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Maroc-Allemagne : Le Royaume impose le canal diplomatique


Rédigé par Hajar LEBABI Mercredi 3 Mars 2021

Après une longue période d’ambiguïté, les relations entre le Maroc et l’Allemagne prennent une tournure inattendue. Le ministère des Affaires étrangères du Royaume a décidé de suspendre tout contact avec l’ambassade de la RFA à Rabat.



Maroc-Allemagne : Le Royaume impose le canal diplomatique
Cela fait déjà un bon moment que les relations entre Rabat et Berlin ne sont pas au beau fixe, mais c’est la première fois que les choses prennent des allures de divorce. Dans une lettre adressée au Chef du gouvernement ainsi qu’à l’ensemble des membres du gouvernement, le ministre des Affaires étrangères, Nasser Bourita, a annoncé qu’en «raison des malentendus profonds avec la République Fédérale d’Allemagne au sujet des questions fondamentales du Royaume du Maroc, les départements ministériels et l’ensemble des organismes qui relèvent de leurs tutelles, sont priés de bien vouloir suspendre tout contact, interaction ou action de coopération, en aucun cas ou sous aucune forme». 

Une suspension qui concerne aussi bien l’Ambassade d’Allemagne que les organismes de coopération et les fondations politiques allemandes qui lui sont liés.

Bourita précise encore que « toute dérogation à cette suspension ne pourra se faire que sur la base d’un accord préalable explicite du ministère des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains Résidant à l’Etranger ».

Il y a lieu de noter que « le ministère des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains Résidant à l’Etranger a, également, pris la décision de suspendre tout contact ou démarche avec l’Ambassade d’Allemagne au Maroc », lit-on dans la lettre.

« Le Maroc souhaite préserver sa relation avec l’Allemagne, mais c’est une forme d’alerte exprimant un malaise sur de nombreuses questions », a confirmé à l’AFP un haut responsable du ministère des Affaires étrangères joint par l’AFP lundi soir.

« Il n’y aura pas de contact tant que des réponses ne seront pas apportées sur différentes questions qui ont été posées », a-t-il dit.

Des turbulences qui datent

Cette lettre fuitée de Bourita interroge à plusieurs titres, premièrement, du fait qu’elle intervient après une série de prises de position non justifiées de la part de Berlin sur la question du Sahara. Au moment où l’initiative d’autonomie présentée par le Maroc en vue de trouver une solution au conflit artificiel autour du Sahara marocain bénéficie d’un soutien international croissant et que plusieurs pays soutiennent l’intégrité territoriale du Royaume, l’Allemagne campe dans sa position, non-seulement ambigüe, mais hostile à la cause nationale. Pour ne prendre que l’exemple le plus récent, le ministère fédéral allemand des Affaires étrangères a indiqué dans un communiqué, diffusé le 11 décembre, que «la position du gouvernement allemand sur le conflit du Sahara occidental n’a pas changé. Nous sommes déterminés à parvenir à une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable sous la médiation des Nations Unies ». 

D’ailleurs, au lendemain de la décision américaine de la marocanité du Sahara, l’Allemagne a convoqué une réunion du Conseil de Sécurité pour parler dudit dossier. Outre la position officielle de Berlin, Andreas Schieder, nouvellement désigné à la tête de l’intergroupe sur le Sahara au Parlement européen, a appelé le 26 février l’Union Européenne à réagir face à ce qu’il a appelé « les exactions du Maroc ». Une campagne anti-Maroc, absolument incontestée par le gouvernement allemand. Cette position défavorable aux intérêts suprêmes du Royaume pourrait justifier et motiver la suspension des relations avec l’ambassade à Rabat.

Par ailleurs, l’affaire des fondations allemandes actives au Maroc pourrait également expliquer la décision marocaine. Rappelons qu’en 2019, Rabat et Berlin s’apprêtaient à conclure un nouveau « Partenariat pour les réformes », doté d’une enveloppe financière de 571 millions d’euros sur la période 2020-2022. Le mémorandum avait été signé le 29 novembre de la même année, en Allemagne, entre le ministre des Finances, Mohamed Benchaâboun, et le ministre allemand de la coopération économique et du développement, Gerd Müller

Toutefois, les négociations auraient été suspendues du fait que l’accord en question prévoyait de donner à certaines fondations (Friedrich Naumann, Friedrich Ebert, Konrad Adenauer, Heinrich Böll, Hanns Seidel) un statut spécial.

Les ministres de l’Intérieur, Abdelouafi Laftit, et des Affaires étrangères, Nasser Bourita, auraient fait barrière à l’octroi de ce statut, et ce, du fait que le Royaume reprocherait aux fondations en question une certaine «ingérence dans les affaires intérieures», qui se traduit concrètement par le financement de certaines associations situées au Maroc.

Hajar LEBABI 

Repères

Le ras-le-bol de la diplomatie marocaine
Après la décision de suspendre tout contact avec l’ambassade d’Allemagne, l’ensemble des échanges entre les deux pays, peu importe leur nature, devrait impérativement passer par le canal diplomatique. En effet, le Royaume estime que sa relation avec un autre pays doit être maintenue dans sa globalité. Dans ce sens, la coopération entre l’Allemagne et le Maroc ne doit pas se limiter aux échanges liés à l’économie ou à l’agriculture, mais doit également toucher au volet politique. 
Fondations allemandes/ Bras armés d’une guerre d’influence
581 millions d’euros, tel est le montant des subventions publiques accordées, en 2017, aux fondations politiques allemandes. Elles sont, à ce titre, beaucoup mieux financées que les partis politiques dont elles sont proches, qui ne peuvent bénéficier, selon la loi allemande, de plus de 190 millions d’euros annuellement. Vu que siègent dans les Conseils d’administration de ces fondations des dirigeants des formations politiques dont elles émanent et comme le montant qui leur est annuellement alloué est débattu entre leurs représentants et les membres de la commission budgétaire du Bundestag, issus des mêmes partis, cette situation fait grincer des dents les contribuables d’outre Rhin. Les actions à l’étranger de ces fondations sont financées par le ministère des Affaires étrangères et celui de la coopération économique et du développement.








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