M. El Mekki Gaouane, lors du Débat à distance sur le rôle de l’opposition dans la gestion de la crise du Covid-19.
Mode de ce temps pandémique, c’est par visioconférence que les membres du Conseil de la concurrence ont tenu leur 6ème session, le 14 mai à Rabat. Au menu, la réactivation des instances de délibération du Conseil, mises en sommeil depuis cinq ans, ainsi que le rapport d’activité 2019, qui comporte son bilan et le plan d’action 2020.
Réveil partiel
Le Conseil de la concurrence a été doté, le 30 juin 2014, d’un nouveau cadre juridique, la loi n°20-13. Des dispositions de la loi sur la liberté des prix et de la concurrence, ont connu également, des changements avec la loi 104-12, promulguée à la même date.
Mais pour on ne sait quelle raison, les membres sortants du Conseil, en octobre 2013, ne furent pas remplacés. Jusqu’au 17 novembre 2018, quand fut nommé à sa tête Driss Guerraoui, outre son secrétaire général et les 12 autres membres.
Le gendarme des marchés luttant contre les pratiques anticoncurrentielles est, en effet, très attendu sur certains dossiers, dont celui portant sur une éventuelle entente sur les prix entre opérateurs du secteur de la distribution des produits pétroliers. Nul besoin de rappeler la campagne de boycott, lancée en avril 2018, qui avait ciblé, entre autres, une entreprise du secteur.
Plus que jamais, les Marocains ont les yeux rivés sur les cours des marchés internationaux et s’attendent, légitimement, à voir se refléter les fluctuations sur les tarifs affichés à l’échelle nationale.
Mais pour on ne sait quelle raison, les membres sortants du Conseil, en octobre 2013, ne furent pas remplacés. Jusqu’au 17 novembre 2018, quand fut nommé à sa tête Driss Guerraoui, outre son secrétaire général et les 12 autres membres.
Le gendarme des marchés luttant contre les pratiques anticoncurrentielles est, en effet, très attendu sur certains dossiers, dont celui portant sur une éventuelle entente sur les prix entre opérateurs du secteur de la distribution des produits pétroliers. Nul besoin de rappeler la campagne de boycott, lancée en avril 2018, qui avait ciblé, entre autres, une entreprise du secteur.
Plus que jamais, les Marocains ont les yeux rivés sur les cours des marchés internationaux et s’attendent, légitimement, à voir se refléter les fluctuations sur les tarifs affichés à l’échelle nationale.
Mauvaises habitudes à perdre
« Les habitudes prises sont difficiles à modifier, même lorsque les législations évoluent. C’est un peu à cela que se résume cette affaire d’une éventuelle entente entre opérateurs sur les prix des hydrocarbures », explique un fin connaisseur de la lutte contre les pratiques anticoncurrentielles.
« A la base, il y a le principe de l’incertitude de l’opérateur quant au comportement de ses concurrents, un élément fondamental pour un marché libre et concurrentiel. Aussi, la loi interdit-elle l’entente entre opérateurs d’un même secteur d’activités sur les prix pratiqués, ainsi que les échanges d’informations à ce sujet. L’objectif est justement de maintenir cette incertitude sur le marché et la concurrence entre opérateurs qu’elle entraîne, ce qui profite aux consommateurs.
Rappelez-vous quand, il y a moins d’une dizaine d’années, une entreprise de production de yaourt, en position dominante sur ce marché, a augmenté le prix de son produit de 20 centimes. Elle a dû reculer, quelques temps après, quand les autres opérateurs du secteur n’ont pas suivi ».
« A la base, il y a le principe de l’incertitude de l’opérateur quant au comportement de ses concurrents, un élément fondamental pour un marché libre et concurrentiel. Aussi, la loi interdit-elle l’entente entre opérateurs d’un même secteur d’activités sur les prix pratiqués, ainsi que les échanges d’informations à ce sujet. L’objectif est justement de maintenir cette incertitude sur le marché et la concurrence entre opérateurs qu’elle entraîne, ce qui profite aux consommateurs.
Rappelez-vous quand, il y a moins d’une dizaine d’années, une entreprise de production de yaourt, en position dominante sur ce marché, a augmenté le prix de son produit de 20 centimes. Elle a dû reculer, quelques temps après, quand les autres opérateurs du secteur n’ont pas suivi ».
Illicite échange d’informations
« Le Conseil de la concurrence avait même rappelé à l’ordre une association professionnelle qui affichait sur son site des informations fournies par ses entreprises membres relatives à leurs capacités de production, leurs investissements futurs, le volume de leurs ventes mensuelles, les ristournes accordées à leurs clients… Autant d’informations que la loi leur interdit d’échanger. Quand les dirigeants de ladite association se sont rendus compte de leur erreur, ils se sont empressés de tout supprimer », rappellement des pétroliers qui se chargeait de collecter les informations auprès de ses membres et de les communiquer aux autorités responsables.
Une fois le marché libéralisé, tout échange d’informations entre les membres du groupement des pétroliers devait normalement cesser. Est-ce qu’ils ont eu, ou non, la présence d’esprit de se conformer à la nouvelle législation en vigueur à ce sujet ? C’est sur quoi le Conseil de la concurrence devra trancher ».
Une fois le marché libéralisé, tout échange d’informations entre les membres du groupement des pétroliers devait normalement cesser. Est-ce qu’ils ont eu, ou non, la présence d’esprit de se conformer à la nouvelle législation en vigueur à ce sujet ? C’est sur quoi le Conseil de la concurrence devra trancher ».
Voies détournées d’entente sur les prix
« S’il est formellement interdit aux opérateurs d’un secteur d’activité de s’entendre sur les prix pratiqués sur le marché, cela n’empêche pas certains d’entre eux de s’entendre en secret. Ils peuvent ainsi se mettre d’accord sur des petits écarts de prix, de manière à donner l’illusion qu’il n’y a pas d’entente. En ce cas, il suffit aux opérateurs d’en convenir entre eux une seule fois et le système devient automatique », expliquet-il.
« Quand l’entreprise leader sur le marché vend à tel prix, les autres vont ajouter ou retrancher quelques centimes et le tour est joué. Comme ils se méfient les uns des autres, ils vont même jusqu’à procéder à des contrôles les uns les autres, relevant les prix pratiqués par chacun, histoire de vérifier que les termes de l’accord secret sont bien respectés. Mais une enquête minutieuse permet de dévoiler ce genre de manœuvres illicites.
En comparant les prix pratiqués par les différents concurrents sur une période de deux à trois ans, on peut se rendre compte de l’existence ou pas d’une anomalie. Ainsi, si les courbes de leurs prix sont parallèles, il y a des raisons objectives de soupçonner une entente ».
« Quand l’entreprise leader sur le marché vend à tel prix, les autres vont ajouter ou retrancher quelques centimes et le tour est joué. Comme ils se méfient les uns des autres, ils vont même jusqu’à procéder à des contrôles les uns les autres, relevant les prix pratiqués par chacun, histoire de vérifier que les termes de l’accord secret sont bien respectés. Mais une enquête minutieuse permet de dévoiler ce genre de manœuvres illicites.
En comparant les prix pratiqués par les différents concurrents sur une période de deux à trois ans, on peut se rendre compte de l’existence ou pas d’une anomalie. Ainsi, si les courbes de leurs prix sont parallèles, il y a des raisons objectives de soupçonner une entente ».
Procédure contradictoire
Le Conseil de la concurrence peut tout autant recueillir et traiter les saisines déposées par des opérateurs économiques que s’autosaisir (saisine d’office). Puis, c’est toute une procédure en trois phases qui est enclenchée. Le rapporteur général de la Direction de l’instruction, organe du Conseil de la concurrence, désigne un rapporteur pour instruire la saisine reçue, qui, après enquêtes et auditions avec les opérateurs concernés, établissent un rapport de griefs. Copies en sont adressées aux parties concernées, qui ont 60 jours pour y répondre. Quand la ou les entreprise(s) mise(s) en cause reconnai(ssen)t l’infraction commise, la procédure est arrêtée et le rapporteur général fixe dans le cadre d’une transaction le montant de l’amende à titre de sanction. Du fait de l’absence de contestation et vu que l’objectif recherché par la sanction est d’abord la dissuasion, ce montant peut être de moitié de celui infligé si la procédure est poursuivie jusqu’à son terme, le maximum étant de 10% du chiffre d’affaires de la ou les entreprise(s)s fautive(s).
Patients, pas amnésiques
Si la partie mise en cause conteste le grief, sa réponse écrite est examinée, après quoi la Direction de l’instruction élabore son rapport final, apportant les preuves de pratiques en infraction à la loi sur la concurrence et de l’intention de la contourner, rapport qui est ensuite adressé aux parties concernées. S’ensuit un nouveau délai de deux mois, suite à quoi les 13 membres du Conseil de la Concurrence se réunissent pour délibérer. Sauf que malgré la réactivation des instances du Conseil, il faudra encore attendre pour le voir se prononcer sur les saisines reçues, même si elles ont été déjà instruites.
Les circonstances exceptionnelles qui ont justifié ce report vont bien finir par disparaître. Les Marocains sont patients, mais pas amnésiques.
Les circonstances exceptionnelles qui ont justifié ce report vont bien finir par disparaître. Les Marocains sont patients, mais pas amnésiques.
Ahmed NAJI
3 questions à Ouadi Madih
Ouadi Madih
« Il faut que les instances concernées par le prix des hydrocarbures réagissent »
Le président de la Fédération nationale des associations du consommateur (FNAC), Ouadi Madih, nous parle de la situation du marché des hydrocarbures au Maroc.
-Quelles sont les raisons derrière les soupçons de pratiques anticoncurrentielles dans le secteur des hydrocarbures ?
-La chute du prix des hydrocarbures ne se ressent pas vraiment au Maroc. Même en cette période de pandémie, leur prix continue de stagner. Nous nous demandons pourquoi des mesures n’ont pas été prises pour gérer le marché des hydrocarbures ? Si le prix a connu une chute remarquable partout dans le monde, on se demande pourquoi ça n’a pas été le cas au Maroc ? Les instances concernées ne réagissent pas et cela a même été reproché par les parlementaires.
-Quelles sont les mesures qui devraient être prises pour réguler le marché des hydrocarbures ?
Il existe plusieurs mesures, d’ordre direct et indirect, à entreprendre dans ce marché. Concrètement, l’Etat devrait adopter une nouvelle formule de fixation des prix de vente au public, en prenant en compte différentes données, comme les cours internationaux. Il serait également sage de suspendre la libéralisation du marché des hydrocarbures jusqu’à l’instauration des conditions et instruments garantissant une bonne concurrence. De nouvelles sociétés d’importation et de stockage d’hydrocarbures devraient être autorisées. Il est également important d’uniformiser le taux de la taxe intérieure de consommation entre le gasoil et l’essence.
-Quel est le rôle du consommateur dans la lutte contre cette entente ?
-Au-delà de l’implication de l’Etat dans cette question, au niveau de la concurrence, le consommateur a une part de responsabilité. En effet, le consommateur lui-même ne joue pas le jeu. Si on estime que le produit est partout le même dans toutes les stations de services, pourquoi donc aller chez les plus chers ? D’ailleurs, l’application Mahatati a été élaborée pour permettre au consommateur de comparer en temps réel les prix du carburant dans différentes stations. Le jour où le consommateur cassera l’entente des fournisseurs, se dirigera vers le fournisseur de carburant le moins cher, ne serait-ce que de quelques centimes, il est certain que ce sera un bon pas dans la bonne direction. Ni le consommateur ni le gouvernement n’usent de leurs pouvoirs pour casser cette entente sur les prix des hydrocarbures.
Recueillis par H. L.
Le président de la Fédération nationale des associations du consommateur (FNAC), Ouadi Madih, nous parle de la situation du marché des hydrocarbures au Maroc.
-Quelles sont les raisons derrière les soupçons de pratiques anticoncurrentielles dans le secteur des hydrocarbures ?
-La chute du prix des hydrocarbures ne se ressent pas vraiment au Maroc. Même en cette période de pandémie, leur prix continue de stagner. Nous nous demandons pourquoi des mesures n’ont pas été prises pour gérer le marché des hydrocarbures ? Si le prix a connu une chute remarquable partout dans le monde, on se demande pourquoi ça n’a pas été le cas au Maroc ? Les instances concernées ne réagissent pas et cela a même été reproché par les parlementaires.
-Quelles sont les mesures qui devraient être prises pour réguler le marché des hydrocarbures ?
Il existe plusieurs mesures, d’ordre direct et indirect, à entreprendre dans ce marché. Concrètement, l’Etat devrait adopter une nouvelle formule de fixation des prix de vente au public, en prenant en compte différentes données, comme les cours internationaux. Il serait également sage de suspendre la libéralisation du marché des hydrocarbures jusqu’à l’instauration des conditions et instruments garantissant une bonne concurrence. De nouvelles sociétés d’importation et de stockage d’hydrocarbures devraient être autorisées. Il est également important d’uniformiser le taux de la taxe intérieure de consommation entre le gasoil et l’essence.
-Quel est le rôle du consommateur dans la lutte contre cette entente ?
-Au-delà de l’implication de l’Etat dans cette question, au niveau de la concurrence, le consommateur a une part de responsabilité. En effet, le consommateur lui-même ne joue pas le jeu. Si on estime que le produit est partout le même dans toutes les stations de services, pourquoi donc aller chez les plus chers ? D’ailleurs, l’application Mahatati a été élaborée pour permettre au consommateur de comparer en temps réel les prix du carburant dans différentes stations. Le jour où le consommateur cassera l’entente des fournisseurs, se dirigera vers le fournisseur de carburant le moins cher, ne serait-ce que de quelques centimes, il est certain que ce sera un bon pas dans la bonne direction. Ni le consommateur ni le gouvernement n’usent de leurs pouvoirs pour casser cette entente sur les prix des hydrocarbures.
Recueillis par H. L.
Repères
Formalités
C’est avant le 30 juin de chaque année, selon l’article 160 de la Constitution et les articles 23 et 24 la loi n°20-13 relative au Conseil de la concurrence, que ce dernier doit adopter son rapport d’activité, dûment entériné par ses membres. Il doit ensuite être soumis à SM le Roi et adressé au Chef du gouvernement et au Parlement, avant sa publication au Bulletin officiel. Il est à rappeler que le Conseil est composé de 13 membres, le président et ses 4 vice-présidents exerçant à plein temps.
Pandémie
Pandémie du Coronavirus oblige, le Conseil de la concurrence s’est penché sur l’examen de la situation économique durant cette crise, surveillant l’état concurrentiel des marchés. Il a exprimé ses inquiétudes sur une éventuelle rareté de produits de consommation essentiels, ce qui ne manquerait pas d’entraîner une flambée des prix de ces produits. Et pour éviter des pratiques illicites de nature à augmenter la pression sur les prix, tel le stockage clandestin des marchandises à des fins de spéculation, le Conseil promet de garder un oeil vigilant sur les marchés.