Depuis 2019, le Maroc a entamé, sur instructions de SM le Roi, une profonde restructuration du secteur de la Formation Professionnelle (FP). L’objectif est de pallier les déficits qualitatifs et quantitatifs du dispositif actuel pour assurer une meilleure adéquation emploi-formation, souligne la Chambre Française de Commerce et d’Industrie du Maroc (CFCIM) dans le nouveau numéro de son bulletin mensuel « Conjoncture », consacré en grande partie aux enjeux de la formation professionnelle au Maroc. Elle cite, à ce sujet, les principaux dysfonctionnements dont souffre le dispositif de la formation professionnelle au Royaume.
Le SEF pointé du doigt
Elle commence par le rapport du Conseil Supérieur de l’Éducation, de la Formation et de la Recherche Scientifique (CSEFRS) publié en mars 2019, selon lequel l’offre de la formation professionnelle est dépassée : « Malgré le développement du système de formation professionnelle, force est de constater que ses performances restent en deçà des objectifs escomptés. En témoigne la persistance des problèmes liés à l’emploi et au chômage affectant particulièrement les jeunes et les femmes. Le Système d’Education et de Formation (SEF) se trouve ainsi face à des questionnements pressants ».
Multiplicité des modes de formation
De même, le CSEFRS pointe du doigt d’autres dysfonctionnements structurels comme l’absence de passerelles entre la formation professionnelle et l’enseignement général, la multiplicité des modes de formation (dont certains ont montré leurs limites), une offre de filières de formation en obsolescence, un système d’orientation vers la formation professionnelle peu valorisant…
Faible préparation pédagogique des formateurs
Il souligne également la faible préparation pédagogique des formateurs, le manque d’expérience en milieu professionnel, le manque de coordination entre les parties prenantes du secteur ainsi qu’un déphasage avec la réalité des besoins économiques et sociaux. En vue d’une réelle restructuration en profondeur de la formation professionnelle, le CSEFRS a préconisé, dans ledit rapport, la mise à niveau des opérations chargées de la FP ainsi que l’arrimage des politiques de formation aux politiques de l’emploi.
Il suggère également l’activation du rôle des régions dans le développement de la formation professionnelle, de même que « l’engagement d’un véritable partenariat avec le monde économique dans le cadre d’une relation gagnant-gagnant ». Le CSEFRS admet, néanmoins, que « les efforts consentis au cours des quinze dernières années ont permis au secteur de la formation professionnelle de prendre de l’ampleur, d’accompagner les stratégies de développement sectoriel, de préparer à l’emploi d’importants effectifs de jeunes, avec un focus particulier sur les femmes et les jeunes issus des milieux défavorisés ».
Des avancées quand même
Le rapport, poursuit la CFCIM, cite d’autres avancées constatées au cours des dernières années, à commencer par l’augmentation de la capacité d’accueil des candidats et la diversification des filières de formation et des intervenants (OFPPT, entreprises, Chambres de commerce, ministères…). La création d’un baccalauréat professionnel ainsi que le développement d’une offre de formation pour des métiers et des secteurs porteurs comme l’automobile et les énergies renouvelables ont également donné une image valorisante à la formation professionnelle au Maroc, fait savoir la CFCIM.
Chômage des diplômés de la Formation Professionnelle
Dans son étude, « Formation et emploi au Maroc », publiée en mai 2018, le Haut-Commissariat au Plan (HCP) montre, lui aussi, le décalage existant entre l’offre de formation professionnelle et les besoins du marché : « Le chômage des diplômés de la formation professionnelle augmente de 21% parmi les diplômés d’initiation professionnelle, à 26% parmi les diplômés spécialisés, à 29% parmi les qualifiés et à près de 27% parmi les techniciens spécialisés.
Au total, le rendement externe de la formation professionnelle montre sans équivoque un niveau de performance problématique, aussi bien au plan qualitatif que quantitatif, comparé à celui de l’enseignement en général ». Le HCP n’hésite pas à parler de déclassement principalement dû à « la faible adéquation des diplômés à l’offre d’emplois » ainsi qu’à « la faiblesse du niveau et de la diversité de cette offre », ajoute la CFCIM.
Les réformes engagées
Pour faire face à ces dysfonctionnements, la CFCIM rappelle que la formation professionnelle a connu plusieurs réformes. C’est le cas du projet des Cités des Métiers et des Compétences, lancé en 2019 par SM le Roi. Doté d’un budget de 3,6 milliards de dirhams, ce projet vise à développer la formation professionnelle et surtout à la mettre en adéquation avec les besoins économiques. En pratique, le projet doit aboutir à la construction de douze Cités des Métiers et des Compétences, soit une dans chacune des régions du pays à l’horizon 2023-2024.
109 filières supprimées
Dans la même veine, la CFCIM indique qu’en début d’année, le ministre de la tutelle, Saaïd Amzazi, annonçait la suppression de 109 filières en raison de « leur incapacité à offrir des débouchés ». « 15% seulement de la totalité des formations existantes seront ainsi préservées tandis que 43% des filières seront mises à jour. Les nouvelles filières qui seront lancées représenteront quant à elles 42% de l’offre de formation », ajoute la CFCIM.
De nouvelles branches seront étudiées dans les centres de FP
M. Amzazi a annoncé, par la même occasion, qu’il sera procédé « à l’ouverture sur de nouveaux secteurs tels que la santé, le numérique et l’intelligence artificielle, l’agriculture, l’artisanat et la pêche maritime ». Il a, par ailleurs, fait savoir qu’en 2020 le département de la Formation Professionnelle a effectué pas moins de cinq études « en matière de guides des métiers et de l’artisanat et de référentiels pour les métiers et les compétences » et que d’autres études sectorielles sont en cours.
« Le Maroc doit pouvoir offrir des ressources humaines qualifiées »
En principe, comme le souligne Jean- Pascal Darriet, président de la CFCIM, ces réformes devraient améliorer à la fois l’employabilité des bénéficiaires et mieux répondre aux attentes des recruteurs. « Les entreprises seront ainsi plus largement impliquées dans le processus de formation pour proposer une offre en phase avec leurs besoins en compétences.
Beaucoup d’entreprises ont d’ailleurs pris l’initiative de créer leur propre académie afin de former « sur mesure » leurs salariés et leurs recrues. Auprès des jeunes, ces parcours doivent également être valorisés, car ils souffrent parfois d’une mauvaise image. Ils donnent pourtant accès à des filières d’excellence et, surtout, ils garantissent une insertion rapide dans le monde du travail », estime Jean-Pascal Darriet.
« La formation professionnelle est un rouage essentiel pour construire la compétitivité d’un pays. C’est pourquoi, dans l’optique de consolider son positionnement de hub africain, le Maroc doit pouvoir offrir aux investisseurs des ressources humaines qualifiées dans les secteurs de pointe », conclut-il.
Le SEF pointé du doigt
Elle commence par le rapport du Conseil Supérieur de l’Éducation, de la Formation et de la Recherche Scientifique (CSEFRS) publié en mars 2019, selon lequel l’offre de la formation professionnelle est dépassée : « Malgré le développement du système de formation professionnelle, force est de constater que ses performances restent en deçà des objectifs escomptés. En témoigne la persistance des problèmes liés à l’emploi et au chômage affectant particulièrement les jeunes et les femmes. Le Système d’Education et de Formation (SEF) se trouve ainsi face à des questionnements pressants ».
Multiplicité des modes de formation
De même, le CSEFRS pointe du doigt d’autres dysfonctionnements structurels comme l’absence de passerelles entre la formation professionnelle et l’enseignement général, la multiplicité des modes de formation (dont certains ont montré leurs limites), une offre de filières de formation en obsolescence, un système d’orientation vers la formation professionnelle peu valorisant…
Faible préparation pédagogique des formateurs
Il souligne également la faible préparation pédagogique des formateurs, le manque d’expérience en milieu professionnel, le manque de coordination entre les parties prenantes du secteur ainsi qu’un déphasage avec la réalité des besoins économiques et sociaux. En vue d’une réelle restructuration en profondeur de la formation professionnelle, le CSEFRS a préconisé, dans ledit rapport, la mise à niveau des opérations chargées de la FP ainsi que l’arrimage des politiques de formation aux politiques de l’emploi.
Il suggère également l’activation du rôle des régions dans le développement de la formation professionnelle, de même que « l’engagement d’un véritable partenariat avec le monde économique dans le cadre d’une relation gagnant-gagnant ». Le CSEFRS admet, néanmoins, que « les efforts consentis au cours des quinze dernières années ont permis au secteur de la formation professionnelle de prendre de l’ampleur, d’accompagner les stratégies de développement sectoriel, de préparer à l’emploi d’importants effectifs de jeunes, avec un focus particulier sur les femmes et les jeunes issus des milieux défavorisés ».
Des avancées quand même
Le rapport, poursuit la CFCIM, cite d’autres avancées constatées au cours des dernières années, à commencer par l’augmentation de la capacité d’accueil des candidats et la diversification des filières de formation et des intervenants (OFPPT, entreprises, Chambres de commerce, ministères…). La création d’un baccalauréat professionnel ainsi que le développement d’une offre de formation pour des métiers et des secteurs porteurs comme l’automobile et les énergies renouvelables ont également donné une image valorisante à la formation professionnelle au Maroc, fait savoir la CFCIM.
Chômage des diplômés de la Formation Professionnelle
Dans son étude, « Formation et emploi au Maroc », publiée en mai 2018, le Haut-Commissariat au Plan (HCP) montre, lui aussi, le décalage existant entre l’offre de formation professionnelle et les besoins du marché : « Le chômage des diplômés de la formation professionnelle augmente de 21% parmi les diplômés d’initiation professionnelle, à 26% parmi les diplômés spécialisés, à 29% parmi les qualifiés et à près de 27% parmi les techniciens spécialisés.
Au total, le rendement externe de la formation professionnelle montre sans équivoque un niveau de performance problématique, aussi bien au plan qualitatif que quantitatif, comparé à celui de l’enseignement en général ». Le HCP n’hésite pas à parler de déclassement principalement dû à « la faible adéquation des diplômés à l’offre d’emplois » ainsi qu’à « la faiblesse du niveau et de la diversité de cette offre », ajoute la CFCIM.
Les réformes engagées
Pour faire face à ces dysfonctionnements, la CFCIM rappelle que la formation professionnelle a connu plusieurs réformes. C’est le cas du projet des Cités des Métiers et des Compétences, lancé en 2019 par SM le Roi. Doté d’un budget de 3,6 milliards de dirhams, ce projet vise à développer la formation professionnelle et surtout à la mettre en adéquation avec les besoins économiques. En pratique, le projet doit aboutir à la construction de douze Cités des Métiers et des Compétences, soit une dans chacune des régions du pays à l’horizon 2023-2024.
109 filières supprimées
Dans la même veine, la CFCIM indique qu’en début d’année, le ministre de la tutelle, Saaïd Amzazi, annonçait la suppression de 109 filières en raison de « leur incapacité à offrir des débouchés ». « 15% seulement de la totalité des formations existantes seront ainsi préservées tandis que 43% des filières seront mises à jour. Les nouvelles filières qui seront lancées représenteront quant à elles 42% de l’offre de formation », ajoute la CFCIM.
De nouvelles branches seront étudiées dans les centres de FP
M. Amzazi a annoncé, par la même occasion, qu’il sera procédé « à l’ouverture sur de nouveaux secteurs tels que la santé, le numérique et l’intelligence artificielle, l’agriculture, l’artisanat et la pêche maritime ». Il a, par ailleurs, fait savoir qu’en 2020 le département de la Formation Professionnelle a effectué pas moins de cinq études « en matière de guides des métiers et de l’artisanat et de référentiels pour les métiers et les compétences » et que d’autres études sectorielles sont en cours.
« Le Maroc doit pouvoir offrir des ressources humaines qualifiées »
En principe, comme le souligne Jean- Pascal Darriet, président de la CFCIM, ces réformes devraient améliorer à la fois l’employabilité des bénéficiaires et mieux répondre aux attentes des recruteurs. « Les entreprises seront ainsi plus largement impliquées dans le processus de formation pour proposer une offre en phase avec leurs besoins en compétences.
Beaucoup d’entreprises ont d’ailleurs pris l’initiative de créer leur propre académie afin de former « sur mesure » leurs salariés et leurs recrues. Auprès des jeunes, ces parcours doivent également être valorisés, car ils souffrent parfois d’une mauvaise image. Ils donnent pourtant accès à des filières d’excellence et, surtout, ils garantissent une insertion rapide dans le monde du travail », estime Jean-Pascal Darriet.
« La formation professionnelle est un rouage essentiel pour construire la compétitivité d’un pays. C’est pourquoi, dans l’optique de consolider son positionnement de hub africain, le Maroc doit pouvoir offrir aux investisseurs des ressources humaines qualifiées dans les secteurs de pointe », conclut-il.
A. CHANNAJE
Un système inadapté
Dans son rapport « Formation professionnelle initiale : Clés pour la refondation » publié en mars 2019, le Conseil Supérieur de l’Education, de la Formation et de la Recherche Scientifique (CSEFRS) a indiqué que le dispositif de la formation professionnelle (FP) est globalement « peu valorisé », du fait que : -La FP est perçue par les concernés eux-mêmes comme « un parcours réservé aux élèves en situation d’échec scolaire »; -Le système accuse « une faible capacité à démontrer les possibilités qu’il offre en matière d’inclusion sociale et de réussite professionnelle »; -Les employeurs reprochent aux lauréats de la FP un « déficit en expérience et en stages », regrettent la faible connexion avec l’entreprise et « soulignent le manque d’équipements et des nouvelles technologies dans les différents centres ». Autrement dit, la FP est considérée, aussi bien par les stagiaires que les employeurs, comme étant un système « dépassé » et « sans aucune issue possible pour une promotion sociale ».