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Alger choisit la rupture, Rabat répond avec flegme, maturité et sagesse


Rédigé par Saâd JAFRI Mercredi 25 Août 2021

Après avoir mené plusieurs actions hostiles à l’égard du Maroc, l’Algérie a annoncé mardi, via son ministre des Affaires étrangères, la rupture des relations diplomatiques avec le Royaume. Une décision jugée injustifiée mais attendue par Rabat.



Acculé par la multiplication des échecs et pris en tenailles entre les affres de la faillite économique, politique et sociale, le régime algérien a opté pour la rupture des relations avec le Maroc après avoir mené une série d’actions hostiles à son égard. Une décision injustifiée qui intervient au moment où le Maroc multipliait les gestes amicaux envers l’Algérie pour lancer une nouvelle ère diplomatique fondée sur la confiance, le dialogue et le bon voisinage.

En effet, une semaine après la sortie décevante de l’autoproclamé président Abdelmajid Tebboune, dans laquelle il a menacé de rompre les relations avec le Royaume tout en alignant son armée aux frontières Ouest de son pays, le ministre algérien des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, a annoncé officiellement, lors d’un point de presse, l’arrêt des relations avec le Maroc dès mardi 24 août 2021, préconisant ainsi le maintien du statu quo et balayant d’un revers de main les intérêts et les besoins du peuple algérien, dont les malheurs ne sont plus à compter. Pour sa part, le Maroc a regretté cette décision la qualifiant de « complètement injustifiée mais attendue » au regard de la logique d’escalade constatée dernièrement. Soulignant l’impact que pourrait avoir cette rupture sur le peuple algérien, la diplomatie marocaine a rejeté catégoriquement « les prétextes fallacieux, voire absurdes, qui la sous-tendent ». Car pour justifier sa décision, le régime des généraux, comme à l’accoutumée, n’a pas manqué d’user des théories complotistes pour justifier la position d’Alger, faisant porter aux dirigeants du Maroc « la responsabilité des crises répétées, qui se sont aggravées » au fil des années.

Complot mon amour !

A court d’arguments, Ramtane Lamamra a repris les mêmes éléments de langage prononcés précédemment par la présidence algérienne, en avançant que le Maroc et Israël soutiennent et aident le MAK (Mouvement pour l’autonomie de la Kabylie) et le Mouvement Rachad, que ce régime tient pour responsables des incendies qu’a vécus le pays ces derniers jours. Mais il n’en est rien ! Selon Mohammed Zakaria Abouddahab, professeur de Relations internationales à l’Université Mohammed V de Rabat, « les gains diplomatiques considérables engrangés par le Maroc durant ces dernières années, depuis notamment son retour triomphal au sein de l’Union Africaine en janvier 2017 et son repositionnement géostratégique, ont considérablement vexé, voir effrayé le régime algérien ». Des succès d’autant plus renforcés consécutivement à des conquêtes diplomatiques successives et consolidées : ouverture en série de consulats généraux dans les provinces du Sud, diplomatie offensive du Maroc à l’égard de certains pays européens hostiles à l’intégrité territoriale, changement progressif du paradigme de plusieurs pays. Et la liste n’est pas exhaustive. « Ce sont autant d’éléments et d’indices qui ont ébranlé le pouvoir algérien, d’autant plus mis à mal par une profonde crise économique et sociale, et par un Hirak dont les convulsions sont toujours là », ajoute notre interlocuteur, notant que le régime algérien a raté un grand rendez-vous de l’Histoire (mutisme total quant aux initiatives royales récentes) et a préféré fuir et détourner l’opinion publique algérienne sur la vraie nature des problèmes profonds dont souffre le pays. Une position partagée par Mohammed Maelaïnin, diplomate, ancien ambassadeur du Maroc dans plusieurs pays, qui nous explique que le problème du voisin de l’Est « est le nombre grandissant des Algériens qui commencent à chaque fois à comparer les deux pays en mettant l’accent sur le retard pris par l’Algérie sur tous les domaines. « Cela a mis leur système en difficulté devant leur peuple ». Une décision choquante était donc la dernière carte du régime algérien pour détourner l’attention de l’opinion publique.

Cela dit, nul n’ignore qu’aujourd’hui plus que jamais, une intégration maghrébine comprenant les deux voisins serait bénéfique pour les pays de la région, surtout avec la crise Covid qui a complètement changé la donne géopolitique. Cependant, il est clair comme de l’eau de roche que l’Algérie n’est toujours pas prête à aller de l’avant et préfère camper dans des idéologies attardées, datant de la guerre froide et qui ne sont favorables qu’aux rentiers du pays et à certains pays occidentaux qui voient toujours l’Afrique comme une manne d’argent et de ressources naturelles.

Parallèlement, le Maroc a tracé son chemin de développement basé sur le pragmatisme et la realpolitik. Il s’attache ainsi à fonder des relations solides, constructives et équilibrées, notamment avec les pays voisins. D’ailleurs, le Maroc a affirmé, mardi, qu’il restera un partenaire crédible et loyal du peuple algérien et continuera d’agir, avec sagesse et responsabilité, en faveur d’un développement de relations intermaghrébines saines et fructueuses.

3 questions à Mohammed Zakaria Abouddahab

Alger choisit la rupture, Rabat répond avec flegme, maturité et sagesse

«L’arrivée de Tebboune a amplifié la crise entre le Maroc et l’Algérie»

Mohammed Zakaria Abouddahab, professeur de Relations internationales à l’Université Mohammed V de Rabat, nous livre sa lecture de la décision annoncée par l’Algérie.

- Comment interprétez-vous les dernières escalades du régime algérien et la décision de rupture ?

- Les relations entre le Maroc et l’Algérie ont connu des tensions depuis l’arrivée du président algérien Abdelmajid Tebboune au pouvoir. Des tensions accentuées à la suite de l’action conjuguée de plusieurs facteurs : crise d’El Guergarate et intervention conséquente des FAR pour libérer le passage, reconnaissance américaine de la marocanité du Sahara, normalisation avec Israël, accord de défense militaire avec les USA et opération African Lion en juin 2021 au titre de l’Africom, etc. Bien entendu, la goutte qui a fait déborder le vase est la déclaration de Monsieur Omar Hilal, représentant permanent du Maroc auprès des Nations Unies, relative au soutien du peuple kabyle quant à sa quête pour l’autodétermination. Le rappel de l’ambassadeur algérien au Maroc était le signe avant-coureur de la rupture diplomatique d’aujourd’hui, 24 août, sachant qu’il y a quelques jours, le Conseil supérieur algérien de défense/sécurité a décidé le renforcement de la surveillance des frontières terrestres avec le Maroc et la reconsidération générale des relations avec celui-ci.

- Cette décision est-elle une exception dans l’Histoire des deux pays ?

- Les relations diplomatiques entre les deux voisins ont été suspendues durant 12 ans, de 1976 jusqu’à 1988, en raison du conflit saharien. Depuis, le contexte a profondément changé et l’on peut avancer que dans les relations entre le Maroc et l’Algérie, la règle c’est la rupture ou la suspension, et la normalité en constitue l’exception : de 1963 jusqu’à 1969, des relations déjà tendues à la suite de la guerre des sables ; de 1976 jusqu’à 1988, des relations diplomatiques suspendues comme on vient de le souligner ; et de 1994 jusqu’à nos jours, des relations au point quasiment mort avec, notamment, la fermeture des frontières terrestres. Cela nous amène donc à considérer que la décision algérienne prise aujourd’hui ne fait que formaliser un état de fait ! Si les relations consulaires sont maintenues pour des raisons tout à fait administratives, les relations commerciales entre les deux pays ne sont pas fluides et sont loin d’être substantielles.

- Votre lecture sur la réaction du Royaume ?

- Le Maroc a répondu sagement à la déclaration en demi-teinte et tendancieuse du ministre algérien des Affaires étrangères qui a, hélas, enfoncé le clou au lieu d’envisager de nouvelles perspectives dans les relations entre les deux pays voisins, dans l’intérêt bien compris des populations maghrébines. Le temps et le recul seront donc nécessaires pour examiner, en profondeur, les conséquences sur le long terme de la décision de rupture des relations diplomatiques entre le Maroc et l’Algérie.

Recueillis par A. M.

 



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