoignage devant nous qu’à un compte rendu de ce qui a été fait. Autrement dit, il faut donner un visage humain et non se limiter aux paroles. Le personnel soignant devrait être mis davantage en valeur, 25% des patients que j’ai reçus relèvent du personnel soignant. Et enfin, il faut assurer la disponibilité des médicaments.
- Quel a été l’état psychologique des Marocains après la levée du confinement ?
- Après le confinement, il est vrai qu’on a eu quelques particularités, des personnes qui étaient déjà malades auparavant ont fait des rechutes. Dès la levée du confinement, une ruée de patients s’est manifestée, dont des nouveaux, qui n’avaient rien avant, mais qui ont très mal vécu le confinement et l’isolement social. Le fait de se retrouver bloqués chez eux sans avoir une vie sociale, (surtout pour les jeunes) développait en eux des troubles anxieux et dépressifs. Certains ont même affiché des problèmes particuliers comme des hallucinations, qu’on retrouve d’ailleurs dans la littérature scientifique, ce qui est le cas des marins par exemple, qui, pendant des mois, ne voient personne, à part l’équipe qu’ils fréquentent en situation de trouble. En revanche, certains patients ont eu des problèmes avec le déconfinement. On a dû les aider à retrouver leur vie sociale, ce qu’on appelle le syndrome de la cabane. Par ailleurs, on a constaté énormément de demandes de la part du personnel soignant, qui souffre d’épuisement professionnel, aussi bien pour ceux qui travaillent dans les unités Covid-19 que les autres.
- S’il devait y avoir un deuxième confinement, comment cela impactera la population ?
- En général, la population a vécu ce confinement comme un traumatisme, un deuxième confinement n’aura pour effet qu’un deuxième traumatisme d’autant plus grave, c’est pour ça qu’il faut insister sur les mesures préventives. Il est à considérer qu’un confinement impacte en premier lieu le plan économique, avant d’engendrer l’impact psychologique.
- Que pourrait-on prévoir pour remédier à cette phase ?
- A mon avis, il faudrait montrer l’aspect positif de ce confinement malgré tout, pour rassurer les gens, les réconforter. Il faut montrer tous les efforts de solidarité déployés, on est plus sensible à la vue d’un témoignage devant nous qu’à un compte rendu de ce qui a été fait. Autrement dit, il faut donner un visage humain et non se limiter aux paroles. Le personnel soignant devrait être mis davantage en valeur, 25% des patients que j’ai reçus relèvent du personnel soignant. Et enfin, il faut assurer la disponibilité des médicaments.
Propos recueillis par K. A.
Repères
Les personnes les plus à risque de craquer
Toutes les personnes d’ordinaire fragiles psychologiquement, qu’elles suivent ou non un traitement, courent un risque de décompensation. Les personnes âgées ou isolées, tout comme les personnes malades ou immunodéprimées, qui se sentent principalement visées par toutes les informations médicales anxiogènes peuvent facilement développer une dépression. Les soignants, en première ligne dans ce combat et, donc, très exposés à la maladie mais aussi au burn-out, disposent de très peu de temps pour refaire surface et penser à eux. Les adolescents, pour qui le manque de contacts peut être source de frustration et de tensions au quotidien.
Les signes démontrant le besoin d’une aide professionnelle
Troubles du sommeil, de l’alimentation (anorexie, boulimie…), consommation d’alcool ou de substances, idées noires, réactions agressives envers vous-même ou envers les autres, tous ces comportements doivent être pris au sérieux. Ils montrent la nécessité d’une aide extérieure professionnelle. Dans ce sens, de nombreux thérapeutes proposent actuellement des consultations à distance par téléphone ou via Skype. Il ne faut pas minimiser les conséquences psychologiques d’une telle épreuve : si les émotions n’ont pas été prises en charge à l’issue du traumatisme, des symptômes de stress post-traumatique apparaissent, parfois quelques semaines, voire quelques mois, plus tard.