L'Opinion Maroc - Actuali
Consulter
GRATUITEMENT
notre journal
facebook
twitter
youtube
linkedin
instagram
search



Actu Maroc

Irrigation agricole : Ultime riposte face à une année « désastreuse » [INTÉGRAL]


Rédigé par Rime TAYBOUTA Mercredi 22 Janvier 2025

​Alors que nous entamons officiellement le deuxième mois de l’hiver, la saison semble aussi sèche que l’automne passé, avec un déficit pluviométrique alarmant estimé à près de 70% au niveau national. Une situation qui ravage les stocks hydriques du Royaume, notamment les réserves des barrages à usage agricole dont le volume a atteint 3,71 milliards de m³, soit un taux de remplissage de 26%, selon le bilan dévoilé, lundi, au Parlement par le ministre de tutelle Ahmed El Bouari.



Le déficit pluviométrique ravage les stocks hydriques et les réserves des barrages à usage agricole.
Le déficit pluviométrique ravage les stocks hydriques et les réserves des barrages à usage agricole.
70% de ces réserves sont concentrés dans les bassins du Sebou et du Loukkos, sachant que 722 millions de m³ d'eau ont été alloués au soutien des périmètres de grande hydraulique, afin de donner un coup de pouce aux zones agricoles à fort potentiel et en besoin urgent de ressources. Mais, cela n’empêche que ces réserves sont loin de répondre aux besoins d’un secteur agricole qui s’en sort difficilement. 
 
Selon le ministre de l’Agriculture, de la Pêche maritime, du Développement rural et des Eaux et Forêts, Ahmed El Bouari, l'irrigation a démarré dans le Loukkos, le Gharb, la Moulouya, Tafilalet et Ouarzazate, avec une intensité réduite à Tadla, ce qui représente près de 52% de la superficie totale des périmètres de grande hydraulique. Cependant, dans les périmètres de Doukkala, Al-Haouz et Souss-Massa, la situation reste tributaire de l'amélioration des réserves de leurs barrages, ce qui permettra de déterminer un programme d'irrigation adéquat auxdites zones.

 
Mesures d’urgence
 

Le ministre rassure que face au déficit hydrique dans plusieurs zones irriguées, les départements de tutelle ont engagé une batterie de mesures pour rationaliser l'utilisation de l'eau et d'optimiser son exploitation pour assurer la réussite de la campagne agricole en cours.
 
Il s’agit en l’occurrence de la programmation et de l'accélération de la réalisation de plusieurs stations de dessalement de l'eau de mer, chantier chapeauté par le ministère de l’Equipement et de l’Eau et dont l’objectif est de mobiliser plus de 1,7 milliard de m³ d'eau dessalée d'ici 2030. La station la plus avancée est celle de Dakhla, avec un taux d’avancement de 70% et dont la capacité de traitement est estimée à 37 millions de m³ par an. La plus prometteuse reste celle de Casablanca, d'une capacité de 300 millions de m³, dont 50 millions dédiés à l'irrigation.
 
Par ailleurs, une nouvelle station est prévue à Souss-Massa, a rappelé le ministre, avec une capacité de 350 millions de m³, dont 250 millions dédiés à l'irrigation, en plus d'autres stations de taille moyenne à Boujdour, Tan-Tan et dans les régions avoisinantes, ainsi que celles de Rabat et Tanger, dont les capacités sont respectivement de 300 et 150 millions de m³. Les mesures d’urgence concernent aussi les projets d'interconnexion des bassins hydrauliques, notamment la liaison du Sebou et du Bouregreg, dont la réalisation a été faite en un temps record de 10 mois, permettant de transférer plus de 580 millions de m³ d'eau par an. Le département de Nizar Baraka met également les bouchées doubles pour l'interconnexion du barrage Oued El Makhazine avec le barrage Dar Khrofa, qui pourrait assurer un approvisionnement de 100 millions de m³ par an. Selon Ahmed El Bouari, ce projet, qui est dans ses phases finales, permettra d'irriguer une superficie estimée à 21.000 hectares à Dar Khrofa.
 
 
Modèle agricole écoresponsable
 

Le ministre a insisté, par ailleurs, sur la nécessité d’aller vers un modèle agricole plus écoresponsable. Dans ce sens, il a annoncé le lancement «pour la première fois», et ce, depuis novembre dernier, d'un programme préliminaire visant à «soutenir la transition vers l'énergie solaire pour le pompage de l'eau d'irrigation» sur une superficie de 51.000 hectares (Ha). Le Fonds de Développement Agricole (FDA) accordera, selon les déclarations d’El Bouari, un soutien financier pour l'acquisition et l'installation de panneaux solaires, de pompes et d'équipements connexes. Cet appui comprend une aide financière allant jusqu'à 30% du coût d'achat et d'installation des équipements, avec un plafond de 30.000 dirhams par projet.
 
Revenant sur les stations de dessalement, futurs piliers de l’irrigation nationale, le ministre a affirmé que, conformément aux Hautes Orientations Royales, toutes seront alimentées par des énergies renouvelables, à l'image de la station de Dakhla, équipée d'énergie éolienne qui permettra la création d'un périmètre irrigué de 5.000 Ha dans la zone.
 
Dans cette même lignée, il a annoncé que les futurs projets et programmes tiendront compte de l'objectif fixé de 20% de l'énergie totale utilisée dans le secteur agricole, dans le cadre du développement d'une agriculture résiliente face au changement climatique, favorisant l'utilisation des énergies renouvelables pour l'irrigation agricole.

 

Trois questions à Redouane Choukr-Allah : « Nous vivons une année désastre sur le plan hydrique »

Redouane Choukr-Allah, spécialisé en agriculture durable et en ressources hydriques, répond à nos questions.
Redouane Choukr-Allah, spécialisé en agriculture durable et en ressources hydriques, répond à nos questions.
  • Nous sommes en plein hiver, les pluies se font toutefois rares. Quelles sont les perspectives du secteur agricole avec ce retard ?
Nous vivons une année désastre pire que l’année dernière, qui au moins a été sauvée dans le Nord, le Gharb et le Saïss. Cette saison, même ces dernières régions ne connaissent pas de précipitations importantes. Nous ne disposons pas du minimum nécessaire pour développer une culture, surtout les céréales, qui sont l’indicateur le plus probant de la saison agricole. Ce qui inquiète c’est que nous importons pour satisfaire la demande intérieure, mais les mesures pour rétablir structurellement le secteur laissent à désirer. Importer est en effet la solution la plus facile, mais loin d’être la plus durable.

 
  • Les résultats de la filière de maraîchage sont-ils donc menacés à cause des retards des pluies ?
Menacés oui, or, le maraîchage ne dépend pas directement des pluies, mais plutôt des irrigations. Il convient également de noter que la plus grande part du maraîchage au niveau national provient de la région d’Agadir, qui est actuellement dans une situation très critique. Aujourd’hui, de nombreux producteurs vendent leurs exploitations ou carrément les abandonnent, soit par absence totale d’eau ou par manque de ressources. Ceci est le résultat des fortes exploitations des nappes. L’exemple de la région du Haouz est aussi parlant. Le maraîchage et les arbres fruitiers ont dépendu durant ces dernières années des prélèvements de la nappe phréatique, réduisant les réserves de la région. 
 
  • Le dessalement de l’eau de mer permettra-t-il de garantir l’apport nécessaire en eau d’irrigation dans cette région ?
Avec les changements climatiques, la sécheresse est devenue structurelle. Il faut donc prendre des mesures adaptées à cette donne. Le dessalement est en effet une solution pour certains agriculteurs de culture à haute valeur ajoutée, mais ce n’est pas la solution miracle. Il faut d’abord commencer par rationaliser les processus agricoles, en s’attaquant sérieusement à l’anarchie du pompage excessif, car la reconstitution des nappes requiert des années et parfois des siècles.

​ Agriculture solidaire : Lancement d’un projet ambitieux

En plus de son bilan sur la situation hydrique, le ministre de l'Agriculture, de la Pêche maritime, du Développement rural et des Eaux et Forêts, Ahmed El Bouari, a annoncé que les semaines à venir connaîtront le lancement d'un programme «ambitieux» visant à renforcer et à réorienter les projets d'agriculture solidaire, et les consacrer plus efficacement au secteur de l'élevage.
Il a précisé que ce programme, qui bénéficiera à 84% des producteurs à travers les différentes régions du Royaume, adoptera une approche participative avec les organisations professionnelles concernées, tout en accordant, dans une première phase, la priorité aux zones connues pour l'élevage.
 
Il a fait savoir que les grandes lignes de ce programme, qui s'étendra sur trois ans, reposent sur l'amélioration de l'accès des petits agriculteurs à des aliments de qualité à des prix abordables, le renforcement de la disponibilité des fourrages et l'amélioration des pâturages par la plantation d'arbustes fourragers, en plus de l'augmentation de la productivité du cheptel des petits agriculteurs.
 
En outre, ledit programme vise à augmenter la production de viande rouge via l'amélioration des techniques d'élevage en partenariat avec des organisations professionnelles comme l'Association nationale des éleveurs ovins et caprins (ANOC), à améliorer les revenus des petits éleveurs et les inciter à poursuivre leurs activités, ainsi qu'à créer des opportunités d'emploi, notamment pour les jeunes, et à renforcer l'autonomisation économique des femmes en milieu rural, a ajouté le ministre.
 
El Bouari a fait état de l'élaboration d'une procédure simplifiée pour la mise en œuvre de ces projets, comprenant les critères d'éligibilité pour les zones et les bénéficiaires, les étapes précises pour l'exécution des projets et les mécanismes de gouvernance et de suivi.
 

​Hausse des prix : El Bouari s’explique

Ahmed El Bouari a également été interpellé sur le prix des produits agricoles. Il a dans ce sens fait état d’une stabilité du marché pour la majorité des produits agricoles cette année. Le ministre a précisé que son département a mis en œuvre un programme d’urgence visant à soutenir les semences et les plants des cultures de base, céréales, légumes essentiels, betterave sucrière, ainsi que les engrais azotés, ce qui a permis une baisse des prix des légumes de base sur les marchés et une réduction de la pression sur le cheptel national. Dans ce contexte, le ministre a souligné que les prix de plusieurs produits ont enregistré une baisse sur les marchés, précisant qu'en comparaison avec janvier 2024, les prix des tomates ont diminué de 8%, ceux des pommes de terre de 15%, ceux des oignons de 30%, et ceux des œufs de 6%.

Pour les viandes rouges et blanches qui connaissent une hausse des prix, le ministre a souligné que les efforts pour l'importation de bétail et de viande se poursuivent, notant que le champ d'importation a été élargi à plus de 45 pays, avec lesquels des accords de sécurité sanitaire ont été signés. Des discussions ont été engagées avec les responsables de plusieurs pays voisins, notamment en Europe, afin de faciliter toutes les démarches dans ce domaine.