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Les ODD à l’épreuve du Covid-19 : Il faut transformer cette épreuve planétaire en opportunité


Rédigé par Bouteina BENNANI Jeudi 21 Mai 2020

La pandémie qui frappe les pays, sans distinction, retarde l’activité économique comme elle montre les pistes des réformes dans le cadre des ODD qui pourraient ne pas se réaliser à l’horizon 2030.



-La date butoir de l’atteinte des ODD est mise à l’épreuve en cette période de pandémie. Aucun pays ne peut prétendre réaliser, à temps, ce qu’il a entamé. Qu’en pensez-vous ?

Les ODD à l’épreuve du Covid-19 : Il faut transformer cette épreuve planétaire en opportunité
-En effet, la situation est préoccupante car la pandémie ne touche pas que le secteur de santé mais a des répercussions multisectorielles nationales, régionales et globales.

Pour ce qui est de la santé, la pandémie provoque un défaut ou un retard d’accès à certains services de santé essentiels, allant des services de vaccination, de santé reproductive, maternelle ou infantile, à la prise en charge de maladies telles que les cancers et d’autres maladies chroniques.

Sur le plan économique, la pandémie du COVID-19 a d’abord perturbé l’économie chinoise. Avec les mesures de confinement dans tous les pays, cette situation touche l’économie mondiale. L’évolution de la maladie et son impact économique sont très incertains, ce qui rend difficile la formulation de réponses politiques et économiques appropriées. Cet impact est visible sur les résultats macroéconomiques et les marchés financiers avec également beaucoup de retentissements sur le plan social. Les difficultés économiques vont également affecter le bien-être des ménages, en particulier ceux vivant juste au-dessus du seuil de pauvreté. Même un léger choc négatif peut repousser ce groupe dans la pauvreté.

-La pandémie Covid 19 en cache une autre, celle de la violence au foyer à l’égard des femmes, comme elle va retarder l’atteinte des ODD, en particulier dans la santé et l’éducation ?

-L’épidémie de COVID19 et les mesures nécessaires de confinement vont de pair avec ce qu’on appelle la pandémie cachée: la violence à l’égard des femmes et des filles. Le manque d’accès aux services de base pour ces victimes impacte non seulement leur santé mentale mais aussi leur santé physique et leur sécurité. Une autre population très vulnérable est celle des réfugiés et des migrants qui vivent dans des conditions difficiles, pour ce qui est des mesures de protection ou d’accès aux services sociaux. Nous savons également que la situation sanitaire va affecter de façon plus prononcée les personnes vivant avec un handicap ou une maladie chronique. Ainsi l’impact de la pandémie va se ressentir sur toutes les catégories de population les plus vulnérables.

Les conséquences de la pandémie ne sont pas seulement visibles sur l’ODD santé, mais risquent de retarder l’atteinte de tous les ODD, non seulement au Maroc, mais partout ailleurs. Il s’agit bien d’un phénomène global. Cependant, même si ce constat peut paraître alarmant, les leçons de la crise peuvent aussi nous aider à penser les réformes de façon plus ambitieuse. La crise a mis l’accent sur les coûts que les pays pourraient éviter en investissant davantage dans les systèmes de santé publique dans toutes les économies, mais en particulier dans les économies les moins développées avec des systèmes de santé fragiles où la densité de la population est élevée. Il s’agit donc de transformer cette épreuve en opportunité et de relever le défi que nous lance ce virus. Les indicateurs des développements durables vont certes accuser un retard, mais la vision que les ODD véhiculent, centrée sur la personne, promouvant le partenariat, la prospérité et la paix à l’échelle de notre planète restent plus que jamais de mise.

-La crise sanitaire a mis à nu les systèmes sanitaires, en moyens matériels et logistiques, autant qu’en ressources humaines. Les pays qui se considéraient comme ayant des systèmes protecteurs ont échoué. Ne devrait-il pas y avoir une reconsidération de la santé pour tous ?

En effet, cette crise a révélé les faiblesses des systèmes de santé les plus développés face à la crise. Nous savons que bon nombre des systèmes de santé étaient déjà en crise avant l’arrivée de la pandémie. L’OMS prévient déjà depuis bon nombre d’années que la situation des ressources humaines en santé est critique dans le monde entier, avec une pénurie globale et une dépréciation des forces de première ligne comme le personnel infirmier ou les aides-soignants. De même, nous soulignons depuis des années le danger de systèmes sous-financés et nous faisons un plaidoyer auprès de tous les états pour une augmentation de l’allocation des ressources à la santé, en tenant compte des investissements les plus pertinents comme les ressources humaines, la prévention, l’intégration des soins centrés sur la personne.

Nous plaidons également pour des réformes de la gouvernance, qui tiennent compte de la participation citoyenne, de la nécessité d’autonomie de certains acteurs, de l’intégration du secteur privé. Et enfin, nous insistons sur la dimension multisectorielle de la santé, non seulement parce que la santé a une répercussion sur l’équité, l’éducation ou le développement économique, mais aussi parce que les politiques publiques et les investissements privés dans tous les secteurs ont une répercussion sur la santé de la population. Cette crise tragique amplifie tous ces problèmes que nous dénonçons depuis toujours, en plaidant pour que les réformes tiennent compte de ces éléments, qui sont valables au Maroc comme ailleurs, dans des proportions variables. Nous espérons qu’à la sortie de la crise, les réformes pourront tenir compte des leçons de la pandémie pour être orientées vers la résolution de ces défis.

-Ceci sur un plan global, qu’enest-il spécifiquement du Maroc ? Comment appréciez-vous à l’OMS les efforts fournis par le Royaume en matière de santé face à la pandémie ?

-Dans le cas du Maroc, la crise a uni les acteurs au niveau national et a positionné la question de la santé plus-haut dans les priorités du pays. Nous avons vu les ressources mobilisées pour la santé pour faire face à la crise ce qui prépare le terrain à une réflexion nationale sur le devenir du système de santé après la crise. La fenêtre d’opportunité qui se profile demeure une combinaison de facteurs favorisants. D’abord, un soutien politique, vu l’importance accordée par Sa Majesté le Roi à la refonte du système de santé et à la création de la Commission Nationale relative au nouveau modèle de développement pour le Maroc. Ensuite, une solidarité nationale traduite par la création du fonds Covid-19, qui peut constituer un investissement initial dans une transformation du système de santé. Ces facteurs viendront augmenter les chances de voir émerger une vision partagée d’une réforme solide, à condition d’exploiter le Momentum de la crise pour proposer des solutions pérennes en matière d’amélioration de la santé de la population. Des questions comme le rôle de l’Etat dans la garantie de la santé, la place de l’hôpital et l’amélioration de la qualité des soins aussi bien que l’accessibilité, le positionnement des soins de santé primaires comme moyen efficient de l’offre de soins, le partenariat public privé, les fonctions essentielles de santé publique et une stratégie nationale des ressources humaines seront sans doute des thèmes qui vont occuper l’espace de débats politiques après la crise.

La pandémie a démontré que face à une menace comme celle du Covid-19, la santé pour tous s’impose comme une évidence, car à travers une protection des individus, sans exception, la santé de la population entière peut être préservée. Sous-jacent à la santé pour tous, réside la notion du droit à la santé qui doit être préservé non seulement comme droit individuel mais également comme droit collectif surtout au moment d’une crise sanitaire. Le droit à la santé inclut également de prévoir les moyens nécessaires pour qu’à la fois, en temps normal qu’en temps de crise le système de santé, puisse apporter un soutien à toute la population dans l’équité. A partir de là, la garantie de ce droit implique également une protection financière pour assurer la continuité des services de santé au moment des crises.

-Le déconfinement n’est, pour le moment, pas la solution adéquate, car les risques de deuxième vague poussent à la prudence. Que restet-il à faire, surtout que la crise économique prend de l’ampleur?

-Selon les directives de l’OMS, les scenarios les plus courants et les plus plausibles de déconfinement sont effectivement basés sur le risque de vagues successives, ou sur un schéma de transmission basse mais continue. Le déconfinement, tout comme le confinement est une décision souveraine des pays et doit tenir compte du contexte, mais nous pensons que certains principes peuvent guider ces décisions : les mesures doivent être graduelles, commençant par les zones où l’incidence est faible, espacées si possible de deux semaines pour tenir compte de la période d’incubation. Il est important de tenir compte des populations les plus vulnérables et qu’elles soient centrales dans la prise de décision. Le système de surveillance doit s’intensifier, le système hospitalier doit rester préparé, les mesures de distanciation physiques doivent être mises en place. Et enfin, les communautés, le public doit être engagé dans la transition, pour la comprendre et l’adopter en toute sécurité.

Propos recueillis par
Bouteina BENNANI 

Repères

L’objectif 3 : Donner aux individus les moyens de vivre une vie saine
Au cœur de l’Agenda 2030, 17 Objectifs de développement durable (ODD) ont été fixés. Ils couvrent l’intégralité des enjeux de développement dans tous les pays tels que le climat, la biodiversité, l’énergie, l’eau, la pauvreté, l’égalité des genres, la prospérité économique ou encore la paix, l’agriculture, l’éducation… Le troisième objectif vise à assurer la santé et le bien-être de tous, en améliorant la santé procréative, maternelle et infantile, en réduisant les principales maladies transmissibles, non transmissibles, environnementales et mentales. D’ici à 2030, il a été fixé de faire passer le taux mondial de mortalité maternelle au-dessous de 70 pour 100 000 naissances vivantes et de ramener la mortalité néonatale à 12 pour 1 000 naissances vivantes au plus et la mortalité des enfants de moins de 5 ans à 25 pour 1 000 naissances vivantes au plus.

L’objectif 4 : Cibler une éducation de qualité
Le quatrième objectif vise à garantir l’accès à tous et toutes à une éducation équitable, gratuite et de qualité à travers toutes les étapes de la vie. D’ici à 2030, il a été décidé de faire en sorte que toutes les filles et tous les garçons suivent, sur un pied d’égalité, un cycle complet d’enseignement primaire et secondaire gratuit et de qualité, qui débouche sur un apprentissage utile. Mais aussi, de faire en sorte que toutes les filles et tous les garçons aient accès à des activités de développement et de soins de la petite enfance et à une éducation préscolaire de qualité qui les préparent à suivre un enseignement primaire








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