Dans une mise à jour le 6 octobre 2020, le Conseil des ministres de l’Economie et des Finances des pays membres de l’Union Européenne (ECOFIN) a décidé de maintenir le Maroc sur sa très redoutée liste grise. Cette dernière regroupe les pays dont les engagements en termes de conformité fiscale sont jugés suffisants par l’UE, mais leur application fait toujours l’objet d’un suivi attentif. Une décision jugée hâtive par plusieurs experts du fait que les nouvelles mesures relatives au statut de Casablanca Finance City (CFC) sont toujours en cours d’évaluation par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). En effet, la réunion de l’OCDE devait se tenir en avril, mais suite à la propagation du Coronavirus, elle a été reportée au 17 octobre. Dans ces circonstances, le Royaume n’est nullement responsable de la situation. Bien au contraire, en matière de conformité fiscale, le pays a déjà accepté toutes les conditions imposées par Bruxelles.
Le Maroc s’est comporté en bon élève
Pour convaincre les pays européens, l’Exécutif a supprimé, à travers la Loi de finances 2019, les dispositifs incitatifs des banques offshore, des holdings financiers…et la liste est loin d’être exhaustive. Le Maroc a même corrigé deux régimes fiscaux préférentiels. La Loi de Finances 2020 a institué un taux de l’IS de 15% pour toutes les sociétés ayant le statut CFC (contre 8,75 auparavant), sans distinction entre le chiffre d’affaires local et celui réalisé à l’export. Un taux qui s’appliquera après la période d’exonération de 5 ans.
Le 24 septembre, le Conseil de Gouvernement a approuvé le projet de décret-loi portant réorganisation de CFC qui prévoit dans son article 21 de maintenir le régime qui a fait l’attractivité de cette dernière jusqu’à l’horizon 2022. Un régime valable pour les entreprises ayant acquis ce statut avant janvier 2020.
Ceci a fait qu’ECOFIN a placé le Maroc parmi les pays qui se sont engagés à modifier ou à supprimer leurs régimes fiscaux dommageables, mais qui n’ont pu le faire en raison de retards dus à la procédure du Forum de l’OCDE. Il a obtenu, ainsi, un délai jusqu’à la fin de 2020 pour adapter sa législation fiscale. Dans ce sillage, le député istiqlalien Ahmed Toumi nous confie que «même si ce classement sera revu dans les prochains mois, le maintien du Maroc en zone grise de la liste des paradis fiscaux dressée par l’UE est un affront et une atteinte à notre souveraineté économique et fiscale».
Maintenir le Maroc dans la liste grise, fait que l’UE prend le risque de mettre à mal l’attractivité de l’un de ses principaux partenaires de la rive Sud de la Méditerranée. Consciente des conséquences d’une telle décision, l’Alliance des Economistes Istiqlaliens avait indiqué que l’impact de la pression exercée par l’UE en termes de convergence fiscale, notamment sur le niveau des investissements et de la demande adressée au Maroc, risquerait d’engendrer des tensions sociales et des pressions migratoires non souhaitables par les deux parties.
Le Maroc s’est comporté en bon élève
Pour convaincre les pays européens, l’Exécutif a supprimé, à travers la Loi de finances 2019, les dispositifs incitatifs des banques offshore, des holdings financiers…et la liste est loin d’être exhaustive. Le Maroc a même corrigé deux régimes fiscaux préférentiels. La Loi de Finances 2020 a institué un taux de l’IS de 15% pour toutes les sociétés ayant le statut CFC (contre 8,75 auparavant), sans distinction entre le chiffre d’affaires local et celui réalisé à l’export. Un taux qui s’appliquera après la période d’exonération de 5 ans.
Le 24 septembre, le Conseil de Gouvernement a approuvé le projet de décret-loi portant réorganisation de CFC qui prévoit dans son article 21 de maintenir le régime qui a fait l’attractivité de cette dernière jusqu’à l’horizon 2022. Un régime valable pour les entreprises ayant acquis ce statut avant janvier 2020.
Ceci a fait qu’ECOFIN a placé le Maroc parmi les pays qui se sont engagés à modifier ou à supprimer leurs régimes fiscaux dommageables, mais qui n’ont pu le faire en raison de retards dus à la procédure du Forum de l’OCDE. Il a obtenu, ainsi, un délai jusqu’à la fin de 2020 pour adapter sa législation fiscale. Dans ce sillage, le député istiqlalien Ahmed Toumi nous confie que «même si ce classement sera revu dans les prochains mois, le maintien du Maroc en zone grise de la liste des paradis fiscaux dressée par l’UE est un affront et une atteinte à notre souveraineté économique et fiscale».
Maintenir le Maroc dans la liste grise, fait que l’UE prend le risque de mettre à mal l’attractivité de l’un de ses principaux partenaires de la rive Sud de la Méditerranée. Consciente des conséquences d’une telle décision, l’Alliance des Economistes Istiqlaliens avait indiqué que l’impact de la pression exercée par l’UE en termes de convergence fiscale, notamment sur le niveau des investissements et de la demande adressée au Maroc, risquerait d’engendrer des tensions sociales et des pressions migratoires non souhaitables par les deux parties.
Saâd JAFRI
3 questions à Younes Chebihi
Younes Chebihi
« Les relations économiques euro-marocaines n’ont pas besoin de telles pratiques, qui constituent une intrusion injustifiée dans la souveraineté économique des États »
Membre de l’Alliance des Economistes Istiqlaliens (AEI), enseignant à l’université de Bordeaux et membre du Laboratoire français de recherche en économie et finance internationale (LAREFI), Younes Chebihi nous parle de la dernière décision de Bruxelles sur le maintien du Maroc en liste grise.
- Quelles sont les raisons derrière le maintien du Maroc dans la liste grise de l’UE ?
- Notre pays figure toujours dans la liste grise des juridictions non coopératives à des fins fiscales de l’UE. Celle-ci est un instrument lui permettant, officiellement, de lutter contre l’évasion fiscale. Sauf que, dans les faits, l’objectif est d’atténuer les externalités liées aux divergences fiscales, qui engendrent, par un manque de compétitivité, des flux négatifs des capitaux européens. Ainsi, cette liste permet à l’UE de faire pression sur les pays refusant de coopérer sur le plan fiscal au risque de voir geler les fonds européens qu’ils auraient pu recevoir.
- Pensez-vous que le Maroc a pris les mesures nécessaires pour sortir de cette liste ?
- Le Maroc qui fait partie de cette liste depuis sa création en 2017 a entamé une série de réformes pour pallier cette situation, à l’instar des mesures de la LF de 2020 qui proposaient une remise à plat des régimes fiscaux incitatifs à l’export et au déploiement de Casa Finance City. L’adoption du décret-loi portant la réorganisation de CFC présageait une sortie de la liste grise dès cette semaine, puisqu’une refonte du régime fiscal de l’organisation demeurait l’ultime condition pour une sortie définitive. Ce contretemps pourrait être expliqué par la nécessité de ratification du texte par le parlement qui ne siégera qu’après le lancement de la session automnale. Ou tout simplement à cause d’une surcharge de travail au sein des commissions du Conseil européen en raison de la crise sanitaire actuelle liée à la Covid-19, et qui aurait repoussé le verdict concernant le Maroc au début de l’année prochaine.
- Selon vous, la décision de Bruxelles est-elle justifiée ?
- Les relations économiques euro-marocaines n’ont pas besoin de telles pratiques, qui constituent une intrusion injustifiée dans la souveraineté économique des États. En effet, le Maroc, allié stratégique de l’Union Européenne, peut constituer un maillon fort dans les nouvelles chaînes de valeurs mondiales de l’ère post-Covid où chacun sortirait gagnant.
Membre de l’Alliance des Economistes Istiqlaliens (AEI), enseignant à l’université de Bordeaux et membre du Laboratoire français de recherche en économie et finance internationale (LAREFI), Younes Chebihi nous parle de la dernière décision de Bruxelles sur le maintien du Maroc en liste grise.
- Quelles sont les raisons derrière le maintien du Maroc dans la liste grise de l’UE ?
- Notre pays figure toujours dans la liste grise des juridictions non coopératives à des fins fiscales de l’UE. Celle-ci est un instrument lui permettant, officiellement, de lutter contre l’évasion fiscale. Sauf que, dans les faits, l’objectif est d’atténuer les externalités liées aux divergences fiscales, qui engendrent, par un manque de compétitivité, des flux négatifs des capitaux européens. Ainsi, cette liste permet à l’UE de faire pression sur les pays refusant de coopérer sur le plan fiscal au risque de voir geler les fonds européens qu’ils auraient pu recevoir.
- Pensez-vous que le Maroc a pris les mesures nécessaires pour sortir de cette liste ?
- Le Maroc qui fait partie de cette liste depuis sa création en 2017 a entamé une série de réformes pour pallier cette situation, à l’instar des mesures de la LF de 2020 qui proposaient une remise à plat des régimes fiscaux incitatifs à l’export et au déploiement de Casa Finance City. L’adoption du décret-loi portant la réorganisation de CFC présageait une sortie de la liste grise dès cette semaine, puisqu’une refonte du régime fiscal de l’organisation demeurait l’ultime condition pour une sortie définitive. Ce contretemps pourrait être expliqué par la nécessité de ratification du texte par le parlement qui ne siégera qu’après le lancement de la session automnale. Ou tout simplement à cause d’une surcharge de travail au sein des commissions du Conseil européen en raison de la crise sanitaire actuelle liée à la Covid-19, et qui aurait repoussé le verdict concernant le Maroc au début de l’année prochaine.
- Selon vous, la décision de Bruxelles est-elle justifiée ?
- Les relations économiques euro-marocaines n’ont pas besoin de telles pratiques, qui constituent une intrusion injustifiée dans la souveraineté économique des États. En effet, le Maroc, allié stratégique de l’Union Européenne, peut constituer un maillon fort dans les nouvelles chaînes de valeurs mondiales de l’ère post-Covid où chacun sortirait gagnant.
Repères
CFC perd de son attrait
L’article 21 du décret-loi portant réorganisation de Casablanca Finance City maintient le régime fiscal favorable qui a forgé l’attractivité de cette place au profit des sociétés de services ayant obtenu le label CFC avant janvier 2020, jusqu’au mois de décembre 2022. Les entreprises ayant intégré le pôle financer casablancais plus tard, seront soumises à un taux d’IS uniforme de 15%, au lieu de 8,75% auparavant. La période d’exonération quinquennale, elle, est maintenue.
Des listes fluctuantes
Placé en zone grise depuis la création de cette classification en 2017 au lendemain du scandale planétaire des «Panama Papers», le Maroc y restera au moins jusqu’à février 2021, date d’organisation de la prochaine réunion semestrielle du Conseil de l’UE et de mise à jour de sa liste des paradis fiscaux. Aux côtés du Royaume figurent également 9 autres pays : l’Australie, le Botswana, Esswatini, la Jordanie, les Maldives, la Namibie, Sainte-Lucie, la Thaïlande et la Turquie.
Une question de souveraineté
En février 2020, une semaine avant la mise à jour des listes de l’UE sur les paradis fiscaux, l’Alliance des Economistes Istiqlaliens avait publié un communiqué au ton ferme où l’accent était mis sur la question de la souveraineté économique et fiscale du Maroc. «Compte tenu des grands efforts, sérieux et crédibles, déployés par le Royaume du Maroc en matière de fiscalité, l’AEI déplore le fait que des doutes puissent encore subsister au sein de la Commission Européenne pour la sortie du Maroc de la liste grise des paradis fiscaux», s’était à l’époque insurgé le think tank istiqlalien.