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Interview avec Tahar Saâdoun : « Mon fils est injustement dénigré et il ne retournera pas en Ukraine »


Rédigé par Safaa KSAANI Mercredi 19 Octobre 2022

Volonté de retour en Ukraine, transreligiosité, antipatriotisme… telles sont, entre autres, des «allégations» colportées pour dénigrer Brahim Saâdoun. Le père de l’ex-prisonnier de guerre en Ukraine nous explique les raisons derrière les dits et les non-dits sur son fils.



- D’abord, quel est l’état de santé physique et mentale de Brahim Saâdoun ?

- Au niveau physique, il fait de la rééducation. Il est conseillé par ses médecins traitants de prendre du repos. Pour les psychiatres, il ne doit plus penser aux souvenirs douloureux de l’emprisonnement et de tortures subies. De notre côté, nous essayons de l’aider. Il se rétablit petit à petit.


- Est-ce que Brahim souffre d’un trouble mental ?

- Selon les psychiatres, il n’a aucun trouble mental. Il n’est pas traité d’un point de vue médical. Tous les psychiatres consultés affirment à l’unisson que Brahim n’a pas besoin de médicaments. Il prend juste des remèdes naturels pour trouver le sommeil.


- Racontez-nous comment est devenu Brahim un «combattant» aux côtés de l’armée ukrainienne?

- Avant son emprisonnement, Brahim suivait ses études supérieures en sciences de l’univers et technologies spatiales à l’Institut national des sciences spatiales de Kiev. La crise liée à la pandémie avait créé du chômage et les études se poursuivaient à distance. La seule issue qui se présentait à Brahim, qui est une personne sportive, était les casernes de paramilitaires. D’ailleurs, avant de commencer des études à l’Institut, l’étudiant est un paramilitaire. En 2021, bien avant la guerre entre la Russie et l’Ukraine, Brahim a signé un contrat avec les casernes des marines ukrainiennes. Il est devenu un obligé pour suivre leurs pas, puisqu’il a prêté serment. A Donetsk, il y a des prisons militaires, dont les responsables n’ont pas d’ordres supérieurs à suivre.


- Concernant sa nationalité ukrainienne, certains disent qu’il est marié à une Ukrainienne, d’autres laissent entendre qu’il l’a obtenue de la part des autorités ukrainiennes. Pouvez-vous éclairer l’opinion publique sur ce point ?

- La nationalité ukrainienne est exigée par l’institut pour éviter que ses lauréats ne comptent parmi les fuyards une fois le diplôme en poche. La demande de nationalité ukrainienne a été déposée par Brahim. Mais il ne l’a pas eue. Il n’a jamais été marié. C’est le Britannique Shaun Pinner (un codétenu) qui est marié à une Ukrainienne.


- Quid de son patriotisme et de sa religion ?

- Brahim est très sociable, ce qui dénote sa marocanité, contrairement à ce que beaucoup de gens pensent. Il a subi la torture pour avoir hissé le drapeau marocain et chanté l’hymne marocain. Quand on lui demandait de dire : “Slaba Russia” (vive la Russie, ndlr), Brahim disait : “Vive le Maroc”. Son amour pour la patrie est indiscutable. Il a grandi dans une famille de patriotes. J’étais au service de mon pays et de mon Roi au sein de la Gendarmerie Royale pendant de longues années et des périodes difficiles et sensibles. Des photos emblématiques de la monarchie sont accrochées à la maison. Il a été éduqué à la citoyenneté et à l’amour de son pays.

Concernant la question de la religion, on lui a demandé de lire le Coran. Mais, de peur que ses propos ne soient traduits en langues étrangères et mal interprétés, pour finalement servir à l’accuser d’être fidèle à “l’État islamique” et aux groupes terroristes se réclamant de l’ Islam, Brahim a eu l’idée de renier son appartenance à l’islam, affirmant qu’il était un trans-religieux et qu’il ne connaît pas le Coran.
 
Je tiens à préciser que ses comptes sur Facebook, Instagram et Twitter ont été piratés.

- Dans une publication, Brahim a annoncé un retour en Ukraine. Quel éclaircissement apportez-vous en ce sens ?

- Je tiens à préciser que ses comptes sur Facebook, Instagram et Twitter ont été piratés. Sous menaces, des individus qui souhaitent porter atteinte à l’image de Brahim lui ont subtilisé les mots de passe pour les changer ensuite. Pire, on publie des allégations au nom de Brahim. D’ailleurs, en analysant la publication factice, on y relève la marque d’un rédacteur professionnel. Quand la publication a été diffusée, Brahim et moi étions en train de déjeuner en famille. A ce moment-là, j’ai reçu un appel téléphonique l’informant de ce fait.

D’ailleurs, nous avons demandé la fermeture de ces comptes. C’est en cours. En tout cas, ce qui est sûr, c’est que Brahim ne retournera pas en Ukraine. D’ailleurs, l’Institut où il a étudié près de trois ans a été détruit par la Russie. Il a vécu une expérience qu’il ne souhaite nullement revivre.


- Condamné à mort par les séparatistes pro-russes, le 9 juin dernier, Brahim a été libéré dans le cadre d’un échange entre Moscou et Kiev avec neuf autres prisonniers. Sur le plan juridique, est-ce que le dossier est clos ?

- C’est un virage positif important dans le dossier de mon fils. Pour le moment, Brahim ne peut pas être auditionné. Il n’est pas autorisé par son médecin traitant à parler, que ce soit au Maroc ou ailleurs.


- Dans une interview publiée par RT Online, il avait clairement affiché sa conviction de participer à la lutte contre l’invasion russe en Ukraine... A-t-il été manipulé ?

- Mes déclarations et celles de Brahim pouvaient être en défaveur des prisonniers amis de Brahim. Quand on parle sous la menace d’armes derrière la caméra, on ne peut pas badiner. Il était forcé de dire de fausses choses sur sa religion, ses convictions…Il a été forcé de les dire.


- Quel est le sort de Brahim ? Va-t-il se remettre à ses études ?

- Actuellement, il écrit un mémoire en anglais sur son vécu. Il y aura des surprises. Des pays sont prêts à l’accueillir pour suivre ses études dans sa spécialité.



Recueillis par Safaa KSAANI

Brahim Saâdoun


Après six mois de détention, c’est l’heure de changer d’air
 
Près d’un mois après son retour au bercail, l’étudiant marocain Ibrahim Saâdoun, condamné à mort par les autorités séparatistes de Donetsk en Ukraine, puis gracié, est en période de convalescence. Son père, Tahar Saâdoun, nous a confié que Brahim subit un suivi psychologique en raison de tout ce qu’il a vécu et enduré en Ukraine, et qu’il ne retournera à l’université qu’après l’amélioration de son état psychique. «Il y aura des surprises à ce propos. Des pays sont prêts à l’accueillir pour poursuivre ses études dans les sciences spatiales», nous indique-t-il.

Pour mémoire, Brahim a été libéré dans le cadre d’un échange entre Moscou et Kiev, ayant bénéficié notamment à dix autres prisonniers étrangers. Le ministère saoudien des Affaires étrangères s’était alors félicité du succès de la médiation du prince héritier saoudien, Mohammed ben Salmane.

A cette occasion, Tahar Saâdoun a exprimé sa gratitude aux autorités marocaines et saoudiennes, qui ont déployé énormément d’efforts pour la libération de son fils, en disant : « Riyad et Rabat ont consenti de grands efforts pour sauver mon fils de la peine de mort, et ces efforts ont finalement abouti, nous en remercions SM le Roi Mohammed VI ».

De son côté, le jeune de 21 ans avait déclaré, dans une interview à l’AFP : «Je suis heureux de rentrer à la maison après avoir subi des moments très difficiles durant la guerre». Rappelons que le jeune Ibrahim Saâdoun a été arrêté en avril dernier avec deux Britanniques : Eden Aslin et Sean Penner, pour avoir combattu aux côtés des forces ukrainiennes dans la ville de Marioupol. Il a été condamné à mort par les autorités séparatistes de Donetsk en Ukraine.

S. K.
 








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