Très attendu, l’avis consultatif du Conseil de la Concurrence sur la réforme du cadre légal relatif aux délais des paiement a été rendu public, mardi. Après un examen approfondi et après avoir pris en compte des appréciations de toutes les parties concernées, le Conseil d’Ahmed Rahhou a fini par donner un avis favorable au projet de loi n° 69.21 modifiant et complétant la loi n° 15.95, formant Code de commerce et édictant des dispositions particulières relatives aux délais de paiement, telle qu’elle a été modifiée et complétée. Une réforme portée par le ministère de l’Industrie et du Commerce, censée améliorer les délais de paiement aussi bien dans le secteur public que le secteur privé. L’objectif est de réduire les délais par des dispositions plus contraignantes aux entreprises récalcitrantes. Les retards de paiements ont pris des proportions telles que leurs effets se font sentir sur l’économie nationale.
Délais : les entreprises publiques se portent mieux
Toutefois, une amélioration palpable a été ressentie ces dernières années, surtout dans le secteur public. En témoignent les données de l’Observatoire des Délais de Paiements qui font état d’une baisse de la durée moyenne de paiement des marchés publics en ce qui concerne la commande publique.
Ce délai est passé de 146 jours en 2016 à 39 jours en 2018. Ceci dit, entre 2016 et 2019, le délai a été réduit de 107 jours. Les Etablissements et entreprises publiques (EEP) qui se taillent la part du lion dans les investissements de l’Etat (50%) ont, pour leur part, fait un effort au cours des quatre dernières années où leurs délais sont passés de 55,9 jours en 2018 à 36,1 jours à fin 2021. Ceci est dû en partie, selon le Conseil d’Ahmed Rahhou, à la numérisation des procédures et notamment la suppression totale du caractère matériel des échanges de factures par les prestataires de l’État.
A quoi s’ajoute la mise une place d’une plateforme électronique AJAL, dédiée à la réception et au traitement des réclamations des prestataires des EEP. Si le public se porte plutôt bien, le secteur privé, plus concerné par cette problématique, demeure paralysé par les retards, en faisant de ce phénomène « un sport national généralisé », selon l’expression du rapport. Les chiffres cités sont assez parlants. Les crédits interentreprises ont atteint près de 392 MMDH en 2018, et sont estimés aujourd’hui à environ 420 MMDH, soit un montant supérieur à l’ensemble des crédits bancaires octroyés aux entreprises privées (352 MMDH). Un chiffre vertigineux.
Citant les données de Bank-Al-Maghrib, l’avis du Conseil indique que les entreprises dépassent de 45 jours le délai légal (60 jours). Le délai moyen pour les fournisseurs est de 105 jours tandis que les clients mettent plus de temps pour payer leurs factures (152 jours en moyenne). L’analyse du Conseil de la Concurrence permet de relever un phénomène particulier qui mérite qu’on s’y arrête. Moins la taille de l’entreprise est grande, plus le délai est élevé.
« L’analyse des niveaux de délais de paiement par taille d’entreprise, montre qu’en termes de délais clients, ces derniers sont de l’ordre de 92 JCA pour les grandes structures, de 107 JCA pour les PME et de 157 JCA pour les TPE », explique le rapport. Donc, les TPE et les PME sont les plus touchées par la problématique des délais de paiement.
Pour parer à ces dysfonctionnements aux enjeux décisifs sur l’économie nationale, le gouvernement a choisi la rigueur puisque la réforme introduit des sanctions pécuniaires (à hauteur de 3% du montant de la facture hors TVA) à l’encontre des entreprises dépassant les délais réglementaires. en ce qui concerne la déclaration des factures. A quoi s’ajoutent la révision du processus de facturation et l’institution du dépôt électronique des factures au niveau des EEP.
En détail, la réforme instaure une grille de sanctions et fixe un délai maximum entre la date du service rendu et celle de la facture, et ce, à l’exception des secteurs qui présentent certaines spécificités et qui ont droit à un délai dérogatoire (180 jours). En plus de ça, la réforme oblige les entreprises à déclarer annuellement l’état des factures non payées ou payées hors délais légaux. Elle plafonne également le délai établi d’un commun accord entre les parties (90 jours sachant que ce délai n’était pas plafonné auparavant)
Le Conseil approuve mais demeure critique sur l’équité des sanctions
Prenant acte de ces nouvelles dispositions contraignantes pour les entreprises, le Conseil de la Concurrence a approuvé le projet de loi, et ce, pour plusieurs raisons. D’abord, le projet de loi a été élaboré par une approche participative, reconnaît le Conseil qui fait état de la satisfaction des représentants du monde économique. Le Conseil voit d’un bon oeil l’encadrement légal des délais qui est, à ses yeux, « un des outils favorables au développement du jeu de la concurrence ».
Aussi, la nouvelle loi est-elle un élément de sécurité économique pour les entreprises et donnera un signal positif aux investisseurs aussi bien nationaux qu’étrangers. Comme la loi ne concerne pas les entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 2MDH et comme ses dispositions ne s’appliquent pas aux factures de moins de 10.000 DH, une grande partie des entreprises sont épargnées du nouveau dispositif de sanction. De quoi préoccuper le Conseil d’Ahmed Rahhou qui s’interroge sur ces exceptions dans la mesure où les TPME avec des factures inférieures à 10.000 DH sont les plus concernées par le non-respect des délais.
Sur ce point, le Conseil est catégorique : il faut que les amendes s’appliquent à toutes les factures sans seuil minimal. Toujours sur les sanctions, le Conseil critique l’absence de mécanisme de protection de la partie lésée qui puisse lui dédommager du préjudice dû au retard de paiement.
Aussi, le Conseil souligne quelques risques concurrentiels liés au mode de calcul des amendes qui s’appliquent de la même façon à des entreprises de tailles différentes, ce qui peut avantager une grande entreprise sur une autre de moindre taille dans un seul marché. Pour amender et rendre plus équitable le régime des sanctions, le Conseil préconise de revoir la méthode de fixation des sanctions pécuniaires de telle sorte qu’elles soient proportionnées par rapport aux montants des factures.
Aussi, le Conseil recommande-t-il d’exclure les factures contestées (faisant l’objet d’un contentieux au tribunal). Par ailleurs, le Conseil trouve judicieux d’instaurer une déclaration globale aussi bien des factures reçues que des factures émises et recommande d’établir un cadre clair et précis définissant les conditions d’octroi des exonérations de paiement des amendes pécuniaires.
Délais : les entreprises publiques se portent mieux
Toutefois, une amélioration palpable a été ressentie ces dernières années, surtout dans le secteur public. En témoignent les données de l’Observatoire des Délais de Paiements qui font état d’une baisse de la durée moyenne de paiement des marchés publics en ce qui concerne la commande publique.
Ce délai est passé de 146 jours en 2016 à 39 jours en 2018. Ceci dit, entre 2016 et 2019, le délai a été réduit de 107 jours. Les Etablissements et entreprises publiques (EEP) qui se taillent la part du lion dans les investissements de l’Etat (50%) ont, pour leur part, fait un effort au cours des quatre dernières années où leurs délais sont passés de 55,9 jours en 2018 à 36,1 jours à fin 2021. Ceci est dû en partie, selon le Conseil d’Ahmed Rahhou, à la numérisation des procédures et notamment la suppression totale du caractère matériel des échanges de factures par les prestataires de l’État.
A quoi s’ajoute la mise une place d’une plateforme électronique AJAL, dédiée à la réception et au traitement des réclamations des prestataires des EEP. Si le public se porte plutôt bien, le secteur privé, plus concerné par cette problématique, demeure paralysé par les retards, en faisant de ce phénomène « un sport national généralisé », selon l’expression du rapport. Les chiffres cités sont assez parlants. Les crédits interentreprises ont atteint près de 392 MMDH en 2018, et sont estimés aujourd’hui à environ 420 MMDH, soit un montant supérieur à l’ensemble des crédits bancaires octroyés aux entreprises privées (352 MMDH). Un chiffre vertigineux.
Citant les données de Bank-Al-Maghrib, l’avis du Conseil indique que les entreprises dépassent de 45 jours le délai légal (60 jours). Le délai moyen pour les fournisseurs est de 105 jours tandis que les clients mettent plus de temps pour payer leurs factures (152 jours en moyenne). L’analyse du Conseil de la Concurrence permet de relever un phénomène particulier qui mérite qu’on s’y arrête. Moins la taille de l’entreprise est grande, plus le délai est élevé.
« L’analyse des niveaux de délais de paiement par taille d’entreprise, montre qu’en termes de délais clients, ces derniers sont de l’ordre de 92 JCA pour les grandes structures, de 107 JCA pour les PME et de 157 JCA pour les TPE », explique le rapport. Donc, les TPE et les PME sont les plus touchées par la problématique des délais de paiement.
Pour parer à ces dysfonctionnements aux enjeux décisifs sur l’économie nationale, le gouvernement a choisi la rigueur puisque la réforme introduit des sanctions pécuniaires (à hauteur de 3% du montant de la facture hors TVA) à l’encontre des entreprises dépassant les délais réglementaires. en ce qui concerne la déclaration des factures. A quoi s’ajoutent la révision du processus de facturation et l’institution du dépôt électronique des factures au niveau des EEP.
En détail, la réforme instaure une grille de sanctions et fixe un délai maximum entre la date du service rendu et celle de la facture, et ce, à l’exception des secteurs qui présentent certaines spécificités et qui ont droit à un délai dérogatoire (180 jours). En plus de ça, la réforme oblige les entreprises à déclarer annuellement l’état des factures non payées ou payées hors délais légaux. Elle plafonne également le délai établi d’un commun accord entre les parties (90 jours sachant que ce délai n’était pas plafonné auparavant)
Le Conseil approuve mais demeure critique sur l’équité des sanctions
Prenant acte de ces nouvelles dispositions contraignantes pour les entreprises, le Conseil de la Concurrence a approuvé le projet de loi, et ce, pour plusieurs raisons. D’abord, le projet de loi a été élaboré par une approche participative, reconnaît le Conseil qui fait état de la satisfaction des représentants du monde économique. Le Conseil voit d’un bon oeil l’encadrement légal des délais qui est, à ses yeux, « un des outils favorables au développement du jeu de la concurrence ».
Aussi, la nouvelle loi est-elle un élément de sécurité économique pour les entreprises et donnera un signal positif aux investisseurs aussi bien nationaux qu’étrangers. Comme la loi ne concerne pas les entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 2MDH et comme ses dispositions ne s’appliquent pas aux factures de moins de 10.000 DH, une grande partie des entreprises sont épargnées du nouveau dispositif de sanction. De quoi préoccuper le Conseil d’Ahmed Rahhou qui s’interroge sur ces exceptions dans la mesure où les TPME avec des factures inférieures à 10.000 DH sont les plus concernées par le non-respect des délais.
Sur ce point, le Conseil est catégorique : il faut que les amendes s’appliquent à toutes les factures sans seuil minimal. Toujours sur les sanctions, le Conseil critique l’absence de mécanisme de protection de la partie lésée qui puisse lui dédommager du préjudice dû au retard de paiement.
Aussi, le Conseil souligne quelques risques concurrentiels liés au mode de calcul des amendes qui s’appliquent de la même façon à des entreprises de tailles différentes, ce qui peut avantager une grande entreprise sur une autre de moindre taille dans un seul marché. Pour amender et rendre plus équitable le régime des sanctions, le Conseil préconise de revoir la méthode de fixation des sanctions pécuniaires de telle sorte qu’elles soient proportionnées par rapport aux montants des factures.
Aussi, le Conseil recommande-t-il d’exclure les factures contestées (faisant l’objet d’un contentieux au tribunal). Par ailleurs, le Conseil trouve judicieux d’instaurer une déclaration globale aussi bien des factures reçues que des factures émises et recommande d’établir un cadre clair et précis définissant les conditions d’octroi des exonérations de paiement des amendes pécuniaires.
Anass MACHLOUKH