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Épices et Ramadan : Zoom sur ces produits aux prix de plus en plus relevés


Rédigé par Oussama ABAOUSS Mercredi 6 Avril 2022

Largement dominé par la vente en vrac, qui ne permet pas toujours de garantir la traçabilité des produits, le secteur des épices au Maroc nécessite une nouvelle approche d’encadrement.



Épices et Ramadan : Zoom sur ces produits aux prix de plus en plus relevés
Difficile d’imaginer la cuisine marocaine sans son lot d’épices en tout genre. Alors même qu’ils font partie intégrante de l’identité culinaire et touristique de notre pays, la majeure partie des épices consommée actuellement au Maroc est pourtant importée d’autres pays. « Les consommateurs qui vivent dans plusieurs régions occidentales du globe, en Europe notamment, n’utilisent habituellement dans leur quotidien qu’une gamme restreinte d’épices. Au Maroc, nous en consommons près de 32 genres différents parmi lesquels 5 constituent plus de 75% de la consommation totale», nous explique Driss Terrab, vice-président de la Fédération des Industries de la Conserve des Produits Agricoles au Maroc (FICOPAM) et professionnel dans le domaine de la valorisation des épices et des herbes aromatiques depuis une cinquantaine d’années.

Le marché annuel national de la consommation des épices est ainsi estimé par les professionnels du secteur à plus de 2.5 milliards de dirhams pour un volume de quelque 35.000 tonnes.

Les 6 épices les plus prisées

Le piment doux (paprika), dont la production est la seule à se faire en majeure partie au Maroc, domine le marché local avec un volume total estimé actuellement à près de 6000 tonnes par an. « La production locale annuelle du piment doux peut atteindre les 7000 ou 8000 tonnes par an, ce qui fait qu’une partie est exportée. Nous sommes cependant loin des volumes de production qui étaient enregistrés il y a quelques décennies et qui ont culminé à plus de 20.000 tonnes par an au début des années 90 », souligne le vice-président de la FICOPAM.

Le deuxième produit au top5 est le poivre noir avec un volume estimé entre 4500 et 5000 tonnes. Deux autres épices se disputent la troisième place : le cumin et le curcuma pour un volume estimé à plus de 4000 tonnes annuellement pour chacun. Viennent enfin le gingembre avec 3000 tonnes par an et la cannelle avec un peu plus de 1000 tonnes.

Les besoins d’encadrement

La filière des épices au Maroc est dominée par la vente en vrac avec uniquement 5 à 6% du volume qui sont issues d’unités marocaines de conditionnement d’épices.

« Ces unités sont identifiées, ce qui leur permet de commercialiser des produits qui offrent toutes les garanties de qualité, de conformité et de traçabilité. C’est un facteur de sécurité et de protection des consommateurs. Pour le vrac, le mode de fonctionnement implique une totale opacité par rapport à l’origine, au procédé de moulage, aux conditions de transport, etc. Même le vendeur final ne peut pas clairement identifier ces conditions. Le fait également d’exposer des épices à l’air libre comporte certains risques qui peuvent amener à leur contamination ou à l’altération de leurs spécificités physiques et chimiques », détaille le vice-président de la FICOPAM en soulignant que les professionnels du secteur ont continuellement demandé une réglementation pour encadrer - voire interdire - la vente en vrac qui se fait dans des conditions douteuses.

Garantir des normes de qualité

« Il existe des points de vente spécialisés, y compris dans les rayons des grandes et moyennes surfaces, où l’achalandage se fait pour satisfaire l’attente des consommateurs qui veulent justement faire leurs achats d’épices à l’ancienne, c’est-à-dire en vrac. Cela dit, les conditions de stockage, de transport et de manipulation dans ces lieux se font dans le respect total des normes sanitaires, et même de traçabilité », nuance le professionnel.

S’il existe actuellement au Maroc des références qui listent les bonnes pratiques en matière de valorisation et commercialisation des épices, il manque encore un cadre réglementaire contraignant qui permet de généraliser et de garantir la qualité des produits vendus en vrac. « Privilégier les épices conditionnées ne se fera pas au détriment de la variété de l’offre puisqu’il sera possible pour le consommateur final de trouver des produits qui ont des volumes différents et donc adaptés aux divers besoins et budgets », conclut le vice-président de la FICOPAM.


Oussama ABAOUSS

Repères

Le curcuma a le vent en poupe
Ces dernières années ont vu tripler le volume de curcuma consommé au niveau national. Alors que le volume annuel pour ce produit plafonnait autour de 1200 tonnes par an, les professionnels du secteur estiment la consommation actuelle autour des 4000 tonnes. « Les gens sont de plus en plus nombreux à remplacer la tartrazine (E102) par le curcuma. Cette tendance est apparue après la circulation d’informations à propos des impacts négatifs sur la santé que pourrait avoir la tartrazine », explique Driss Terrab.
 
Le Maroc, 2ème producteur de plantes aromatiques
Il existe au Maroc près de 4.200 plantes aromatiques et médicinales recensées, dont moins de 600 sont exploitées. Notre pays est classé deuxième producteur au niveau mondial avec une production qui culmine à 140.000 tonnes par an et qui reste nettement en deçà des potentialités de la filière. Au niveau de l’export, le Maroc est classé 12ème dans le monde avec un volume de 52.000 tonnes de plantes et 5.000 tonnes d’huiles essentielles extraites destinées essentiellement à l’Europe et aux États-Unis.

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Monde


Le marché mondial des épices chiffré à près de 4 milliards de dollars
 
Certains pays en voie de développement comme le Madagascar, les Comores et la Tanzanie tirent une part importante de leurs recettes en devises des exportations d’épices. D’autres pays sont de grands producteurs d’épices mais - en présence sur leurs territoires d’une forte demande sur ces produits - seule une faible partie de leur production se retrouve destinée à l’export. C’est le cas de l’Inde, de l’Indonésie ou encore le Mexique.

Parmi les grands exportateurs actuels d’épices, on peut lister la Chine, le Viêtnam, le Madagascar, la Turquie, le Guatemala ou encore le Brésil. Les pays occidentaux considérés anciennement comme des empires coloniaux (la France, l’Angleterre, la Hollande et la Belgique) ont maintenu leurs statuts de plaques tournantes du commerce mondial des épices, avec des spécialisations selon l’origine nationale des produits.

Ces pays sont donc à ce jour des exportateurs importants, surtout parce qu’ils réexportent les matières premières importées. Le marché mondial des épices est évalué actuellement à près de 4 milliards de dollars.

Santé


Des échantillons d’épices provenant du Maroc contaminés par le plomb ?
 
En août 2020, l’UNICEF et l’ONG Pure Earth avaient publié une étude intitulée « the Toxic Truth » portant sur l’analyse des différentes sources d’exposition des enfants au plomb dans le monde, y compris les épices utilisées dans leur alimentation.

Selon cette étude, les analyses menées sur des échantillons d’épices en provenance du Maroc (entre autres) avaient révélé une présence de plomb en quantités importantes. L’ONSSA avait alors réagi à la publication de ce rapport en pointant « l’absence de normes internationales en matière de plomb dans les épices » et « un défaut d’étiquetage sur les échantillons » utilisés dans cette étude.

L’Office avait par ailleurs rassuré le grand public en soulignant que le suivi et le contrôle des épices au Maroc se faisait aussi bien au niveau de l’importation, de la production locale que des points de vente. « Un contrôle documentaire du certificat sanitaire délivré par les autorités sanitaires du pays d’origine garantit la sécurité sanitaire des épices. La deuxième étape consiste en un contrôle d’identité pour vérifier si la marchandise correspond à celle décrite par les documents, un contrôle physique et visuel des conditions de transport et de la marchandise.

En dernier lieu, vient un contrôle analytique avec le prélèvement d’échantillons analysés par des laboratoires accrédités par l’ONSSA », avait expliqué la même source qui a par ailleurs précisé que le plan de surveillance des épices avait démontré que l’ensemble des échantillons étaient conformes et que la majorité d’entre eux ne contenaient aucune trace de plomb.
 

3 questions à Driss Terrab, vice-président de la FICOPAM


« La chute de la production locale du cumin s’explique en grande partie par la mondialisation »
 
Professionnel du secteur des épices et des plantes aromatiques et vice-président de la Fédération des Industries de la Conserve des Produits Agricoles au Maroc (FICOPAM), Driss Terrab répond à nos questions.


- Existe-t-il des filières au Maroc qui valorisent les épices importées pour ensuite les réexporter ?

- Oui, c’est le cas notamment de mélanges d’épices comme « Ras El Hanout ». Ce produit a par ailleurs du succès au niveau international. Il y a actuellement une demande qui a fait que même des pays étrangers comme l’Espagne ont commencé à commercialiser des mélanges estampillés « Ras El Hanout » ou encore des mélanges « Tagine » ou « Kefta ».


- Le Maroc était par le passé un exportateur du cumin. Pourquoi ce n’est plus le cas ?


- En effet, il y a quelques décennies, le Maroc produisait suffisamment de cumin pour pouvoir en exporter. Les professionnels des épices estiment cependant que le cumin vendu au Maroc actuellement provient à 98% de l’export. Les 2% qui restent correspondent au cumin « beldi » produit localement et qui est par ailleurs considéré comme de meilleure qualité et vendu deux fois plus cher. La chute de la production locale du cumin s’explique en grande partie par la mondialisation qui a permis l’apparition dans le marché local de produits importés moins coûteux.


- Qu’en est-il des pratiques parfois utilisées pour maximiser les profits en mélangeant les épices avec d’autres produits ?

- Il est ici question tout simplement de triche. Il en existe certaines formes qui sont dangereuses pour la santé des consommateurs et d’autres qui ne le sont pas. Pour les pratiques dangereuses, c’est quand des produits non-alimentaires ou qui sont souillés sont ajoutés aux épices pour augmenter la quantité.

L’autre forme qui n’est pas dangereuse - mais qui n’en demeure pas moins de la triche - c’est quand des produits alimentaires de faible coût sont ajoutés et qui, après le mélange, se retrouve revalorisée au prix de l’épice. Exemple des marchands qui ajoutent de la coriandre au cumin ou encore le sorgho au poivre. C’est un phénomène qui existe parce que l’absence de traçabilité le permet même si les autorités ont sévi à plusieurs reprises pour lutter contre ce genre de pratiques.

Recueillis par O. A.
 



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