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Entretien avec Slim Kabbaj & Yasser Medkouri : « La filière Bio représente un avant-goût du nouveau modèle de développement »


Rédigé par Safaa KSAANI Mardi 8 Septembre 2020

Les membres du Club des Entrepreneurs Bio se sont attelés, ces derniers mois, à la concertation sur le livre blanc des filières Bio. Détails.



- En tant que membres du Club des Entrepreneurs Bio, vous êtes actuellement en train d’actualiser le livre blanc des filières Bio. Quels sont ses objectifs et ses suites ? 
- CEBio, nous avons compris très tôt qu’il fallait faire de cette crise sanitaire mondiale une opportunité de croissance effective pour les produits Bio, sans pesticides et sans OGM donc, et pour laquelle le Maroc pourrait jouer un rôle essentiel dans la région. C’est pour nous, certes, une priorité de santé, de protection de l’environnement, mais elle représente aussi un ensemble de possibilités de croissance économique et sociale sur le plan national. Dans le livre blanc, nous abordons les divers domaines du développement : les surfaces et les volumes de production de l’agriculture biologique, les débouchés en matière de transformation, que ce soit l’agro-industrie, la cosmétique, les compléments alimentaires ou les « superfoods » qui ont connu un saut considérable en termes de vente et d’attractivité pendant le confinement, et aussi les voies de l’export. Nous avons proposé des projets intégrés et nécessaires pour gagner du temps et rationaliser les actions nationales : la campagne de promotion, l’Agence Bio, le Biopark, la banque de semences, le fonds d’investissement, le soutien aux locomotives nationales. Nous avons déjà entamé des discussions avec le ministère de tutelle et nous comptons continuer à approfondir ensemble la dimension régionale et quantifier de manière réaliste les besoins et les objectifs, car c’est un vrai partenariat public-privé dont le secteur a besoin pour élaborer les plans d’action multidimensionnelle. Les leçons du plan Maroc Vert doivent nous conduire à la prudence et à la mobilisation de tous les acteurs sur le terrain avant d’avancer trop d’objectifs chiffrés.

- SM le Roi a lancé, en février dernier, la nouvelle stratégie de développement du secteur agricole baptisée “Génération Green 2020-2030”. A quel point le confinement obligatoire a-t-il impacté l’avancement de cette stratégie ?
- Le confinement obligatoire a naturellement conduit population et décideurs à se focaliser sur l’une des priorités du moment : l’alimentation, en mettant les projecteurs sur l’élément humain dans la production et sa santé, et en valorisant l’agriculteur, à l’amont de la chaîne de production. Le secteur a dû ainsi montrer sa capacité à répondre aux besoins d’une population confinée, plus orientée vers des produits sains et qui renforcent le système immunitaire, pour résister autant que possible à la pandémie. On pourrait dire que l’esprit Génération Green s’est construit en profondeur avec une prise de conscience plus aiguisée de l’importance de l’hygiène de vie. La consommation en produits Bio a d’ailleurs augmenté de manière significative pendant cette période. Ce contexte a été mis à profit par les principaux acteurs du secteur pour approfondir leurs propositions et échanger entre partenaires du public et du privé afin de donner un contenu programmatique au plan ambitieux Génération Green lancé par Sa Majesté le Roi.

- Les produits Bio sont sollicités par les pays importateurs. Quel est son apport à la valeur des exportations agricoles et, par ailleurs, dans le nouveau modèle de développement ?
- La production et la commercialisation de produits Bio constituent une opportunité pour l’export, sachant que les contrôles sont systématiques et pénalisants au Maroc et dans les pays cibles : les avantages sont que nous offrons des produits naturellement spécifiques, des produits qui arrivent sur les marchés en hors-saison, des produits innovants. Nous pouvons certainement dire que les entrepreneurs Bio sont pour la plupart créatifs, profondément imprégnés de la culture de la qualité et du respect des cahiers des charges, porteurs de valeur ajoutée et à la recherche de niches nouvelles. C’est un secteur difficile et exigeant où l’opérateur doit constamment se remettre en cause. Il est toujours surprenant d’entendre un opérateur parler de ses produits : c’est le résultat d’un travail scientifique, mais c’est une œuvre artistique remplie de passion. Nous sommes convaincus à cet égard que la filière Bio représente un avant-goût du nouveau modèle de développement, avec de fortes plus-values, génératrices d’emplois ruraux, mais aussi en demande de cadres spécialistes sur toute la chaîne de valeur, avec un ancrage régional important.

Recueillis par
Safaa KSAANI 

Encadré

Produits Bio : Pour attirer les investisseurs agricoles… ?
 
C’est une question abordée dans les discussions des membres de CEBio avec le secteur public, dont la réponse débute avec deux conditions initiales. “D’une part, la réglementation qui doit être actualisée et complétée. Sur ce point, sont concernés le ministère de l’Agriculture, le ministère du Commerce et de l’Industrie et le ministère de la Santé... D’autre part, la promotion auprès des consommateurs”, nous affirment le président et le vice-président du Club des Entrepreneurs Bio.

Il faut également assurer aux investisseurs que le cycle Production – Transformation – Distribution – Export devienne vertueux et assure des débouchés attractifs aux agriculteurs, ce qui justifierait l’investissement, nous affirment-ils.

Les deux spécialistes croient qu’il faudrait également que les subventions à la conversion soient mises en place, ainsi que toutes les facilités décrites dans leur plate-forme d’action CEBio.

Par ailleurs, les pays avancés dans le secteur sont passés par là et ont aujourd’hui un secteur dynamique à part entière, en pleine croissance, qui a dépassé la notion de niche. “Après toutes ces réflexions et ces années d’expérience, nous voyons clairement et concrètement le chemin de l’avenir. Il est temps d’avancer pour faire la différence dans la région, notamment comme plate-forme entre l’Europe et l’Afrique”, estiment MM. Slim Kabbaj et Yasser Medkouri.
 
S. K.

Repères

Augmentation des achats de produits biologiques en temps de pandémie
La pandémie du nouveau Coronavirus a engendré une prise de conscience croissante des avantages pour la santé et le système immunitaire d’une alimentation naturelle et équilibrée qui augmente la demande d’aliments biologiques et durables. En effet, la population est plus soucieuse de savoir d’où provient la nourriture et comment elle est produite, stockée et préparée. Par ailleurs, alors que les groupements en faveur du Bio se sont structurés, moins nombreuses sont les institutions et les personnes qui remettent en cause les plaidoyers sur le choix du Bio, reconnu comme plus favorable à l’environnement local, à la réduction des gaz à effet de serre et à l’atténuation des changements climatiques
Des produits Bio de plus en plus disponibles
En ce qui concerne le développement du secteur biologique au cours des dix dernières années au Maroc, le niveau de distribution et de disponibilité des produits dans tout le pays avait augmenté de 10% au cours des cinq dernières années, notamment avec l’ouverture de plus en plus de points de vente, qu’il s’agisse de marchés de proximité, pharmacies ou parapharmacies, selon le président de CEBio. En termes de production, il y a eu une légère augmentation des produits locaux frais. Quant aux exportations, l’industrie biologique a fait des progrès intéressants, permettant une avancée majeure dans certains domaines et cultures. 








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