La semaine dernière, plusieurs régions du Royaume ont bénéficié de pluies exceptionnellement intenses. « Casablanca a enregistré en 6 jours une pluviométrie de 250 mm. L’équivalent de 70% des pluies d’une année », avait annoncé Jean-Pascal Darriet, Directeur Général de Lydec, lors d’un point de presse organisé le 12 janvier. Alors que le Maroc est en situation de stress hydrique et que les climatologues prédisent que les prochaines années et décennies seront marquées par une augmentation des températures et une baisse des précipitations, ces pluies, qui étaient censées être une vraie aubaine, se sont avérées catastrophiques pour les Casaouis. En se basant sur le taux de précipitation enregistré et sur la superficie de la capitale économique, c’est environ 55 millions de m3 d’eau de pluie qui se sont ainsi déversés sur le périmètre de la ville. Pour donner la mesure, ces volumes sont équivalents à 2200 piscines olympiques. C’est aussi l’équivalent de la quantité d’eau potable consommée pendant un an par plus de 2 millions de Marocains !
Une eau pourtant perdue
En l’absence de systèmes de collecte et de valorisation des eaux pluviales, cette eau potentiellement potable s’est tout simplement déversée vers l’océan en saccageant au passage un bon nombre d’infrastructures et de biens. « L’infiltration des eaux pluviales est devenue quasiment nulle à cause du bétonnage systématique. Si Casablanca disposait de suffisamment d’espaces verts, à la mesure des normes internationales, nous n’aurions pas assisté à ces deux gâchis : une eau pluviale qui se perd sans être valorisée et des inondations qui ont fait beaucoup de dégâts », martèle Abderrahim Ksiri, coordinateur national de l’Alliance Marocaine pour le Climat et le Développement Durable (AMCDD), qui tient à préciser que les espaces verts « ce n’est pas le gazon, mais des jardins, des parcs, des forêts urbaines et des terrains d’agriculture urbaine qui donnent la priorité à des espèces locales résilientes et adaptées ». L’expert pointe par ailleurs un manque de compréhension du rôle des espaces verts qui « ne sont pas un luxe, mais une obligation dans l’aménagement du territoire ».
Ville de sources et de ruisseaux
La ville blanche, riche de sources qui ont donné leurs noms à plusieurs quartiers, est pourtant particulièrement vulnérable pendant les épisodes de très fortes précipitations. « Quand on regarde la topographie de Casa, on voit clairement que c’est des terrains de dunes qui ruissellent vers l’océan. Certaines zones sont à la base des lits de cours d’eau desséchés qui reviennent à la vie après des précipitations importantes. C’est pour ça qu’on a vu dans certaines zones des ruisseaux qui se sont carrément regroupés en rivières. Les gens qui ont fait la panification des lotissements ont malheureusement oublié les règles élémentaires de la topographie et de la vocation des espaces, car un regard d’évacuation des eaux n’absorbera jamais ce que pourra absorber un espace vert ou une zone humide », explique Abderrahim Ksiri qui déplore la menace qui pèse sur la Daya de Dar Bouazza et « les gâchis qui ont été faits au niveau de l’aménagement de Oued Bouskoura ».
Changement du paradigme de l’urbanisme
La collecte et la valorisation des eaux pluviales sont pourtant une spécialité que les Marocains de jadis maîtrisaient à la perfection. « Si nos ancêtres ont réussi, il y a des centaines d’années, à construire des ouvrages magnifiques pour la gestion des eaux pluviales, pourquoi nous ne pouvons pas faire la même chose et construire des équivalents à la Ménara de Marrakech ou encore au Sarij Souani de Meknès et par là même créer des zones de loisir et de développement économique au sein de nos villes », s’interroge le coordinateur de l’AMCDD. Pour faire honneur au génie hydraulique ancestral et surtout pour verdir des villes bétonnées tout en valorisant les eaux pluviales, Abderrahim Ksiri estime qu’il est nécessaire de « revoir complètement les lois de l’urbanisme au Maroc qui doivent devenir plus transparentes et plus collaboratives, car pour l’instant, au niveau de la réglementation, tout a été fait pour supprimer les espaces verts ». Si les Marocains de jadis pouvaient nous voir ainsi craindre les fortes précipitations alors que nos sols meurent de soif, ils en déduiraient sûrement qu’au cours du chemin nous sommes manifestement passés à côté de sagesses et de savoir-faire qu’ils nous avaient pourtant légués.
Une eau pourtant perdue
En l’absence de systèmes de collecte et de valorisation des eaux pluviales, cette eau potentiellement potable s’est tout simplement déversée vers l’océan en saccageant au passage un bon nombre d’infrastructures et de biens. « L’infiltration des eaux pluviales est devenue quasiment nulle à cause du bétonnage systématique. Si Casablanca disposait de suffisamment d’espaces verts, à la mesure des normes internationales, nous n’aurions pas assisté à ces deux gâchis : une eau pluviale qui se perd sans être valorisée et des inondations qui ont fait beaucoup de dégâts », martèle Abderrahim Ksiri, coordinateur national de l’Alliance Marocaine pour le Climat et le Développement Durable (AMCDD), qui tient à préciser que les espaces verts « ce n’est pas le gazon, mais des jardins, des parcs, des forêts urbaines et des terrains d’agriculture urbaine qui donnent la priorité à des espèces locales résilientes et adaptées ». L’expert pointe par ailleurs un manque de compréhension du rôle des espaces verts qui « ne sont pas un luxe, mais une obligation dans l’aménagement du territoire ».
Ville de sources et de ruisseaux
La ville blanche, riche de sources qui ont donné leurs noms à plusieurs quartiers, est pourtant particulièrement vulnérable pendant les épisodes de très fortes précipitations. « Quand on regarde la topographie de Casa, on voit clairement que c’est des terrains de dunes qui ruissellent vers l’océan. Certaines zones sont à la base des lits de cours d’eau desséchés qui reviennent à la vie après des précipitations importantes. C’est pour ça qu’on a vu dans certaines zones des ruisseaux qui se sont carrément regroupés en rivières. Les gens qui ont fait la panification des lotissements ont malheureusement oublié les règles élémentaires de la topographie et de la vocation des espaces, car un regard d’évacuation des eaux n’absorbera jamais ce que pourra absorber un espace vert ou une zone humide », explique Abderrahim Ksiri qui déplore la menace qui pèse sur la Daya de Dar Bouazza et « les gâchis qui ont été faits au niveau de l’aménagement de Oued Bouskoura ».
Changement du paradigme de l’urbanisme
La collecte et la valorisation des eaux pluviales sont pourtant une spécialité que les Marocains de jadis maîtrisaient à la perfection. « Si nos ancêtres ont réussi, il y a des centaines d’années, à construire des ouvrages magnifiques pour la gestion des eaux pluviales, pourquoi nous ne pouvons pas faire la même chose et construire des équivalents à la Ménara de Marrakech ou encore au Sarij Souani de Meknès et par là même créer des zones de loisir et de développement économique au sein de nos villes », s’interroge le coordinateur de l’AMCDD. Pour faire honneur au génie hydraulique ancestral et surtout pour verdir des villes bétonnées tout en valorisant les eaux pluviales, Abderrahim Ksiri estime qu’il est nécessaire de « revoir complètement les lois de l’urbanisme au Maroc qui doivent devenir plus transparentes et plus collaboratives, car pour l’instant, au niveau de la réglementation, tout a été fait pour supprimer les espaces verts ». Si les Marocains de jadis pouvaient nous voir ainsi craindre les fortes précipitations alors que nos sols meurent de soif, ils en déduiraient sûrement qu’au cours du chemin nous sommes manifestement passés à côté de sagesses et de savoir-faire qu’ils nous avaient pourtant légués.
Oussama ABAOUSS
3 questions à Oussama Belloulid, docteur en ingénierie de l’eau
Oussama Belloulid
« Il faut mettre en œuvre les pratiques de gestion optimale des eaux pluviales »
Spécialisé en ingénierie de l’eau et assainissement, Dr Oussama Belloulid répond à nos questions concernant le captage des eaux pluviales au Maroc.
- Les dernières précipitations peuvent-elles recharger les nappes phréatiques dont les niveaux ont baissé ces dernières décennies ?
- Ces dernières précipitations vont certainement contribuer à la recharge des nappes phréatiques, mais de là à dire que les niveaux vont être restaurés, je ne le pense pas. Il y a un coefficient de ruissellement et un autre d’infiltration qui doivent être pris en considération. Il ne faut pas non plus oublier que ces précipitations n’ont pas touché toutes les régions du Royaume.
- Le Maroc est-il en retard sur le chantier de gestion des eaux pluviales ?
- La gestion des eaux pluviales implique de travailler sur la collecte, le transport, le stockage et le traitement des eaux de pluie pour enfin pouvoir les valoriser. À cet égard, il faut admettre qu’il y a un retard dans ce chantier en termes de planification adéquate de la gestion intégrée des eaux pluviales. Ce genre de planification se décline à quatre niveaux : à l’échelle des bassins-versants, des sous-bassins-versants, des bassins de drainage et du site d’intervention où il faut définir les utilisations des eaux pluviales collectées. À ce jour, la majorité des bassins de collecte des eaux pluviales se font pour lutter contre les inondations, mais pas forcément pour la valorisation et l’utilisation.
- Comment peut-on tirer meilleur profit des eaux pluviales ?
- Il faut mettre en œuvre les pratiques de gestion optimale des eaux pluviales. Par exemple : mettre en place des ouvrages de collecte séparative en nombre suffisant, un transport séparatif et un traitement adéquat. Il est également impératif de créer plus d’espaces verts dans les villes et protéger les zones humides, car ces écosystèmes jouent un rôle vital dans le cycle de l’eau.
Spécialisé en ingénierie de l’eau et assainissement, Dr Oussama Belloulid répond à nos questions concernant le captage des eaux pluviales au Maroc.
- Les dernières précipitations peuvent-elles recharger les nappes phréatiques dont les niveaux ont baissé ces dernières décennies ?
- Ces dernières précipitations vont certainement contribuer à la recharge des nappes phréatiques, mais de là à dire que les niveaux vont être restaurés, je ne le pense pas. Il y a un coefficient de ruissellement et un autre d’infiltration qui doivent être pris en considération. Il ne faut pas non plus oublier que ces précipitations n’ont pas touché toutes les régions du Royaume.
- Le Maroc est-il en retard sur le chantier de gestion des eaux pluviales ?
- La gestion des eaux pluviales implique de travailler sur la collecte, le transport, le stockage et le traitement des eaux de pluie pour enfin pouvoir les valoriser. À cet égard, il faut admettre qu’il y a un retard dans ce chantier en termes de planification adéquate de la gestion intégrée des eaux pluviales. Ce genre de planification se décline à quatre niveaux : à l’échelle des bassins-versants, des sous-bassins-versants, des bassins de drainage et du site d’intervention où il faut définir les utilisations des eaux pluviales collectées. À ce jour, la majorité des bassins de collecte des eaux pluviales se font pour lutter contre les inondations, mais pas forcément pour la valorisation et l’utilisation.
- Comment peut-on tirer meilleur profit des eaux pluviales ?
- Il faut mettre en œuvre les pratiques de gestion optimale des eaux pluviales. Par exemple : mettre en place des ouvrages de collecte séparative en nombre suffisant, un transport séparatif et un traitement adéquat. Il est également impératif de créer plus d’espaces verts dans les villes et protéger les zones humides, car ces écosystèmes jouent un rôle vital dans le cycle de l’eau.
Recueillis par O. A.
Encadré
Histoire : Quand les Marocains étaient des as du captage des eaux pluviales…
Depuis la nuit des temps, les Marocains ont accumulé un réel patrimoine lié à la gestion de l’eau. Si les Romains ont introduit les grandes adductions d’eau pour les villes et ont ouvert la voie aux grands transferts d’eau, les Idrissides ont fondé au début du IXème siècle la ville de Fès et l’ont équipée de dizaines de kilomètres de conduites d’eau (eaux de sources, eaux d’oueds, eaux usées) comme ils ont favorisé la constitution d’une corporation pour les gérer (Kwadsia).
Les Almoravides ont pour leur part introduit, au XIème siècle, les Khettaras principalement dans les régions du Haouz, du Tafilalt et du Souss, alors que la dynastie des Alaouites a développé cet héritage technique et social, enrichi par les Andalous, créant, au Nord du pays comme dans les oasis du Sud, de petits périmètres d’intensification des cultures vivrières et industrielles et perpétuant ces savoir-faire ingénieux accumulés au fil du temps. « Depuis plus de mille ans, les Marocains ont développé et adapté des techniques traditionnelles et durables pour la gestion des eaux pluviales », explique Dr Oussama Belloulid en citant l’exemple des metfiates et des khettarats. « Ces techniques qui ont largement prouvé leur efficacité, et qui sont encore utilisées dans certaines zones rurales, font partie d’un patrimoine qu’il faut garder et promouvoir, d’autant plus que le recours aux méthodes de gestion des ressources basées sur la Nature et aux savoir-faire ancestraux sont actuellement fortement recommandés par beaucoup d’experts et d’ONG internationales », souligne Dr Belloulid.
Depuis la nuit des temps, les Marocains ont accumulé un réel patrimoine lié à la gestion de l’eau. Si les Romains ont introduit les grandes adductions d’eau pour les villes et ont ouvert la voie aux grands transferts d’eau, les Idrissides ont fondé au début du IXème siècle la ville de Fès et l’ont équipée de dizaines de kilomètres de conduites d’eau (eaux de sources, eaux d’oueds, eaux usées) comme ils ont favorisé la constitution d’une corporation pour les gérer (Kwadsia).
Les Almoravides ont pour leur part introduit, au XIème siècle, les Khettaras principalement dans les régions du Haouz, du Tafilalt et du Souss, alors que la dynastie des Alaouites a développé cet héritage technique et social, enrichi par les Andalous, créant, au Nord du pays comme dans les oasis du Sud, de petits périmètres d’intensification des cultures vivrières et industrielles et perpétuant ces savoir-faire ingénieux accumulés au fil du temps. « Depuis plus de mille ans, les Marocains ont développé et adapté des techniques traditionnelles et durables pour la gestion des eaux pluviales », explique Dr Oussama Belloulid en citant l’exemple des metfiates et des khettarats. « Ces techniques qui ont largement prouvé leur efficacité, et qui sont encore utilisées dans certaines zones rurales, font partie d’un patrimoine qu’il faut garder et promouvoir, d’autant plus que le recours aux méthodes de gestion des ressources basées sur la Nature et aux savoir-faire ancestraux sont actuellement fortement recommandés par beaucoup d’experts et d’ONG internationales », souligne Dr Belloulid.
Repères
Barrages à moitié vides
Les récentes fortes précipitations ont considérablement amélioré la situation de remplissage des barrages du Royaume. Si une dizaine de barrages à travers le pays enregistrent au 14 janvier un taux de remplissage avoisinant les 100%, force est cependant de constater que des dizaines d’autres sont encore loin de ce cas. Le taux de remplissage total pour la même date est à peine de 49.2%, sachant que beaucoup de barrage souffrent du phénomène d’envasement causé par le dépôt des sédiments charriés par les Oueds.
Interconnexion des bassins
La situation des divers bassins hydrauliques au Maroc est tout aussi éparse que celle des barrages. Alors que certains bassins hydrauliques excédentaires enregistrent des pertes d’eau en mer à cause du manque de solution de stockage, beaucoup d’autres restent déficitaires. Plusieurs projets d’interconnexion des bassins hydrauliques sont actuellement envisagés dans le cadre du Plan National de l’Eau 2050 afin d’équilibrer entre les excédents et les déficits hydriques, tout en évitant la perte des eaux fluviales en mer.